Le blog de panpan
Il commença par me dire qu'il fallait que je me prépare pour l'autre manière de rapport sexuel. Malgré ce par quoi nous étions passés, nous effectuions encore un genre de danse verbale autour du concept.
« Tu te rappelles que tu m'avais dit comment tu pourrais t'y préparer. D'une façon particulière... » commença-t-il.
Je ne lui avais pas donné tous les détails, mais il savait de quoi il en retournait. « Tu veux dire me nettoyer le dedans ? Derrière ? » dis-je.
« Oui. Je sais que ces préparatifs ne figurent pas sur la Liste, pourtant. »
« Si tu le veux bien, nous pouvons l'y ajouter. Sinon, si l'alternative est de pouvoir le faire sans ces préparatifs, je préfèrerais. »
« C'est à considérer. » Mamma mia. Si formel. Peut-être bien qu'on n'a toujours pas quitté le Kansas, hein mon Toto. Peu importe la manière anatomique répugnante, lequel ou combien d'orifices sont pénétrés, peu importe quelles sécrétions glandulaires ou perversion cachées sont en jeu, il n'existe aucune situation qui ne puisse être aseptisée par l'étiquette du Middle West.
Je vais vous donner un exemple. Désolée de digresser, mais j'ai rencontré une fois un auteur dramatique gay militant d'Indianapolis, qui pensait pouvoir lancer un défi au milieu politique homophobe du Middle West en écrivant une pièce qui mettrait en valeur les attitudes supposées plus libérales des sociétés grecques et romaines. Il s'était fait connaître en commettant une farce satirique déplorable sur un gladiateur gay nommé Felonius Orifice et son frère jumeau Titus.
Il avait espéré que même si sa pièce ne lui faisait pas gagner un sou, il lui serait au moins accordé les honneurs de la censure de la part du préfet ou du commissaire principal. Malheureusement, le soir de la première, il y eut une audience assez importante de militants gays présente dans la salle, en geste de solidarité politique pour leur camarade activiste.
Dès le premier acte, il devint évident que l'auteur avait fait une erreur de jugement sur le sens de l'humour de la communauté gay, bien que le reste du public semblât y prendre immensément plaisir. Apparemment, la pièce était un tantinet ambiguë quant à qui était précisément satirisé, et les gays pensèrent qu'il s'agissait d'eux. Ils prirent leur cause bien plus au sérieux que l'auteur ne l'avait fait. Ils se sentaient trahis. Ils sortirent à l'entracte pour aller investir en légumes et en sous-produits gallinacés. La pièce cessa au tout début du deuxième acte. Le propriétaire de la salle dut faire changer les rideaux.
L'auteur devint célèbre : vous pouvez imaginer la joie des chroniqueurs, des éditeurs et des critiques. Ils furent tous d'accord pour que la pièce reprenne, mais aucun théâtre ne voulait d'elle. Il n'y avait personne à cent lieues à la ronde qui ne connaisse l'histoire. TOUT LE MONDE la connaissait.
Même ainsi, quand je lui fus présentée par une vieille pipelette sympa du Middle West, pivot du milieu culturel d'Indianapolis, elle me dit : « Il est célibataire, vous savez... » avec une mine significative censé me conter Toute l'Histoire : « célibataire » équivaut à gay si c'est dit avec le ton juste et avec les sourcils infléchis comme il faut. C'est le genre de code linguistique sémaphorique que les gens du Middle West comprennent parfaitement. Ça leur permet de communiquer avec le Sud Profond, par exemple, et de traduire aux New-Yorkais.
Et si vous croyez que la vieille pipelette yoyote, détrompez-vous. Elle avait acheté des actions chez IBM pour des clopinettes alors qu'elle n'était qu'une adolescente et elle pense que les New-Yorkais sont bien trop dépendants de la réalité. Elle possède plusieurs appartements à Miami, New York et Indianapolis.
