Le blog de panpan

Il fit quelque chose à mon cou et ouvrit la fermeture de la cagoule, la séparant du body. Il ouvrit ensuite le body depuis mon cou jusqu'au au milieu du dos et le descendit d'un geste à mes chevilles. J'étais nue, à l'exception de la cagoule. Je sentis qu'il me bouclait quelque chose autour du haut des cuisses, l'une après l'autre. Puis mes poignets ; il attacha mes poignets aux côtés de mes cuisses. Je connais le son de ces petits cadenas par cœur, maintenant. Je pourrais marcher, mais je ne verrai rien et je ne pourrais rien atteindre de mes mains.

            C'était encore pire qu'auparavant, mais il n'en avait pas fini. Il me passa un collier. Il ne le cadenassa pas : je ne pouvais pas l'atteindre. Une autre sangle autour de chaque jambe juste au dessus du genou, lesquelles étaient reliées entre elles de telle façon que je ne pouvais marcher qu'à tout petits pas ; une autre sangle à chaque cheville, une autre encore à chaque coude et une de plus autour de ma taille avec une large courroie entre les jambes, qui m'écartelait les fesses. Je me souvenais de celle-là : il me l'avait déjà mise une fois auparavant. Mais, cette fois-ci, mes coudes étaient attachés à la ceinture.

            Une sangle en travers du dos, sous chaque bras et par dessus chaque épaule, soutenant mes seins, les faisant saillir artificiellement plus qu'ils ne l'auraient fait si je les avais comprimés de mes mains pour les faire paraître plus gros. Il passa encore une autre sangle à l'arrière du collier et la boucla au dos de la ceinture, qu'il tira si fort qu'elle me força à me cambrer encore plus.

            Sangle après sangle après sangle, et je fus de plus en plus contrainte. La dernière partait du devant du collier, passait entre mes seins et au travers d'un anneau de la ceinture ; elle était très tendue, m'appuyant cruellement sur le sexe, obligeant mes lèvres à s'écarter l'une de l'autre. Je ne pouvais quasiment plus bouger : impossible de me pencher, impossible de remuer les bras, et même les coudes ; impossible d'y voir. Mais je ne souffrais pas. Enfin, pas exactement.

            Je pouvais marcher tout doucement, parler, et m'asseoir. Précautionneusement. Je n'étais pas même à l'aise en marchant. Et si j'avais perdu l'équilibre ? À peine lui eus-je posé la question qu'il me bâillonna illico, avec un simple bandeau de tissu attaché serré par dessus la cagoule, qui m'obligeait à garder la bouche ouverte. Je ne m'étais jamais sentie si contrainte et piégée auparavant. Et impossible même de mendier un petit allègement. Mais pourtant je ne souffrais pas.

            D'être impuissante et enclose de cette manière était en fait extrêmement érotique pour moi. Ce l'aurait été encore bien plus si l'image de mon crâne à demi-rasé n'avait pas continué de hanter ma conscience. Le fait d'éprouver des sensations érotiques en de telles circonstances n'est pas ce qu'on s'attend à entendre admettre de la part d'une fille du Middle West ordinaire, je sais. Je me souviens avoir songé qu'il n'aurait dû que m'attacher ainsi plutôt que de faire ça à mes cheveux. Mes pensées revenaient sans cesse à mes cheveux. Chaque fois que pensais directement à eux, mon esprit se dérobait, mais en même temps mes pensées étaient ramenées à mon crâne comme celles d'un oiseau hypnotisé par un serpent (je sais que c'est un cliché de mamie, mais ça décrit bien comment je me sentais). Je ne peux toujours pas aborder l'idée de front, mais je ne peux pas non plus l'ignorer. Je suis inexorablement aspirée par quelque chose que je tente désespérément d'éviter et d'affronter. Le fait d'écrire tout ça m'aide beaucoup, je suppose.

            La plupart du temps, néanmoins, je devais me concentrer pour ne pas perdre l'équilibre. Et si je tombais avec mes bras attachés...

            Mais J prenait bien soin de moi. Il me guida au pied du lit et attacha l'avant de mon collier à quelque chose qui pendait du plafond - j'ignorais quoi. Si je pliais les genoux, mon poids reposait plus sur le milieu de la courroie de mon « string » en cuir que sur mon cou. Même si je m'évanouissais, je ne pouvais ni tomber, ni me faire mal.

            Je ne pouvais que me tenir debout, là.

            « Quand je reviendrais, je te libèrerais de l'une de tes contraintes. Songe bien à ce que tu devras faire pour me faire te libérer de la suivante, » me dit-il. Il me laissa là, debout dans la chambre pour un temps qui me parut durer des heures ; mais ça n'avait certainement duré qu'un petit quart d'heure. Je l'entendis se remuer à la cuisine, et je me mis à réfléchir. Est-ce que c'est bizarre ? Oui. Est-ce que je l'aimais encore ? Oui. Est-ce que je me souciais encore de savoir s'il m'aimait ? Oui. Est-ce que je voulais en finir avec la Liste ? Ça dépendrait de jusqu'où elle pouvait aller, au pire. Et du prix à payer pour y mettre un terme. Ça ne pouvait pas être pire que là. Il n'y avait rien d'autre qu'il puisse me faire qui pût compter. Du moment qu'il s'en tiendrait strictement à la Liste.

            Il m'avait forcée à subir cette dernière étape, ce truc avec mes cheveux. J'étais bâillonné et je ne pouvais pas émettre de protestations. Si je l'avais pu, j'aurais mis fin à la Liste. Je l'aurais vraiment fait, même si je l'avais acceptée. (En fait, je retirais une charge émotive du fait de l'avoir acceptée. J'étais audacieuse et érotisée alors même que j'aurais dû penser avec autre chose que mes glandes.) Après, ce fut trop tard. Ce n'est pas entièrement de ma faute ; on peut trouver une consolation à cela. Et comment pouvait-il savoir que mes fantasmes couchés sur papier ne fussent rien d'autre que de simples fantasmes ? Après tout, j'avais agréé à la Liste. Mais j'avais tort sur un point : cela devait aller en s'empirant.

            La seule conclusion à laquelle je parvins fut que dans le court terme je n'y penserais point. Je coopèrerais avec ses désirs, et puis je leur ferais face. Ce qui signifiait que la première étape consistait à lui plaire, ou du moins à lui faire croire que j'avais envie de lui plaire. Et merde ! pourtant je n'avais pas envie de lui faire plaisir, je voulais juste qu'il me possède. Deux fois merde. Je ne sais pas ce qu'il voulait.

            La seule chose qu'il fit en revenant fut de ne pas enlever la moindre sangle, mais de m'embrasser au travers du bâillon. Doucement, il tira sur les pendentifs qui se balançaient à mes seins renflés. Je savais d'expérience le moment où mes tétons seraient prêts à saillir, sans même savoir ce qui leur arrivait. Il tira un peu plus fort. La sensation était délicieuse : un plaisir intense doublé d'une pas-tout-à-fait-douleur. Ils étaient encore sensibles, mais parfaitement cicatrisés. Avant ça, j'aurais pu dire que tirer sur mes anneaux, à peine et très doucement (il est très doux quand c'est important) eut été absolument verboten. Maintenant, je n'en suis plus si sûre.

            Il accrût sa tension sur mes tétons jusqu'à ce que mon souffle s'accélérât : chaque inspiration/expiration était marquée par un temps de pause, un endiguement de mon souffle, une attente, où j'étais suspendue l'esprit vidé de tout sauf du bout de mes seins.

            J'ai mes raisons d'insister pour que vous compreniez bien ce dernier paragraphe. Expirer. Inspirer. Une pause avec les poumons pleins. Se concentrer sur les tétons. Essayez. Expirez inspirez. C'est plus dur d'expirer, j'ai donc essayé en retenant mon souffle. Mais j'avais besoin de respirer. Servez-vous de votre imagination. Ce fut intense, profond.

            L'inspiration soulageait un peu la tension de mes mamelons. La sensation semblait s'étendre au plus profond de mes seins pour aller jusqu'à tirer directement mon utérus. Je sais bien qu'il n'existe aucune explication physique plausible à cette sensation, mais elle est bien réelle. Ça me désole que J n'ait pas cette sensibilité et qu'il ne puisse jamais ressentir cela.

            Non, je ne suis pas désolée. Enfin si, je le suis.

            Je me sentais mouiller sous la courroie de cuir.

            Il m'ôta le bâillon et m'embrassa encore par dessous la cagoule. Je lui retournai son baiser, en m'appuyant sur lui de mon corps immobilisé du mieux que je pus. Mes tétons pointaient méchamment.

            Il décrocha la chaîne de mon cou. Je tombai sur lui, pesant de tout mon poids, délibérément. Il me rattrapa et me retint. J'approchai mon visage aveugle près du sien ; il m'embrassa au travers du masque. Je me disais que je faisais cela dans le but unique d'être libérée, mais je savais que ce n'était pas vrai, en même temps. J'aimais cela. Et même, j'aime bien écrire tout ça.