Ainsi donc, J et moi n'avions pas le moindre problème à nous comprendre mutuellement, malgré le fait que nulle fonction corporelle et pas le moindre détail anatomique n'eussent été mentionnés.
Enfin bon, notre petit échange clarifia les choix qui s'offraient à nous : je pouvais me préparer à ce qui allait venir ou pas, mais ça viendrait de toute façon. Je pouvais uniquement maîtriser le niveau d'hygiène et rien d'autre.
Je me suis donc préparée. J dit qu'il faut que j'inclue tout cela dans le compte-rendu, donc je vais le mettre, mais je tenterais de le décrire aussi délicatement que possible. Nous parlons de l'irrigation du côlon, là, mes amis. La procédure se déroula en plusieurs étapes, jusqu'à ce que j'évacue de l'eau claire et propre. Puis une autre pour être bien sûre. C'est plus qu'il n'en faut pour préparer un patient à l'examen un examen, mais nous n'allions pas faire que regarder, quoi ? Je voulais être propre. Pour moi autant que pour J. Assez parlé, spécialement pour ceux du Middle West. Comme je l'ai déjà signalé, ma mère, l'archétype même du Middle West, n'a pas de fonctions corporelles du tout, pour autant que je sache. Mes excuses aux gens de chez moi, mais j'ai découvert que dans le monde réel, les gens se servent de mots tels que 'côlon', parfois. Ils se servent même de leurs côlons, parfois, m'man. De manière récréative, même.
En attendant, retour case bondage, l'étape suivante fut la douche rituelle obligatoire. J'étais propre au dedans et au dehors, et aussi nue que possible si l'on fait exception d'une paire de chaînes. Il me fit m'enduire d'une base de maquillage mate sans l'aide d'un miroir, et me poudrer par dessus. Puis, après avoir mis la longue perruque noire enchevêtrée en place, j'en eus fini. Je savais ce qui allait se passer, je me repeignis donc les mêmes sourcils « peinés » qu'avant. Ce look m'allume terriblement et je pense [je sais] que c'est pareil pour lui. En plus, ils exprimaient ce que je m'attendais à ressentir.
Il me mena jusqu'à la chambre en me tirant par la chaîne des poignets et commença avec de légers préliminaires et en me serrant dans ses bras sur le lit. Alors qu'il m'échauffait, mon esprit restait concentré sur ce qui allait advenir (j'avais surtout peur d'avoir mal) et je fus plutôt surprise lorsqu'il enfila un nouvel appareil en moi. Un autre joujou ramené de la bijouterie de San Francisco ; il a dû dépenser une fortune ce jour-là. C'était un vibromasseur, un de ceux avec un renflement à la base qui s'appuyait sur mon clitoris pendant que le reste résidait (et plus tard vibrerait) en moi. Il me mit debout et me fit m'agenouiller en posant ma poitrine sur un petit banc (un genre de tabouret de piano bas) tapissé de velours rouge sur le dessus. Il me scotcha les poignets et les genoux aux pieds du tabouret et passa une sangle autour de ma taille et du banc, afin que je ne puisse plus me relever ni même bouger du tout, sauf la tête. Je pouvais me remuer le derrière un petit peu, quand même.
Il y avait une grande glace devant moi, appuyée au mur. Mes seins pendaient par devant le banc, et je pouvais à peine soulever mes épaules suffisamment pour apercevoir les petits pendentifs de grenat sur mes tétons. J'étais pas mal du tout avec la longue perruque hirsute. Je voyais le reflet du visage de J et de ses épaules derrière moi.
Je me tortillai un peu, mais de la façon dont mes jambes étaient attachées, je ne pus les resserrer quand il vint entre mes cuisses pour actionner le vibromasseur. Lorsqu'il le pressa fort en moi, ce fut stupéfiant. Je poussais de mes hanches contre le tabouret, ce qui appuya l'excroissance de l'embase sur mon bouton d'amour, et je pus déduire immédiatement qu'il s'agissait d'un vibromasseur conçu par une femme.