            Il m'allongea confortablement sur le lit où il m'embrassa - en tirant un peu moins doucement sur les pendentifs de mes tétons durcis. Vous n'avez pas idée de la sensation atrocement délicieuse que procure la traction des bouts de seins quand ils sont durs comme pierres, une traction qui semble atteindre à votre tréfonds et qui vous balance une décharge électrique, vous coupe le souffle et vous amène un flot instantané de chaleur moite au dedans du corps. Ou alors vous avez déjà une idée. Jusqu'à présent, je n'avais jamais ressenti cela aussi fortement. Ces anneaux sont extra.

            Il défit la courroie connectant l'arrière de mon collier à la ceinture, me libérant de la courbure outrancière de mon dos. Mes épaules étaient toujours attachées, cependant, et mes seins saillaient toujours vers l'avant. Mes tétons était douloureux à force d'être excités ; ils étaient si durs que les pendentifs étaient dressés tout au bout : ils ne se balançaient plus contre mes seins ; ils ne les touchaient même plus quand j'étais debout. Ma respiration se fit bruyante.

            Il me plaça au milieu du lit et m'y étendit sur le dos. Il ôta la courroie d'entre mes jambes. Il attacha mes chevilles aux coins du lit, les jambes bien écartées, mais pas au point d'en éprouver de l'inconfort. Puis il rattacha quelque chose aux courroies qui maintenaient mes genoux, ce qui fit qu'ils se retrouvèrent encore plus près des bords du lit. Je n'avais jamais été tant écartelée. Je sentais les muscles de mes cuisses se distendre.

            Il se mit à genoux entre les miens, défit les boucles de la ceinture sur le devant et écarta la courroie de cuir, exposant mon sexe trempé. Il détacha mes coudes de la ceinture, ainsi que la sangle qui courait de l'avant de mon collier jusqu'à la ceinture. En soulevant mes fesses, il fit glisser la sangle par dessous. Je lui étais aussi exposée que possible, les jambes très écartées, les seins jaillissants, et les poignets toujours attachés à mes cuisses.

            Précautionneusement, il fit reposer son poids sur moi ; c'était comme si un épais manteau de neige chaude m'avait recouverte. Je haletais, à cause de la position de mes jambes et aussi parce que j'étais excitée. Il défit la cagoule et me la remonta jusqu'au nez, découvrant ma bouche. Je sentais son souffle sur mon visage, une foule de quasi-baisers démangeant mes lèvres aveugles et avides.

            Avec une lenteur calculée, il me pénétra simultanément - ma bouche avec sa langue et mon sexe de sa masculinité. Je me convulsai vite en un orgasme. Ce fut très dur pour moi de l'attirer en moi dans cette position, mais j'essayais jusqu'aux limites de la douleur de mes pauvres cuisses.

            Il se poussa en moi. Au plus profond, puis il se retira. Une longue pause. Dedans-dehors. À chaque fois qu'il me pénétrait, j'exhalais, et j'inspirais violemment quand il se retirait. Quand il marquait une pause, ça me coupait le souffle, et je me tendais vers la pénétration à venir. Il poussa le rythme jusqu'à ce que ma respiration fut haletante et hors de tout contrôle, et qu'il la synchronise avec mes poussées propres. Mes halètements se mêlèrent à mes soupirs déchirants, mes soupirs à de douces lamentations, ces lamentations devenant elles-mêmes de plus en plus fortes, jusqu'au moment où le barrage se rompit - d'un coup d'un seul. Ce fut une question de temps. Je m'affaissai en un épuisement vibratile. Graduellement, il se fit flasque en moi.

            Peu après, la plus merveilleuse des choses arriva. La chose qui me convainquit que j'étais toujours attirante, et peut-être même encore plus attirante pour lui avec ma chevelure à demi-rasée. Il fit glisser la cagoule entièrement, exposant mon front dénudé. Mes pensées s'étaient évaporées. Il ne persistait plus que de l'humiliation. J'étais totalement, extrêmement, embarrassée. Bien que la lumière du crépuscule fût très faible et qu'il ne pouvait pas vraiment me voir, je détournai la tête et j'essayai de me cacher.

            Je ruai sans espoir dans les sangles qui relaient mes poignets aux cuisses. Mais il me prit la tête entre les mains et me força à lui faire face. Tendrement, il baisa mon crâne rasé. En même temps, je le sentis se bander à nouveau en moi. La sensation était merveilleuse. L'avoir déjà en moi, et le sentir grandir et s'épaissir de plus en plus, jusqu'à ce qu'il soit rigide et dur à nouveau, m'emplissant tout à fait. Je réalisai alors que la vue de mon crâne rasé était à l'origine de cette merveilleuse résurrection. Ça le lui faisait réellement, à un degré involontaire et d'une façon qui ne pouvait pas être truquée - comme mon allure, actuellement. Et c'était bien. Au moins, une petite partie de tout cela était bien.

            J'eus donc droit à mon troisième orgasme du jour, et pendant tout ce temps-là, dans mon for intérieur, naquit l'idée que ma nouvelle apparence, même si je la haïssais (et je la déteste encore), me donnait du pouvoir. Du pouvoir sur lui.


*


            Plus tard, il me lava, me délia les jambes et me laissa sur le lit, en proie à un méli-mélo d'émotions contradictoires.

            Il aimait mon allure - profondément, psychiquement - , je la haïssais ; je voulais qu'il m'aime aussi fort qu'il se pût, et peut-être même au prix que j'avais payé, mais s'il était aussi tordu que les événements de ce soir l'indiquaient, alors peut-être bien que je n'avais pas autant envie de lui que je ne le pensais ; il avait ouvert un placard intérieur obscur et précédemment inconnu (de moi) et s'était rendu vulnérable envers moi d'une façon qui me donnait un étrange pouvoir sur lui (et si j'allais dire à tout le monde ce qu'il m'avait fait ?). J'avais voulu me rapprocher ; maintenant c'est fait, mais me rapprocher de quoi ? De qui ? Et puis, je lui avais donné quelque chose que nulle autre n'aurait pu. Ça serait dur pour lui de trouver quelqu'un d'autre qui lui offrirait ce qu'il désire, si toutefois ceci est un indice de ce qu'il désire. Ça me rend en quelque sorte spéciale, pas vrai ? En quelque sorte ?

            À part ça, j'avais faim, et je le suivis quelques minutes plus tard au salon, les mains toujours collées aux cuisses. Au passage, je jetais un œil à la psyché. Mes cheveux avaient séché en étant plaqués sur ma tête par la cagoule. Ils étaient lissés en arrière sur mon crâne ; j'avais l'air d'une Ratso Rizzo nordique ; en fait, en me regardant de face, on aurait dit que je n'avais pas de cheveux du tout. Je ne pouvais y remédier à cause de mes mains attachées.

            J'errai dans le salon, où il avait préparé un feu. Il avait fait réchauffer un repas léger au micro-ondes pendant le temps qu'il m'avait laissée suspendue au (enfin, pas vraiment suspendue, mais attachée au) plafond de la chambre. Il alluma le feu, et nous nous assîmes côte à côte sur le sofa, où il me fit manger à toutes petites bouchées. Il me caressait en me nourrissant, me stimulant un second appétit, m'attisant à la fois de ses doigts et avec la nourriture.

            Après avoir mangé, il me fit un cadeau. C'était une chaînette en or pourvue dun fermoir à chaque extrémité. Il en attacha un à chacun de mes anneaux ; ça faisait une jolie courbe entre mes seins protubérants. Nous allâmes l'admirer tous deux dans le miroir de la chambre, et il m'enleva les courroies qui tiraient mes épaules en arrière, les laissant, ainsi que mes seins, retrouver une posture plus naturelle. La chaîne était jolie, mais je ne pouvais tout de même pas m'empêcher de penser à mes cheveux et me sentir mal à cause de ça. Que m'avait-il donc fait ?

            Il avait d'autres cadeaux. Il me prit par les épaules et me planta devant la glace, et il me dit de l'attendre là. Mon crâne à demi-rasé avec son casque de cheveux lisses et blonds platinés était encore plus laid qu'il ne l'avait été avant de me doucher dans le body. J'avais envie de les faire bouffer ou bien de les mouiller et de me mettre des bigoudis, ou quelque chose d'autre. N'importe quoi.

            Derrière moi, il fit surgir une perruque. C'était une immense crinière de cheveux noirs enchevêtrés qui m'arrivait au milieu du dos. Soudain, j'eus l'air si belle. Bien plus belle, en fait, que j'avais jamais eu l'air -avec ma couleur naturelle ou teinte en blonde. La texture des cheveux de la perruque était bien plus douce que les miens n'avaient jamais été, et ils étaient bien plus longs. Alors que j'étais là à me mirer d'un côté et de l'autre, pour voir si je pouvais passer pour normale en public, il revint avec une autre perruque, celle-là blonde et dans le même style enchevêtré que l'autre. Pas blonde platinée cette fois-ci, mais d'un blond cendré plus naturel. Et il m'en sortit une autre encore: elle était courte et sa couleur était proche de ma chevelure originelle. Je pourrais la modifier afin qu'elle s'accorde à mes vrais cheveux, me dit-il.

            Enfin, il me remit les bracelets de cuir juste au dessus des genoux et boucla la courroie intermédiaire d'une façon qui m'obligeait à marcher à pas menus ; puis il me libéra les poignets et me dit d'aller me prendre une douche, de laver et sécher mes cheveux, puis de me maquiller. Après cela, je devrais porter uniquement les bottes de pute à talons-aiguilles.

            Trop de choses arrivaient d'un seul coup, ce soir-là. Il m'avais rasé tout le front. Je détestais ça. J'avais appris avec une certitude absolue que ma nouvelle apparence avait le don de l'allumer au point de dépasser sa faculté de contrôle. Je ne savais que ressentir de cette révélation. Je ne sais pas encore. J'avais des perruques à porter, donc tout n'était pas perdu : je pourrais toujours sortir en public. Mais qui pourrais-je duper ? Est-ce que les gens s'en rendraient compte ? Les perruques, à mon avis, n'avaient pas l'air naturel, même celle qui s'accordait à mes anciens cheveux. Les autres étaient bien trop magnifiquement somptueuses pour avoir l'air de vraies chevelures. Mais d'un autre côté, personne ne me connaît par ici, sinon quelques relations superficielles au club de gym.

            Et, le plus important de tout : est-ce que cela signifiait que J était tordu de la tête ? Pire : suis-je moi-même tordue ? Que deviendrais-je s'il se trouvait au fond de moi que je tolère et que même je puisse aimer mon apparence ? Souvenez-vous, J'AVAIS consenti à cela, originellement, il devait donc y avoir quelque chose là, au fond de moi. En fait, pendant notre séparation, il m'avait écrit à propos d'un fantasme d'esclavage qu'il avait eu et dans lequel il m'avait rasé le crâne pour quelque infraction mineure aux règles du scénario imaginé, et j'avais réagi avec un fantasme similaire dans lequel je me soumettais de mon plein gré à ce traitement, et bien plus.

            À l'origine, j'avais commencé à écrire cette lettre juste parce que j'avais bien vu qu'il s'agissait de quelque chose qui intriguait J, mais en cours d'écriture je me rendis compte que j'avais été pénétrée par l'idée d'une soumission totale et inconditionnelle. Mais ça n'allait pas plus loin. C'était seulement sur du papier et ça n'était attirant que d'un point de vue théorique et abstrait. La pratique réelle, c'était autre chose. Comment pourrais-je trouver du travail et aller bosser, maintenant ? Faire de la gym au club ? Et j'avais toujours présente en arrière-plan la pensée qu'il m'avait dit qu'il ne s'agissait là que du début de ma punition. Ça voulait dire quoi, exactement, le début... ?

            Je voulus discuter de tout ça avec lui après la douche, mais cela dut attendre. Quand je sortis de la chambre, je m'étais séché les cheveux et j'avais mis les bottes comme il me l'avait demandé. Sa réaction fut instantanée et sans ambiguïté. Il me porta de nouveau dans la chambre, détacha mes genoux, et me fit l'amour avec une urgence renouvelée. Je suppose que je ne saurais jamais ce qui serait arrivé si je lui avais résisté. Je crois qu'il se serait arrêté, mais je ne peux pas l'affirmer. Il n'était pas réellement violent, mais je me sentis complètement impuissante quand je me retrouvai confrontée à l'intensité de son besoin. Le simple fait de m'avoir vue ainsi lui avait fait cela. J'ajoutai d'un trait de craie un autre orgasme à cette journée. Il fit de même.

            Plus tard, au lit, nous avons discuté de mes sentiments sur ce qui s'était passé aujourd'hui. Il est très persuasif. C'était clair que s'il avait été satisfait par notre relation avant, il en était devenu accro, maintenant. Il ne lui fallut que peu de mots pour me le dire, mais j'étais déjà en quelque sorte partie pour le piéger. Je lui admis que j'avais la même pensée à son égard, bien que les événements du jour présent m'avaient presque guéri de mon addiction. L'aspect de ma chevelure pourrait être aisément surmonté par l'usage d'une perruque, même au boulot et à la gym. Je resterais sur les bancs de musculation plutôt que de faire de l'aérobic, jusqu'à ce qu'ils repoussent. Je pourrais porter une perruque courte et laisser pousser mes cheveux dans le même style, comme ça il n'y aurait pas de transition visible.

            Et puis il voulait m'avoir rien qu'à lui, en sa possession, et qu'il n'y ait aucun doute sur le fait que j'appartenais à lui seul, et ce de manière absolue. Émotionnellement, pour moi, c'était un gros argument en sa faveur. Je parvins finalement à la conclusion que mes réserves provenaient toutes de réactions émotives au niveau de mes tripes, à ce que j'étais « différente », et de la peur taraudante qu'au fond de lui, il était peut-être un peu tordu. Mais il existait aussi une sorte d'excitation à être différente sans que nul ne le sache. Et, tordu ou pas, il m'aimait et je pensai pouvoir l'aimer. Je décidais de réserver mon jugement pour le jour où j'essaierai la perruque en public. Mais je haïssais toujours ce qu'il m'avait fait.

            -*-

            Le lendemain, voici ce que nous fîmes. Au club de gym, le réceptionniste me complimenta sur mes cheveux. Il croyait que je m'étais faite faire une coupe. La perruque châtain avait une texture et une couleur différentes et elle était plus courte que mes anciens cheveux. Personne d'autre ne me fit de remarque sur le changement. En soirée, il sortit ma robe en tricot blanche (rien en dessous, naturellement, hormis une paire de sparadraps pour cacher mes anneaux) et je remis la perruque châtain. Nous sortions au cinéma. J'avais raté « 9 semaines ½ » à sa première sortie, mais ça repassait et nous y sommes allés. Je crois qu'il avait prévu ça tout exprès. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un film puéril et débile. Je déteste mouiller pour un truc puéril et con-con.

            Après ça, on est allés dans un petit restau sympa. Il me fit enfiler la longue perruque noire dans la voiture, juste avant d'entrer.

Je pourrais facilement aimer être invitée souvent à dîner et à boire du bon vin. C'est super d'avoir un bon salaire et de vivre comme les gens, histoire de changer. J'ai toujours insisté sur le fait que l'argent n'avait pas d'importance à mes yeux, mais aller dîner dans un bon restaurant et être aux petits oignons nous est un changement salutaire après des années d'études pour J, - du temps où je me faisais les gardes de nuit à l'hôpital - et posséder une maison à la campagne est une nette amélioration par rapport à mon studio de Chicago. Pendant le repas, nous avons parlé de la Liste et de comment je la ressentais. Il ramena le sujet sur le fait qu'il se sentait « uni » à moi par tout cela, et plus encore qu'auparavant.

            En cours de discussion, je me rendis compte que ce nous faisions ensemble nous mettait à l'écart de tous les gens autour de nous au restaurant. Je les balayai des yeux et soudain, J et moi partagions un merveilleux et très spécial secret, et tous ces gens autour de nous allaient rentrer chez eux et rester ordinaires pour tout le temps qu'il leur resterait à vivre. Mais, à notre table... À notre table il y avait quelque chose de scandaleux, vicieux et sexuel si l'on grattait seulement la surface ; je ne portais rien sous ma robe, si ce n'est des sparadraps et des anneaux transperçant mes tétons. Si seulement ils savaient, ai-je pensé... Tout ceci était dissimulé à leurs regards par une façade des plus ténue ; une fraction de centimètre de tissu. Je sentis que je vivais dangereusement. Je sentis que j'aurais dû donner un peu d'éclat leurs vies. Peut-être m'enlever la perruque et la laisser comme pourboire. Quelqu'un n'a-t-il pas dit que le scandale n'est rien d'autre que l'aumône compatissante que le joyeux fait au monotone. Je crois que c'était Oscar Wilde. (vous devriez voir la version vidéo de « Salomé. » Saviez-vous que c'est la pièce de théâtre qui l'a fichu dans une sacré merde dans une Angleterre alors toute victorienne ? Elle est assez vulgaire, mais c'est drôle de songer à la fureur qu'elle a pu déclencher à l'époque.)

            Pourtant (retour au restaurant) j'avais des doutes. Au moins, il les comprenait, et plus loin nous irions en dépit d'eux, plus forte serait la mesure de notre union. Parler de ça en public m'allumait, j'avoue, d'une drôle de manière. Cela me fit sentir que nous étions très différents des gens autour de nous, si ce n'est pour le mince verni de comportement et de vêtements - suffisant néanmoins pour qu'ils n'aient rien remarqué. Je sais, je me répète, mais c'est un sentiment neuf pour moi, et je l'aime. Je ne m'étais jamais sentie audacieuse, avant. C'était comme si nous étions en train de faire quelque chose d'outrancier là, au beau milieu des autres clients.