Tout de suite après, je sentis ses doigts me lubrifier en vue d'une pénétration. Je me retrouvais une fois de plus en train d'essayer de me concentrer sur deux choses en même temps. Le vibromasseur me faisait des choses très intéressantes, mais je le voyais par dessus mon épaule et je le sentais m'étirer et me distendre de plus en plus. Je fus absorbée tout entière de ce côté-là.
De voir mon expression en même temps me donna l'impression que je me faisais l'amour. Ça sonne narcissique, je sais. Enfin, ça l'était. Je n'ai pas à me justifier : pour une raison inconnue, je ne me sentais ouvertement narcissique et nullement décontenancée, et je m'abandonnai totalement à cette impulsion. Qu'est-ce que ça peut foutre, je me dis. Je ne m'étais jamais vue dans une glace pendant le sexe, avant. (Il s'agit bien de sexe, non ?) Enfin bon, les coups d'œil que je jetai au miroir étaient tout autant pointés sur moi que sur J.
La première expression fut celle du surprise peinée quand il commença à entrer en moi. La sensation me fit réellement hoqueter et je tentai de me pousser en avant pour fuir la douleur.
« Attends ! » couinai-je, « c'est trop gros ! » Il était très délicat, mais il est un peu plus gros que le vibromasseur que j'avais là-dedans juste avant. Il m'avait bien préparée avec des tonnes de lubrifiant, et il était déjà partiellement entré. Je ne peux pas décrire la sensation éprouvée à être ouverte et pénétrée là. L'anxiété que j'ai ressenti au moment où il m'écarta les fesses me fut exquise. Je suis fière d'annoncer que je me suis délectée de l'appréhension et de l'anxiété comme un gourmet découvrant un nouveau plat pour la première fois, parfaitement conscient qu'il n'y peut y avoir qu'une première fois. Je me sentais comme profanée, quoique bien plus maintenant que lorsque j'avais perdu ma virginité. Mais ce fut une profanation délicieuse. Je me souviens avoir eu une pensée fugace et inarticulée en un flash :
« Cette fois j'expérimenterai au lieu d'endurer. » (En réalité, c'était plutôt : « Aïe ! Oups. C'coup-ci faut que'j'me lance et que j'm'éclate le beignet. »
Après, j'ai arrêté de penser. Je haletai, inspirant l'air à petites bouffées, comme si de grandes bouffées auraient pu me faire mal, et je criai plusieurs fois au fur et à mesure qu'il glissait en moi plus profondément, par paliers. Il stoppait et attendait que je m'accorde à sa grandeur. À chaque pause, il se tendait (?). J'en ignore la cause physiologique, mais il a des palpitations et semble se grossir momentanément en moi. Ce n'est pas un mouvement de ses hanches, mais de son organe. Enfin, je dis se tendait par manque d'un terme plus adéquat, même si je ne connais aucun muscle qui pourrait expliquer cela (j'ai vérifié dans mon dictionnaire anatomique. Je n'y ai rien trouvé à ce sujet) et J ne sais pas non plus ce qu'il fait, mais je suis sûre que tous les mâles peuvent le faire. Ce fut une autre sensation délicieuse, une de celles qui m'ont vraiment aidée alors qu'il continuait à doucement pulser son chemin en moi.
C'est radicalement différent du sexe « normal ». C'était une sensation de plénitude, d'être pleine. C'est ce qui décrit le mieux. C'était d'autant plus neuf et étranger que c'était accompagné de sensations que j'associe normalement au fait d'être vidée. Mais j'étais complètement remplie et je ne pouvais pas y échapper : je tentai de m'extraire de cette posture en gigotant et je savourai de ne pouvoir m'échapper.
Finalement, il fut tout à fait dedans. Je sentis ses hanches sur mes fesses. J'étais étourdie de sensations nouvelles, mais il attendit que mon souffle s'apaise et que je m'acclimate. À titre d'essai, je me contractai autour de lui, bien que je sois élargie au maximum et que j'aie mis tout en œuvre pour rester suffisamment ouverte et détendue pour l'empêcher de me faire mal. Il sentit la contraction et se « tendit » de nouveau.
Je n'y avais pas encore songé, mais l'attitude que je DUS adopter est l'une de celles qui englobe tout le concept de bondage pour moi : se détendre, s'y soumettre, y faire bon accueil, et la douleur devient plaisir. Étrangement, l'inverse n'est pas vrai : combattez-la et le plaisir ne deviendra pas douleur. Plutôt, si vous faites preuve d'habileté, la résistance vous mènera plus près des confins de la douleur et c'est là que vous allez jouer. Lutter contre soi soulage de la culpabilité, par ailleurs. Je me sens toujours coupable, vous savez, sans doute parce que je suis de l'Indiana et tout et tout.
Il me laissa être la première à me mettre en mouvement, en me contractant autour de lui et en poussant sur ce (très intéressant) nouveau vibromasseur contre le rebord du tabouret. Tout d'abord, je ne fis que des mouvement empiriques, explorant mes limites. J'en conclu qu'il était de taille idéale. S'il avait seulement été une fraction de centimètre plus gros, j'aurais eu vraiment mal, mais il m'emplissait tout entier et si je restais détendue sans m'y opposer, je pouvais m'empaler encore plus sur lui et y trouver plaisir. (Oui, je sais, vous pensez : qui pourrait y trouver du plaisir, mais il ne faut pour cela rien qu'un bon vibromasseur et un amant très sensible - un qui peut suffisamment contrôler ses instincts pour vous aider en ces instants critiques. Je n'espérais rien d'autre que d'endurer, mais j'en vins à trouver ça pas mal du tout. Je regrette ce que je viens de dire. J'y ai pris plaisir, point final. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas eu mal).
Mais ne vous méprenez pas : je ne dus mon orgasme qu'au vibromasseur. Je ne pourrais jamais jouir du sexe anal tout seul. Ces sensations furent principalement celles d'une pénétration, d'une étrangeté et de douleur occasionnelle ; ce fut leur fusion en orgasme qui le rendit si... bon.
J'essayai de me pousser contre lui tout en me frottant au vibromasseur, et je finis par trouver le truc. Il se remua doucement en réaction à mes gestes hésitants, mais il changea de rythme : plutôt que de s'enfoncer en moi quand je me poussais contre lui, il me suivit quand je m'appuyais sur le vibromasseur et il m'aida aussi à bien m'y ajuster, en m'épinglant gentiment sur le rebord du banc. En m'arc-boutant, je faisais tout pour me relâcher et m'ouvrir, en le tirant en moi quand il se retirait, en l'accompagnant d'une poussée. Il se mit donc à bouger avec moi, plutôt que contre.
Durant tout ce temps, je ne cessai de me regarder dans la glace. Je dois avouer que les expressions qui me traversèrent à demi-involontairement m'allumèrent au plus haut point. Occasionnellement, il poussait quelque peu trop fort et je hoquetai et un trait de souffrance me barrait le visage (rehaussé, bien entendu, par les sourcils expressionnistes que je m'étais faits). Il guettait ces signaux et il était très attentif à moi, mais j'étais toujours totalement entre ses mains. Je devais accepter tout ce qu'il voudrait. Je m'observai avec les yeux mi-clos quand mon souffle s'accéléra et que je devins de plus en plus réceptive. Rien ne l'obligeait à être attentif, et il l'était cependant, à la perfection. Il m'accula dans mes limites extrêmes, me poussant parfois un peu au delà, juste au point de me faire haleter. Plus d'une fois, mes yeux mi-clos s'écarquillèrent de surprise et un demi-cri de douleur s'échappait quand j'avais le souffle coupé, mais il avait une telle maîtrise que tout se muait immédiatement en jouissance. Il avait vraiment dépassé les bornes, cette fois.