            Ce soir-là, le temps de revenir à la maison, je m'étais décidée. J avait dit que lorsqu'il m'avait rasé le crâne, ç'avait été le tournant crucial de cette chose que nous faisions ; mais pour moi, ce soir - au dîner - fut le moment où je pris ma première décision consciente de plonger la tête en avant et d'entamer volontairement la descente qui me conduirait à l'autre face de ma sexualité. Qu'ils aillent se faire foutre, eux tous, ai-je pensé. Et que l'Indiana aussi se fasse foutre. Ce ne fut pas même vraiment une décision, mais plutôt un relâchement volontaire de ma résistance, un laisser-aller. Et puis merde ! pourquoi pas ? Où donc ai-je déjà entendu ça ?

            Non que je ne me sois pas rebellée ou que je n'aie pas résisté depuis, mais après cette soirée je n'ai plus lutté contre lui que pour la forme, presque par rituel. Ma résistance manque de sincérité, et je me rebelle uniquement si j'alimente mes propres peurs et si je les laisse se montrer, offrant ma peur et ma gêne en don à J plutôt que de les laisser me dominer. C'est une expérience étrangement libératrice que d'utiliser et même de prendre plaisir à mes propres peurs ; avoir peur et pourtant me plonger plus avant avec insouciance, en toute sécurité en sachant que J est là et qu'il me maintiendra en sécurité - même s'il est la cause ultime de mes peurs. Il y a une contradiction fondamentale là, quelque part, et je le sais. Et puis, si (malgré ladite contradiction) vous pensez toujours que ce que je dis n'a aucun sens, rappelez-vous juste que rien n'a de sens. C'est marqué où, que tout doit avoir un sens ? Ça ne serait donc pas atrocement ennuyeux si tout avait un sens ?

            De retour à la maison, on est allés au salon, on s'est affalés sur le sofa et on a balancé nos chaussures au loin. Il passa son bras autour de moi et contempla les cendres dans la cheminée. Le temps était venu pour moi de répondre à sa question informulée. Je me levai et j'allai à la cuisine. Je fis couler de l'eau chaude dans une cuvette et je la ramenai, puis je la posai par terre devant lui. Je vis une question se former sur son visage, mais je mis un doigt sur ses lèvres pour l'inviter au silence, et je retournai dans ma chambre. Là, je me dévêtis, arrangeai mon maquillage, et enfilai mon collier de cuir, et mes bracelets de chevilles ainsi que mes menottes. Comme touche finale, je mis les pendentifs à mes seins, ainsi que la chaînette qui les reliait. Puis j'étalai de la mousse à raser sur l'avant de mon crâne et j'emportai une serviette, le rasoir et un miroir au salon, où je me mis à genoux devant lui.

            Je me mis à raser les repousses sur mon crâne. Quand j'eus fini, je ne levai pas les yeux sur lui : je les conservai bas et j'attendis avec les mains posées sur mes cuisses. Il me prit la main et se leva en m'entraînant à faire de même. Ensemble, nous allâmes dans la chambre. Je vous laisse imaginer la suite. Il aime le look élisabéthain, ceci dit. J'en suis convaincue.

            -*-

            J'ai décidé de porter une perruque en permanence, après ça. Bien entendu, il l'enlève quand il en a envie. Mais il vaut mieux s'il ne se blase pas de ma nouvelle apparence. L'impact visuel est un atout majeur pour moi : chez lui il provoque une érection instantanée et quasi-involontaire. J'aime.

            Il m'a demandé d'entretenir mon front bien rasé, tout comme pour l'épilation de mes poils pubiens. Il m'a demandé de ne pas utiliser la crème dépilatoire, vu qu'il ignorait ce que pouvait provoquer son action sur les follicules pileux. Cela me donna matière à réflexion : l'intervalle entre chacune de mes épilations avait augmenté. Suis-je en train d'endommager mes follicules pileux Là-En-Bas ? Donc, chaque jour je brosse mes cheveux en arrière et je rase le devant de mon crâne dans la foulée des aisselles et des jambes. Un peu plus d'entretien quotidien.

            Le jour suivant, je voulus lui faire une surprise. La première chose que je fis le matin, fut de lui demander de me remettre la chaîne en place (celle qui passe autour de ma taille et entre mes cuisses), et de me passer les clés de la voiture pour aller en ville. Je me rendis au magasin de location de costumes, où j'achetai de la peinture pour le corps et d'autres trucs, et j'allai ensuite dans une boutique de machins orientaux d'importation qui vend de la pacotille indienne à pas cher : colliers plaqués argent, ceintures, bagues d'orteils, clochettes, boucles d'oreilles, etc. Ça ira bien avec la tenue de harem.

            Dans l'après-midi, j'achevai un autre fantasme. Je passais les heures après le déjeuner à me préparer. Un des fantasmes que j'avais couché par écrit me visualisait en une espèce de divinité forestière (ça fait fleur bleue, je sais) à la peau verte avec des lianes tatouées me poussant sur tout le corps. Je m'enduisis (y compris les cheveux) de colorant alimentaire vert (un sacré boulot, ça) et j'achevai en me peignant du chèvrefeuille sur les jambes, enveloppant mon corps, s'enroulant en spirales sur mes fesses et mes seins, cerclant mes mamelons et s'enroulant autour de mon cou et se vrillant sur mes bras, me recouvrant complètement. J'avais même des lianes enroulées de chaque côté du visage, qui se mêlaient à mes sourcils. Il me fallut deux heures pour en venir à bout. J'en eus fini au coucher du soleil et je mis de la musique de danse orientale sur la chaîne stéréo.

            Avec rien d'autre sur moi que mes pendentifs en grenat, je dansai pour lui. Je fis une combinaison de danse du ventre et de mouvements de strip-tease que j'avais vu sur une des cassettes, sauf que là, il n'y avait rien à enlever. Il n'y aurait aucun intérêt à ce que je décrive la façon avec laquelle j'ai dansé. Il suffit de dire que je me suis remuée bien plus que les pendentifs ne le faisaient devant lui, et que j'ai conclu en le déshabillant presque entièrement tout en dansant. Il était si bien allumé qu'il n'a pas renâclé à m'aider - un peu, tout à la fin. Ça s'est conclu avec lui au plus profond de ma bouche, et nous perdîmes toute trace de l'instant précis de la transition entre la danse et l'amour. J eut à nouveau deux orgasmes. Tout ce que j'eus à faire fut d'amener le sujet sur mon crâne et sur combien j'en étais gênée et comment je n'étais pas sûre qu'il aimât mon idée de divinité forestière avec un crâne à demi-rasé et tout et tout. Des yeux baissés et une main pleine de gêne passée sur mon crâne et il disjonctait pour repartir au quart de tour.

            Après ça, le lit offrait un piètre spectacle (et nous aussi). De la peinture et du colorant vert ainsi que divers précieux fluides corporels étaient étalés partout sur les draps. En prenant une douche à deux pour rincer le désastre, nous conclûmes en faisant l'amour sur le sol de la douche, tout savonnés. Je crois bien que trois dans la soirée, c'est une prouesse pour J. Je sais que je lui ai fait accomplir « record personnel ».

            Nous nous redressâmes pour nous rincer, rassasiés/rassis dans la douche embuée, trop épuisés pour nous lever. Finalement, il coupa l'eau. Nous sommes restés assis dans une sorte de stupéfaction délicieuse, pour ce qui a dû être cinq ou dix minutes, les seuls bruits étant ceux de nos deux respirations et de l'eau gouttant de la pomme de douche.

            Je rassemblai mes forces pour me mettre à genoux, et je l'enduisis de gel-douche ; j'adore le pouponner. Puis je m'enduisis à mon tour, de la façon la plus jouissive possible. En sortant de la douche, je l'aidai à essuyer l'excès de gel ; il était tout prêt pour un bis, et nous aurions probablement pu remettre ça sur le gaz si nous avions porté nos idées là dessus. Mais nous n'en avions pas envie. Je crois que la qualité se détériore après tant d'orgasmes. J'ignore exactement combien j'en ai obtenu - dont quelques uns fusionnés - et puis à quoi bon les compter. En ce qui concerne les orgasmes, il n'y a que deux chiffres : pas assez, et assez. On en avait eu assez.

            J'allai chercher son peignoir et ses mules, et puis j'ai enfilé la tenue de mousseline blanche. On s'est fait des câlins tout le restant de la soirée, et on s'est fait réchauffer deux de ces super repas tous prêts spécial micro-ondes entre nos papouilles. Ils sont certainement composés de 98% de cholestérol et de 2% de conservateurs, mais ils sont vachement bons. On s'est affalés au lit à neuf heures et demi ; on était crevés.

            -*-

            Le lendemain soir, nous nous apprêtions à retourner dîner en ville et nous parlions de ce truc maître/esclave que nous vivons. Il m'avait ramené une robe blanche ainsi que des sandales et je les essayais, quand je lui dis que je me sentais prête à me lancer à fond dans ce trip de bondage, mais qu'il y avait certains côtés que je ne pouvais pas encore assumer, le principal étant (après mes cheveux) que nous flirtions avec le ridicule. Je fantasme sur le fait de l'appeler « Maître » pour de bon et de prendre mon rôle de soumise encore plus au sérieux, mais je ne crois pas pouvoir assumer la réalité sans éclater de rire. Des images de nazis en shorts blancs avec des mi-bas noirs dansent irrésistiblement dans ma tête. J avait une solution.

            « Il nous faut un nouveau protocole, » dit-il, et il m'enleva la robe que je venais juste d'enfiler. « Tu peux commencer tout de suite en ne m'appelant PAS par mon prénom, et en prenant l'habitude de garder les yeux baissés en permanence. À chaque fois que tu me parleras ou que tu répondras à une de mes questions, tu feras précéder tes mots par une formule du genre : « si tu le veux bien... » On va commencer avec ça pendant un temps et on verra comment ça se passera ensuite. Bien entendu, je te punirais en cas de faute. Il va falloir que tu trouves la formule qui ne te feras pas rire, vu que la plus grande faute que tu pourras commettre sera de rire. Quand tu auras pris l'habitude de la prononcer, elle ne te fera plus rire. Tu penses que tu peux assumer ça ?

            Je songeai à tout cela, sans lui prêter attention, alors qu'il extrayait un sac en papier du placard. Trois règles : pas de prénom, baisser les yeux, et dire « si tu le veux bien. » Et la quatrième des règles : ne pas rire des trois premières.

            « Je pense que oui. »

            « Alors ? » Il me regardait, dans l'expectative.

            Je me rendis compte de ce qu'il entendait par là et après un instant de confusion j'abaissai les yeux. Il y eut une pause ; il attendait toujours. « Si tu le veux bien, » dis-je. J'ignore pourquoi, mais ça m'aide beaucoup de baisser les yeux. C'est peut-être plus facile pour l'imagination de fonctionner sans regard croisé. Nous nous connaissons trop bien, tous les deux, et savons que sans contact oculaire, une distance s'installe entre nous. J'aurais eu un fou-rire rien qu'à cause de la gêne, si je n'avais pas eu les yeux baissés. Enfin, c'était un début.

            La robe qu'il m'avait choisie était faite de plusieurs épaisseurs de tissu translucide blanc, de taille midi, à longues manches et haute encolure, avec des tas de boutons sur le devant. Mais après l'avoir essayée, il me l'avait faite enlever.

            « Reste debout là, » dit-il. Il sortit une pelote de fil de plastique blanc d'un sac en papier et s'agenouilla face à mes chevilles. Je notai qu'on allait faire bien plus que de m'habiller.

            « Qu'est-ce que tu fais ? Enfin, je veux dire, si tu le veux bien, qu'est-ce que... ? »

            « Reste debout là, » répéta-t-il.

            Je le fis. Il défit les lanières de mes nouvelles sandales. Elles sont du genre qui s'enroulent plusieurs fois autour de la cheville en se croisant et s'attachent haut sur le mollet. Il les serra au point de me scier la peau, et il noua la cordelette de plastique blanc à leur extrémité. Il s'agit du genre d'ersatz dont les scouts se servent pour faire leurs bricolages, comme des porte-clés ou des ceintures. Je crois qu'on appelle ça du fil à scoubidous. Il commença par me ficeler très serré en spirale autour d'une jambe. Il spirala en remontant le long de mon corps et jusqu'au premier bras, où il la noua, puis il fit pareil de l'autre côté. Puis il entoura la première jambe en sens inverse, en croisant le fil. C'était très serré.

            Il continua à me ficeler encore et encore, jusqu'à ce que mon corps tout entier fut recouvert d'un réseau serré de cordelette. À chaque fois qu'une pelote se terminait, il en sortait une autre, toujours blanche, et la reliait à la précédente. Il faisait très attention à conserver une symétrie parfaite, le côté gauche comme un miroir du droit.

            Il me plaça un vibromasseur dans le vagin, et en relia l'embase à la ficelle. Les cordelettes glissaient quand je bougeais, alors il les superglua directement sur le vibromasseur. Qu'il ne mit pas en route. Au bout d'un moment, je commençai à me sentir bizarre. J'étais libre de mes mouvements, mais je me sentais... contenue. Quoi que je fasse, que je bouge ou pas, je sentais la traction du filet de cordes. Je me sentais gauche, comme si chacun de mes mouvement s'opposait ou qu'il était dévié. Comme en plongée quand on est pris dans les courants. Il besogna autour de mes seins, et quand il eut fini, ils se retrouvèrent plaqués contre ma poitrine par les fils croisés et recroisés. Seuls mes tétons dépassaient, protubérants entre les tresses de cordelettes, les pendentifs s'y balançant.

            Puis il me remit la robe et m'emmena au restaurant. Vue de l'extérieur, j'étais plutôt jolie : une blonde (je portais la longue perruque blond cendré) dans une robe semi-diaphane de coton. Pas le moindre nichon en vue. Sandales de cuir blanc. Le ficelage ne se voyait nulle part. Un observateur attentif aurait pu noter que les lanières de mes sandales étaient fort tendues, mais il n'y avait aucun observateur attentif.

            Nous allâmes dans un restaurant italien, mais un très chic. Je marchai lentement, m'assis avec précaution et mangeai avec modération. Même ainsi, j'ai renversé du vin, de l'eau et de la nourriture partout. J'aurais préféré que ce ne soit pas de la cuisine italienne et du bon vin rouge. C'était une robe neuve. Le serveur n'a rien dit, mais j'avais fait un vrai massacre.

            De retour à la maison, il sectionna les tresses qui maintenaient le vibromasseur en place. Il s'était servi de tresses séparées pour le vibromasseur, ce qui fit que les couper ne relâcha pas l'ensemble. Il me fit l'amour. Je n'ai pas l'intention de vous conter que ce fut la meilleure des fois, mais ce fut réellement une expérience intéressante. Je n'aurais jamais pensé que ce put être le cas. J'imagine que vous vous demandez probablement pour quelle raison je vous dis tout ça? Je l'ignore, mais il me fait de bonnes choses, et je n'ai nul besoin de raison. C'est un peu comme un art, je suppose. C'était là, tout simplement. Parce que.

            J'aime à être une toile blanche.

            Après, alors que je haletai sur le lit, étalée sur le dos et que je me sentais comme si j'avais chu d'une grande hauteur, il prit une paire de ciseaux à pansements et coupa les cordelettes une à une, lentement. Puis il délaça mes sandales.

            Une soirée très gratifiante, en fin de compte. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça.

            -*-

            Il y a quelques jours, il a ramené un modem pour son ordinateur et il m'a montré comment me connecter sur son compte professionnel pour accéder au groupe d'information des infirmières diplômées d'état. C'est complètement nouveau pour moi. J'ai commencé à lire les messages sur des groupes de discussion comme rec.arts.erotica et alt.sex.bondage, bien que je n'aie rien posté. Apparemment je suis une « lurker », une embusquée. Ou du moins je le resterais tant qu'il n'aura pas posté ce document en entier et que vous le lisiez. Doux Jésus. Je parle à des gens, maintenant.

            Salut, les gens. Deux questions me viennent à l'esprit.

            Alt.sex.bondage me semble être le groupe de discussion le plus sincère au sujet du sexe. Les petits gars de Alt.sex me rappellent tout un tas de fils de ploucs bien de chez moi, dans l'Indiana. Ils ne s'en branchaient pas des masses, là non plus. Quand ils se vantent de leurs exploits, ça me rappelle un vers de Lao Tseu :

            Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

            (Z'allez m'écouter ? Je suis peut-être en train d'écrire le plus long post autobiographique de l'Histoire. Mais ça n'a pas d'importance si je discours, parce que je SAIS. Peut-être pas tout, mais pas mal de choses. Et puis, à part ça, je n'ai pas d'autre choix que d'écrire tout ça. « Il m'a fait faire ça. ») Je suis sûre que beaucoup d'entre ceux qui postent sur alt.sex.bondage pratiquent pour de bon les choses qui y sont écrites, mais quelques uns parmi vous ont perdu l'essence de ce que je fais avec J. Je me trompe peut-être, mais certains d'entre vous semblent être devenus des techniciens, discutant des mérites comparés des menottes et des bracelets de cuir. D'autres donnent leur avis. D'autres prennent plaisir à choquer leurs lecteurs avec leurs fables et leurs commentaires. D'autres encore sont presque politiques (« comment vont-ils nous juger/la société nous acceptera-t-elle jamais...). Tout cela me semble être des activités de substitution. Ai-je raison ?