Alors que j'allais jouir, (c'était vraiment le vibromasseur qui m'avait menée là) je voulus désespérément me soulever pour mieux profiter de lui et du vibromasseur, mais à chaque fois que je me tendais à l'extrême, je ne récoltais que de la souffrance. Je dus me forcer à me maîtriser et à limiter mes gestes à de petites saccades qui soudainement, et sans ma volonté, se muèrent en spasmes convulsifs. Je cheminai lentement, sans y penser, (sans même l'espérer) vers un orgasme quand, sans m'en rendre compte, je me retrouvai au beau milieu d'un truc énorme.
Mes yeux s'écarquillèrent et ma bouche s'arrondit comme pour faire « Oh ! » mais sans qu'un son ne la franchisse. La tentation des contractions orgastiques fut trop grande pour que j'y résiste, mais à chaque fois que je me crispais, j'avais mal. Maintenant encore, je me demande si c'est le plaisir ou la douleur qui fut la dominante de cet orgasme, mais j'ai l'intime conviction que la douleur avait intensifié le plaisir d'une manière que je n'avais jamais expérimentée. Je ne pouvais plus séparer les deux. Comme j'ai dit, il avait dépassé les bornes. Je crois que moi aussi.
En cet instant critique, alors que je me mirais, en proie à l'agonie d'une douleur/plaisir et en pensant que j'avais l'air très belle ainsi, il m'arracha la perruque et je vis mon crâne rasé pour la première fois.
Il avait prévu que ce choc arrive comme une claque au beau milieu de mon orgasme. Je ne pus réfréner les puissantes contractions de mon bassin, bien que chaque spasme me fasse souffrir bien au delà des soupirs qui forçaient mes lèvres de plus en plus bruyamment. J'étais totalement confite par l'orgasme en cours et en même temps j'étais terrifiée par mon apparence. J'étais si chauve et si nue ! Mes soupirs s'accrurent et je m'entendis crier « Non ! » et « S'il te plaît ! » et « Arrête ! » à chacune de ses poussées, même si je me causais plus de mal que lui. Et ce n'était pas que le sexe et la douleur que je voulais arrêter, c'était la vision de moi si nue et chauve et moche. J'étais absolument hors de ce trip-là, orgastiquement, visuellement, psychologiquement, de toutes les manières que vous voudrez bien imaginer. J'ai réagi très fort et sans la moindre inhibition à tout, et d'un seul coup. Ça paraît bête de dire ça maintenant, mais c'est comme ça que je l'ai ressenti alors, c'est comme ça que je m'en rappelle.
Mon corps entier se raidit et se durcit au sommet de l'orgasme. Je crois que tous mes muscles étaient bandés. Ma respiration même était suspendue. Mes yeux étaient ronds et vides, fixant mon reflet avec une sorte d'hébétude stupéfaite. De fait, j'étais réellement surprise par les sensations que j'éprouvais. Plus que ça, j'étais pétrifiée : ma bouche était ouverte sur un « O » surpris, mais silencieux, et je me tendais contre les liens de mes chevilles et de mes poignets ; je me rappelle que les tendons de mon cou et de mes avants-bras saillaient. Alors que j'étais sous l'emprise de l'orgasme, mon corps semblait indépendant de moi et se crispait de tous ses muscles, ne me laissant pas la moindre maîtrise volontaire du tout. Je le serrais comme dans un étau, lui et le vibromasseur. Je me regardai dans les yeux et j'eus le très net sentiment que je me faisais l'amour, victime de mon besoin propre. Et même plus, (c'est très gênant à admettre) que j'étais amoureuse de moi-même. Ça tient debout, ça ? Je ne suis pas bisexuelle, mais à vrai dire le narcissisme est une sorte d'homosexualité, non ? Voilà ! au moins c'est du sexe avec une personne que j'aime...