            Ma première question : j'ai juste commencé à explorer ce truc ; en ce moment, ça me prend presque tout mon temps. Est-ce que ça va devenir si banal et familier que, moi aussi, je me rabattrais sur les « us et coutumes » du bondage et que je m'engagerais dans ces activités de substitution ? Comme d'écrire ce récit, me demandez-vous. Hmmm...

            Question deux : j'ai souvent songé à ce que j'aurais fait si j'avais pu revenir en arrière, jusqu'à l'instant où j'ai perdu ma virginité, et si j'avais pu tout recommencer en contrôlant mieux les événements, et tout refaire comme il faut avec la personne qu'il faut. J'étais plus soucieuse alors d'endurer que d'expérimenter. La jeunesse se perd dans la jeunesse, comme disait mon grand-père.

            Mais là, je perds une autre sorte de virginité. Je ne voudrais pas avoir à me mordre les doigts en regardant en arrière, rongée par les regrets et souhaiter avoir fait comme il faut. Bien entendu, quand vous me lirez, il sera trop tard pour me donner votre avis, mais voilà une question que je peux encore poser : est-ce que nous avons fait comme il faut ? Postez-moi la réponse. Je la lirai, c'est promis. C'est nouveau pour J, aussi. J'ignore ce que j'aurais pu faire différemment pour maîtriser ce qui s'est passé. Je suppose que la soumission volontaire est une sorte de maîtrise limitée. L'amour à la papa est ennuyeux, pour sûr. 'À la vanille', vous l'appelez. J'aime bien. Un néologisme. Va-t-on tomber en panne de trucs intéressants à faire et revenir à notre point de départ ? Et la voie que j'ai choisie ne mène-t-elle pas à l'ultime ennui ?

            Une autre question : qui était Saltgirl ? Je l'ai bien aimée, mais on dirait qu'elle s'est arrêtée de poster. Elle a l'air sensible. Probablement une fille du Middle West. De toute façon, un grand salut à vous tous pornocrates déconnants ci-présents à Cuirland, avec une considération particulière pour Ctan, STella, Elf, et Saltgirl, où que vous soyez. Peut-être qu'un jour je rejoindrais le gang des sortis-du-placard. Y a intérêt, que je le ferais. Je ne sais pas qui est en train de me lire. Mon futur boss, peut-être.

            -*-

            Le lendemain, nous étions sous la douche et J me 'préparait' à l'amour comme il le fait la plupart du temps quand nous prenons une douche ensemble, en m'enduisant de gel-douche et en m'explorant chaque orifice jusqu'à ce que je fusse avide de l'avoir en moi de la manière qu'il choisirait.

            Sans vraiment le lui dire, je lui avais signalé par tous les moyens non-verbaux possibles, que j'étais prête à faire l'amour dans la seule voie que nous n'avions jamais empruntée. Quand ses doigts furent profondément enfouis entre mes fesses, tout en moi, je me tordis autour d'eux, en essayant de les pousser encore plus à fond. Je ressens un vrai plaisir quand il me fait ça, et les bruits que j'émets en réaction l'indiquent clairement, mais il me m'a jamais pénétré... comme ça.

            J'en suis arrivée à la conclusion qu'il avait caressé l'idée mais qu'elle le dégoûtait un peu, dans le fond. Je dois admettre que ma fascination pour cette idée était tempérée par une certaine dose d'appréhension : je n'avais jamais eu quelque chose d'aussi gros en moi, là. Et puis aussi, je suis probablement une maniaque de l'hygiène dans mon approche du sexe. J'aime être propre avant et me laver après. La préparation et les rites post-coïtaux sont importants pour moi : il me laisse encore un peu excitée après coup, quelle que soit la façon dont j'ai été rassasiée pendant, donc le fait de me laver ensuite est une expérience érotique. L'odeur du savon suscite une réaction plus érotique en moi que les diverses sécrétions produites par nos deux corps. C'est du conditionnement, j'imagine.

            Ceci dit, je crois que le côté hygiène est ce qui nous embête le plus, et encore actuellement. Or donc, pendant que nous nous douchions, je lui fis une suggestion expérimentale. Ce fut très difficile pour moi d'amener le sujet sur le tapis, la première fois. Ceux d'ASB savent de quoi je parle, probablement.

            « Tu dois savoir que ça m'excite terriblement quand tu fais ça, » lui dis-je, en essayant d'aborder le sujet par le biais. Ce qui fut difficile, étant donné que j'allais jouir et qu'il avait plein de doigts enfoncés profondément en divers endroits de moi. Il ne répondit pas.

            « Si tu me veux... dans ce sens... je pourrais me laver. Au dedans, je veux dire. » Il ne me répondait toujours pas. « Si tu le veux bien, » ajoutai-je. Nous nous branchâmes sur d'autres trucs et la suite de la discussion dut attendre son heure.

            J'ai travaillé en médecine interne, et préparé des patients pour des examens rectaux, avant ça. Je le lui expliquai. Pas tous les détails gores, mais suffisamment pour qu'il sache que je savais comment m'y prendre.

            « Je n'y avais même pas pensé, » dit-il.

            Mais l'idée s'était enracinée, à l'évidence. Tout le restant de la semaine, j'eus à l'esprit, en toile de fond, la pensée de qui adviendrait plus tard.

            -*-

            J'avais pris le risque de faire cette suggestion. Tout ceci n'est qu'une espèce de jeu. Je ne peux pas donner l'impression d'aller trop loin quand je suggère une telle innovation. Il dirige et je dois suivre. À contre-cœur. Et c'est bien mieux pour moi d'avoir à résister à ce qu'il me fait, même si je le désire en secret. Comme ça, c'est lui qui est responsable. Il faut qu'il croie que je coopère contre mon gré, du moins dans une certaine mesure, ce qui s'est toujours révélé vrai jusqu'à l'instant présent. Il m'allume tellement avec ça que je veux aller plus loin encore, et ce malgré une bonne dose de crainte au sujet de ce qu'il va me faire. J'ai systématiquement peur, mais je suis toujours prête à exécuter l'article suivant de la Liste, même si j'ignore lequel sera le suivant. C'est seulement quand il a commencé que je flippe parfois, même si j'avais été d'accord au moment de rédiger la Liste. Mais entre-temps, c'est trop tard. Et comme toujours, foncer dedans et faire gaffe à ne pas se faire marcher sur les pieds. De fait, aujourd'hui, après m'être légèrement apaisée, je peux même me repasser la scène où il m'a rasé le crâne avec une équanimité qui confine à la sensualité.

            Il doit savoir maintenant que j'en suis venue à aimer ce qu'il me fait. Je deviens accro à lui. Mais il me faut marcher sur la corde raide pour nous deux. Il perdrait tout intérêt si je m'abandonnais trop facilement. Je dois lutter contre ça d'un bout à l'autre. Donc, nous avions ces trois règles débiles juste pour que je puisse les enfreindre afin d'être punie. Sauf que s'il pense que j'ai transgressé délibérément, la punition est bien pire. Il me le fait toujours regretter. Comme la dernière fois. Il marche lui aussi sur une corde raide : il fait toujours en sorte qu'advienne un moment où je ne sais plus moi-même si j'ai envie qu'il s'arrête. Après, des fois, j'ai réellement envie qu'il s'arrête, mais il ne le fait jamais. Et s'il le faisait, je serais déçue après coup. Je savais - quand nous avions élaboré la Liste - qu'il y avait des choses que j'aurais souhaité arrêter, mais je savais aussi, intellectuellement, que rien de ce qui était sur la Liste ne pourrait réellement me faire de mal.

            On dirait qu'il y a pas mal de discussions sur ASB à propos des « safewords », les mots d'arrêt. Je pense que ça m'excite bien plus de travailler sans filet. Ce n'est pas vrai : la Liste est mon filet de sécurité, et je m'y raccroche plutôt qu'à un mot d'arrêt. Je me dois de faire confiance à J pour l'un et l'autre, mot d'arrêt ou Liste, mais la Liste me permets de me sentir sans filet. Je pense qu'un mot d'arrêt me gâcherait le plaisir, quoi qu'il rendrait la vie plus facile à J. Il me scrute comme un faucon. J'aime bien ça. Mais il me scrute en vue de déceler une souffrance réellement intolérable, et pas juste pour ce que je n'aime pas. Il y a une zone d'ombre aux confins des limitations fixées par la Liste. C'est la Terra Incognita dans laquelle nous jouons notre jeu. Il se cantonne à l'intérieur des frontières de la Liste, mais s'octroie quelques libertés avec elle tant que le sens commun et la Liste l'y autorisent. Peut-être qu'un mot d'arrêt serait préférable. Tout est nouveau pour nous et nous n'avons pas encore eu à faire face à des situations réellement dangereuses.

            J'ai un soupçon qui s'insinue en moi et me pousse à penser que la présomptueuse suggestion que j'avais faite dans la douche est ce à quoi je dois la suite de mon châtiment, même si plus tard il s'est laissé influencer par cette suggestion. Si je vais trop avant, il reprend sa maîtrise en me faisant un autre truc abominable. Vous vous rappelez de la « suite de la punition ? » Raser mon crâne, c'était juste le début ? Enfin, ça serait probablement arrivé plus tard.

            -*-

            L'odeur de l'huile de pied de bœuf qu'il utilise pour assouplir le cuir a acquis la faculté de m'allumer au quart de tour. Ma punition suivante débute avec les sangles de cuir. Je n'ai pas besoin de revenir sur la façon dont il m'immobilise, sinon que cette fois il n'avait pas bouclé la courroie d'entre mes jambes et que je pouvais marcher normalement. Mes bras et mes épaules étaient toujours attachés vers l'arrière, exposant mes seins exagérément proéminents ; tellement tirés que la chaînette entre mes anneaux s'était tendue.

            Il me dit de le suivre au garage, où il me désigna le machin qu'il avait laissé recouvert d'un drap. Ça ressemblait à une chèvre pour scier du bois, un genre de chevalet, - d'ailleurs il l'appelait le cheval - sauf qu'il y avait deux barres parallèles horizontales au lieu d'une sur une chèvre, et qu'elles étaient séparées par un vide. Et, qu'au centre de ces barres, il y avait deux blocs de bois formant une selle en bois poli, minuscule, avec elle-même un espace vide en son centre. Le tout était parfaitement verni et fort adroitement fignolé.

            Il me laissa le contempler. Et c'est tout. Ensuite, il me ramena à la chambre, me mit la cagoule, et m'attacha le collier à une chaîne fixée à un pied de lit. Je dus rester assise au bord du lit et attendre, en l'écoutant se balader d'une pièce à l'autre, en me demandant ce qu'il pouvait bien faire, et à quoi donc ce machin-chose de « cheval » pouvait bien servir.

            Enfin, il me guida vers le salon, où il attacha mes sangles d'épaules à quelque chose au dessus, puis mes chevilles furent écartées et maintenues par quelque chose d'inconnu ; sans y voir, j'ignorais ce que c'était. Je ne pouvais pas non plus tomber, et je ne pouvais pas joindre les jambes. Il ouvrit la courroie de l'entrejambe et je sentis qu'il introduisait quelque chose en moi. Je me tortillai pour repousser ça, mais ce ne fut qu'un tortillage symbolique. Je savais qu'il me contrôlait. De plus, ce n'était pas particulièrement gros et ça ne faisait pas mal, bien que je ce fut rigide. C'était bien lubrifié et tout à fait indolore. J'ai présumé que c'était un godemiché. Il fit de même à mon orifice postérieur. Je me tortillai plus fort pour empêcher cette seconde intrusion, mais j'étais déjà excitée par la première et j'aboutis à me relâcher suffisamment de mon plein gré pour accepter le second appareil. Il les poussa tous deux profondément en moi et les y maintint, et j'étais débout là, encapuchonnée, docile.

            Je sentis quelque chose de lourd me frôler entre les jambes. Je n'en étais pas sûre, mais au prélude et au son, je m'attendais à ce que ce soit le cheval. Il me dit de m'asseoir. Lentement. Pendant que je le faisais, il manœuvra les godemichés pour qu'il soient bien en place. J'ignorais toujours à quoi il voulait en venir, mais je n'allais pas tarder à découvrir qu'il avait glissé la base des godemichés dans la fente formant étau de la selle du cheval et qu'il les y avait immobilisés en les boulonnant (avec une clé plate). Quand il commença à m'enlever la cagoule et les autres contraintes, je me rendis compte que les godemichés se touchaient presque tout au fond de moi, séparés uniquement par la paroi antérieure de ma cavité rectale et celle de mon vagin.

            Quand il en eut fini, j'étais tout à fait sans entraves : pas le moindre bout de cuir nulle part sur mon corps. Même mes mains étaient libres, mais ça me faisait une belle jambe. Les godemichés était faits de deux grosses chevilles de bois arrondies et polies, recouvertes d'un préservatif pour les rendre confortables (et sans échardes, Dieu merci !). ils étaient fixés dans une telle position que même si je tentais de me lever, il ne pouvaient s'extraire. De quelque manière que je bouge, je ne pouvais descendre du cheval sans me faire très mal, sinon me blesser. Pourtant, il n'y avait pas d'autres contraintes visibles.

            « Qu'est-ce que tu m'as fait ?! » lui demandai-je d'une voix mal assurée. Je regardai autour de moi, en me tordant aussi fort que je le pouvais pour voir ce qu'il avait fait, de plus en plus anxieuse et nerveuse. Je tâtai les appareils qui m'obligeaient à rester assise. Les boulons étaient trop serrés pour que je puisse les défaire. Je parcourus de mes mains tremblantes les deux endroits où les godemichés disparaissaient en moi ; ils étaient trop bien fixés pour être remués. Ce n'était pas incommode tant que je n'essayais pas de bouger, mais je n'avais pas de possibilité d'être libérée de cette chose. Je devais rester assise là et attendre la suite.


Il me dit qu'il ne me libèrerait pas tant que je n'aurais pas joui alors qu'il me regarderait. Avec les mains libres, je pouvais me caresser, mais c'était vraiment gênant d'être assise là au beau milieu de la pièce. Aux yeux d'un observateur peu attentif, j'aurais pu passer pour une femme nue, assise à califourchon sur un bête chevalet. Sans l'ombre d'un doute, une blonde platinée de style élisabéthain toute nue, sans poils pubiens et pourvue d'une chaînette reliant ses seins, mais même ainsi, vous n'auriez pas pu deviner qu'il m'était impossible de me mettre debout.

             J'ai vraiment essayé de me caresser, mais je ne pouvais pas entrer dans le trip. Sur le cheval, ça ne pouvait tout simplement pas marcher. Il se mit face à moi, passa un de ses doigts sous la chaîne d'entre mes seins et me tira dessus gentiment, mais fermement, en direction de lui. Le cheval m'autorisait à m'incliner jusque là, mais pas plus. Mes tétons s'étirèrent jusqu'à saillir et pointer dur.

            « Essaye encore, » dit-il, « plus fort. » J'étais en une posture bien trop délicate pour lui résister, et il le savait. J'essayai encore, plus fort. Je n'y arrivais toujours pas.

            Il me remit la cagoule, me rattacha les poignets aux cuisses et les épaules en cette position si peu naturelle. J'attendis. Quand il m'enleva la cagoule à nouveau, il y avait un plateau face à moi. Sur celui-ci, il y avait une paire de ciseaux, une cuvette pleine d'eau, une bombe de mousse à raser, une serviette et un rasoir.

            « Oh non ! S'il te plaît ! » lui dis-je. « Je ferais n'importe quoi ! Pas les cheveux qui me restent ! »

            « Je suis sûre que j'arriverai à jouir si tu me laisse essayer encore... » Pas de réponse. « Maître ! J'arrive à t'appeler Maître, maintenant, » balbutiai-je. « J'attendais pour te le dire ! Vraiment ! Je peux vraiment le faire ! Pas de problème ! » Il savait que j'étais prête à tout pour le stopper, même si ma dernière plaidoirie avait capté son attention - ce dont j'étais certaine. Il me fit une mine appréciative et secoua sa tête tristement en prenant les ciseaux.

            Ça ne sert à rien de supplier quand il est comme ça. Je laissai échapper un ultime pleurnichement alors qu'il s'apprêtait à agir.

            « S'il te plaît ? Maître ? » couinai-je, ma voix brisée se dissolvant en un hoquet sanglotant. Il me baisa le front délicatement et se mit à couper sans plus attendre. Je laissai mes pleurs s'épancher en une plainte douloureuse lorsqu'il coupa la première mèche. Je pleurai comme une Madeleine, en sanglotant des « Non, s'il te plaît, non, pas ça, pas ça, pas ça, je t'en supplie... » sans cesse et sans cesse. Je voyais mes cheveux tomber par terre autour de moi pendant qu'il les coupait, mais je n'ai pas tenté quoi que ce soit pour l'en empêcher. Je suppose que j'aurais pu secouer la tête de gauche à droite ou autre, mais il aurait tout de même gagné, en fin de compte.

            Cette fois-ci, il n'y avait pas de glace pour que je puisse m'y voir, et je lui en fus reconnaissante.

            Il m'enduisit entièrement le crâne de mousse à raser et entreprit de me faire la boule à zéro alors que j'étais en pleine lamentation, pleurnichante de frustration et que je ruai dans les sangles retenant mes poignets aux cuisses. Je m'étais figurée que ma frange n'aurait pas besoin de repousser autant que le reste de mes cheveux pour que je puisse oser me montrer en public. J'avais pensé pouvoir m'en sortir avec un foulard bien placé. Là, il me faudra six bons mois avant que je puisse me montrer sans perruque.

            Il me sécha le cuir chevelu à l'aide d'une serviette et m'embrassa sur la bouche, couvrant mes gémissements quasi-hystériques.