Finalement, je me rendis compte que j'avais arrêté de respirer. Alors que j'étais arrivée au delà du sommet et que j'entamai ma glissade au loin de l'apogée, un cri étonnamment fort s'échappa et j'expulsai l'air vicié que j'avais en suspens d'un seul coup de poumons. Je me remis à respirer à grandes lampées, haletante.
Après que ce fut achevé, il se retira lentement et en douceur. Je lui en fus reconnaissante. Je fus presque chagrinée de le sentir m'abandonner. Il arrêta le vibromasseur, défit la sangle autour de ma taille, et coupa les liens de mes poignets, en me passant les ciseaux pour que je puisse me libérer du reste. Alors qu'il était sous la douche, je continuai à me dévisager, en état d'hébétude.
Je suis d'ordinaire hébétée après une « séance », mais fois-ci, il s'agissait d'une hébétude provoquée par mon allure autant que par mes sentiments. Je me dévisageai ainsi pendant un bon moment. En fin de compte, je me secouai pour m'extraire de cet état, puis je libérai mes genoux. Je m'assis quelques minutes sur le tabouret, pour enlever le ruban adhésif sur ma peau et me rassembler les esprits avant de me lever. J'avais les jambes en coton. J'avais toujours les chaînes, mais à part ça, quand je me mis debout face au miroir, j'étais complètement, et je dis bien complètement, nue. J'offrais une vision carrément choquante.
Désolée de m'appesantir sur le sujet, mais il s'agit de la chose la plus importante qui soit arrivée à mon corps depuis ma puberté, quand mes seins avaient commencé à pousser. J'ai vraiment l'air différente. Tellement, tellement nue. Dépouillée.
Des mots comme nue, exposée, glabre, chauve, tondue, et rasée me vinrent à l'esprit, et je sais que je radote, mais ces mots ne parviennent tout simplement pas à capturer la sensation d'être dépouillée de partout et sous tous les angles. Je ne sais pas comment l'exprimer. Ce n'était tout simplement pas moi dans le miroir. Je me tournai sur le côté pour voir de quoi j'avais l'air. Toujours incrédule au sujet de mon apparence, ma main rampa jusqu'à toucher mon cuir chevelu, à moitié pour vérifier que c'était bel et bien réel, en espérant encore que ce ne fut pas le cas. Avec le petit miroir, je scrutai l'arrière de mon crâne. C'est si blanc et lisse et rond, plus pâle encore que le reste de ma peau - qui était plutôt pâle, même après le premier traitement au lait bronzant. Il n'est pas bosselé, comme certains crânes d'hommes chauves le sont parfois ; c'est un dôme régulier, devant, derrière, et sur les côtés. En fait, ça lui donnait un air encore plus dénudé. D'habitude, je considère que les boucles d'oreilles sont de petits accessoires, mais sans les cheveux, elles prenaient soudain une importance majeure dans les traits de mon visage. Avant, elles étaient cachées par mes cheveux.
Ça peut sembler singulier, mais j'ai regardé les anneaux de mes tétons et j'ai pensé : « enfin bon, au moins j'ai toujours ceux-là. » Stupide, je sais, mais ça me rassurait de penser qu'ils étaient les derniers vestiges de mon « vieux moi », même si j'aurais dû logiquement les considérer comme les symboles les plus précoces de mon « nouveau moi. » Peut-être ai-je juste pensé à eux comme étant la seule partie de moi qui n'avait pas été retirée. Doux Jésus, je ne sais pas. Je ne sais pas quoi penser.
J sortit de la douche et vint derrière moi et m'enlaça de ses bras alors que je me regardais dans la glace. Je lui demandai comment c'était possible qu'il puisse m'aimer telle quelle, et je sentis immédiatement une érection poindre dans mon dos. Je suppose que je n'ai pas vraiment besoin d'autre réponse que celle-là. Ça le fait bander. Bien que je déteste ça, je m'avoue excitée par certains aspects de la chose, moi aussi. La gêne, par exemple. À chaque fois qu'il fait une chose que je crois détester, il me rappelle que mes sensations se ramènent à de la gêne, et c'est alors qu'il me demande de lui en faire don. Il me demande de la ressentir, puis de la laisser sortir. Inexplicablement, ma rancœur se mue en quelque chose d'érotique. D'habitude. Je ne sais pas.