            « Dieu ! que tu es belle, » dit-il. « Et maintenant, les finitions... »

            Cela focalisa mon attention et je cessai de pleurer immédiatement. « Les finitions ? » pensai-je, «mais qu'est-ce qu'il lui reste à finir ? »


            Il mélangea un peu de ma crème décolorante, du genre de celle qu'on utilise pour blanchir les duvets du visage et il me l'appliqua sur les sourcils. Je les avais oubliés, ceux-là.

            Ils étaient épilés suffisamment fins tels quels. Ils seront invisibles, désormais, ai-je pensé. J'avais raison. Ils sont invisibles. Ce qui, bien entendu, était ce qu'il désirait. Déjà, il ne me les avait pas rasés : je pourrais les reteindre, plus tard. Il me laissa là, le temps que le blanchiment fasse son effet. Quand il revint pour m'essuyer la crème, c'était presque le crépuscule. Il me nettoya le mascara qui avait coulé ainsi que mes larmes séchées. J'avais arrêté de pleurer et j'avais eu le temps de penser à ce qu'il venait de me faire. D'une manière ou d'une autre, ce n'était pas aussi traumatisant que la première fois.

            Je vais devoir porter une perruque. La belle affaire ! je devais déjà porter une perruque avant. Je peux teindre mes sourcils ou plus simplement les assombrir d'un trait de mascara. Autrement, nul ne pourrait savoir que mon corps est complètement glabre. Ce n'est pas pire que quand il m'avait rasée à demi : je devais déjà porter une perruque et je devrais encore porter une perruque. L'étape cruciale fut mon premier rasage. Tout ce qui est advenu plus tard n'a été que secondaire - juste achever un article inachevé de la Liste. Je crois que ce qui m'embête vraiment en ce moment n'est pas d'avoir à porter une perruque pour sortir en public. C'est que je suis complètement chauve. Je me sentais (je me sens toujours) si NUE sans perruque ni rien pour me couvrir. Je pense que ce fut réellement l'ultime mise en pièces de ma dignité. Pendant le temps que j'eus à l'attendre sur le chevalet, je ne fis que regarder dans le vague avec ces pensées. Non, ce n'est pas vrai. Je ne pensais même pas, je regardais dans le vague.

Il prit la clé plate pour dévisser les boulons qui retenaient les godemichés. J'étais toujours assise à regarder dans le vague, et il fit doucement glisser hors de moi les deux appareils qui m'avaient rivée au chevalet. Quand il m'aida à me relever, j'évitai d'instinct de relever les yeux sur lui, non parce que je jouais mon rôle d'esclave, mais parce que j'avais honte de l'apparence que je savais avoir. Rappelez-vous, je n'avais même plus de sourcils. Vous ne pouvez pas être plus nue que ça.

            Il me prit par le coude et me guida jusqu'à la salle de bain en passant par sa chambre. Sur le trajet, je jetai un œil à la psyché, mais il l'avait recouverte d'un drap. Le miroir de la salle de bains était couvert, lui aussi. Il fit couler la douche et nous y entrâmes.

            Il fut très doux avec moi, bien qu'il ne m'ait pas ôté les bracelets reliant mes mains aux cuisses. Je voulais tant me couvrir ; j'essayai de tourner la tête de côté comme pour me cacher. Il effaça tout mon maquillage et me savonna de la tête aux pieds. Quand je me rinçai, la sensation de l'eau sur mon crâne chauve fut une surprise. Des picotements ; c'est une sensation plaisante, mais je n'avais pas l'humeur aux sensations plaisantes. Je ne pouvais toujours pas me convaincre de le regarder, ni m'imaginer qu'il aimait à me voir ainsi, mais il était prodigieusement intéressé, ça sautait aux yeux. Il me couvrit de gel à pleines poignées, à nouveau de la tête aux pieds, et il me demanda de lui faire pareil. J'eus du mal à comprendre ce qu'il entendait par là, vu qu'il savait bien que mes mains étaient attachées à mes cuisses.

            « Comment ? » demandai-je. Long silence. « Je veux dire, si tu le veux bien, pourrais-tu me détacher les mains ? » J'avais presque oublié. Le rasage de crâne m'avait en quelque sorte projetée hors de mon rôle.

            « Ton corps est plein de gel. Sers-toi de ton corps. »

            Je le fis donc, en me frottant contre lui, déplaçant mes jambes entre les siennes, glissant mon dos contre le sien, et en lui demandant à plusieurs reprises, « Si tu le veux bien, peux-tu me remettre du gel ? » Comme je me frottais les seins contre son dos, puis sur son érection, je vis qu'il était extrêmement... prêt. Je sais que vous allez probablement penser que c'était un avilissement servile et dégoûtant, que de me frotter ainsi à lui, tout spécialement après ce qu'il venait juste de me faire. Là, j'ai vraiment senti que j'avais franchi la ligne entre un esclavage digne et une authentique dégradation. Je m'en fichais.

            Soudain, il me fit pivoter, me prit dans ses bras et m'embrassa. Il était très excité et il déversait un torrent d'émotion brute dans ses baisers. Il me guida hors de la douche, et, au lieu de nous sécher, il me mena tout droit dans la chambre, où il me jeta littéralement sur le lit, trempée et dégoulinante de gel-douche. Sans préambule, il fut sur et en moi. Pas de préliminaires, rien de rien. Il me ravissait, au propre et au figuré. Ça fait vieux jeu, je sais, mais il n'existe pas d'autre façon de le décrire. Non qu'il ait perdu son contrôle, mais mon apparence le déchaînait. À un moment, je perçus qu'il tentait de ralentir et de retrouver sa maîtrise - d'ordinaire excellente - de la synchronisation de nos orgasmes, mais il échoua lamentablement. Nous glissions et dérapions l'un contre l'autre, et ce fut comme si ma peau épilée et sensible du mont de Vénus s'étendait à tout mon corps pour ne plus former qu'une seule grande zone érogène. En quelques petites minutes à peine, longtemps avant que je n'y sois prête, il jouit sans pouvoir se contenir, à grands coups de boutoir, haletant et pantelant. Il s'effondra sur moi, enfouissant son visage au creux de mon épaule.

            À vrai dire et en dépit de la gêne provoquée par mon apparence, et malgré le fait que je n'avais pas joui, je ressentis une véritable sensation de chaleur (pouvoir ?) du fait que je pouvais lui faire perdre tout contrôle à ce point, et je savais que c'était mon aspect glabre qui lui faisait ça. Il fallait que j'imagine mon look : pratiquement sans aucun signe particulier. Il m'avait faite telle qu'une poupée, un mannequin déshabillé de grand magasin, sans le moindre poil nulle part. Sauf que les mannequins ont un maquillage peint.

            Peut-être encore plus qu'un mannequin, j'avais l'air d'un prototype inachevé d'androïde (gynoïde ?) féminin. Le temps d'un éclair, je vis mon image comme celle d'un genre d'appareil/objet. Une sorte de poupée gonflable vivante, conçue pour une seule fonction : satisfaire mon propriétaire.

            Je redoutais de voir mon reflet dans une glace, mais nonobstant, j'étais curieuse. Je commençais juste à être allumée par cette sensation de pouvoir et la sensualité de nos corps glissants l'un contre l'autre quand je réalisai qu'il était en train de fondre en moi. Je me souviens avoir pensé alors qu'il y a deux mille ans, les vrais esclaves devaient probablement être utilisés comme des appareils, eux aussi.

            Il souleva sa tête et me regarda dans les yeux. « Tu te sens comment ? » me demanda-t-il.

            « Si tu le veux bien, je pensais que j'aurais aimé que tu me prennes dans tes bras et que tu me touches et que tu me dises que je ne suis pas moche. »

            [Note Venant du futur : je ne pouvais pas écrire ça à l'époque, parce que J l'aurait lu et qu'il aurait su que je le manipulais, mais : l'amener à lui faire toucher mon crâne chauve fut une mise en œuvre délibérée du pouvoir que mon apparence me donnait sur lui.]

            « Mais je te touche partout, déjà, autant que c'est possible de te toucher, » dit-il.

            « Je voulais dire... mon crâne. J'ai tellement honte de mon allure... ça me terrifie. »

            Il toucha mon crâne et je conservai les yeux soigneusement abaissés. Il n'avait pas besoin de me dire qu'il pensait que j'étais belle : je le sentis s'émouvoir en moi presque immédiatement. Une minute à peine, et je m'acheminai vers un orgasme effarant, rendu encore plus terrifiant par cette vision soudaine de moi en tant qu'espèce de machine à sexe insensible, mais qui le rendait fou. Je conservai un visage impassible et réprimai toute expression d'émotion en le serrant fort et en remuant des hanches en rythme avec lui, à la façon dont j'imaginais qu'un appareil/créature l'aurait fait. Pendant ce temps-là, un orgasme formidable se préparait secrètement en moi. J'ai vraiment tenté de supprimer le premier, et je crois y être parvenue : je tins le rythme de mes hanches en jouissant sans faire le moindre bruit.

        

Mer 25 fév 2009 Aucun commentaire