Des quelques jours précédents, j'avais fini par déduire que le seul impact visuel de ma calvitie globale allumait mon J, mais c'était plus compliqué. Tout aussi important était le fait qu'il me savait étourdie par ce qu'il m'avait fait et que je j'aurais un autre choc en me voyant pour la première fois dans une glace. Mon état mental lui importait au moins autant que mon aspect physique, et l'expression de mon visage (figée telle quelle durant mon orgasme) exprimait très exactement l'état mental qui le faisait tellement bander.
Pendant cette séance, J s'était retenu par souci de tendresse envers mes arrières jusqu'ici inviolés, mais un petit quelque chose dans mon reflet miroité à l'instant précis de ma jouissance (il me l'a dit, plus tard) lui avaient fait perdre tout contrôle - ce que j'aurais pas pu deviner s'il ne me l'avait pas dit. En pleine descente d'orgasme, je me retrouvais face à moi, pantelante et les yeux rivés sur mon visage et mon crâne dans la glace. J'avais toujours cette mine surprise et choquée : après tout, je ne m'étais jamais vue sans le moindre poil auparavant. Peut-être ne devrais-pas mâcher mes mots. J'étais (je suis) chauve. Absolument chauve et dépouillée. (Je sais, je sais. Je radote...) Quoi qu'il en soit, alors que j'étais agenouillée à me regarder ainsi, frémissante et palpitante, je le sentis s'enfler et se raidir en moi. Il commença tout léger mais très puissamment, en se retenant de bouger en moi et il atteignit l'orgasme presque immédiatement. Voilà qu'il était en pleine perte de contrôle comme il avait coutume de dire. Il entend par là qu'il n'avait pu s'empêcher de jouir, et non qu'il ne se souciait plus de moi.
Notre sexe frontal usuel requiert habituellement de sa part bien plus d'efforts que ça, mais cette fois-là, il ne fallut presque aucune stimulation pour l'amener à jouir. Je lui ai posé la question, plus tard. Il m'a répondu que ce n'était simplement de faire l'amour « comme ça » qui était la cause de tout. C'étaient aussi mes expressions et mon air pendant et après l'orgasme. Je crois que le cerveau est la vraie zone érogène. Ça doit être vrai. Sinon, comment pourrait-il y avoir des pollutions nocturnes ?
Ça m'intéressait vraiment, ça, alors lisez attentivement ce qui va suivre. Je l'interpellai (si tant est qu'une esclave puisse interpeller son maître) sur ce à quoi je ressemblais exactement pour lui, et sur ce que ça lui faisait. Il s'allumait à toute une combinaison de choses. En premier venait l'idée que j'étais tellement surprise et incapable de contrôler ce qui m'arrivait. J'ai été réellement surprise, sauf que je me suis délibérément servie de mon visage pour exprimer cette surprise d'une manière bien plus explicite qu'en temps normal. C'est une très grande leçon pour moi. Bien sûr, les sentiments en eux-mêmes nous sont de première importance, vu que nous sommes des humains, mais dans le processus de la communication humaine, les apparences sont au moins aussi importantes que les sentiments qu'elles transmettent.
Les comédiens s'entraînent devant une glace pour juger si leurs visages font bien leur boulot, qui est de communiquer ce qu'ils prétendent ressentir. Le péquin moyen ne s'embête pas avec tout ça, c'est pourquoi il ne communique pas aussi bien, même si ses sentiments sont authentiques. C'est stupide de ma part d'affirmer que : bien sûr, d'ailleurs c'est pour ça qu'on paye les comédiens.
En résumé : je suppose que vous pourriez considérer mes expressions faciales comme un jeu d'acteur et qu'elles sont donc trompeuses, sauf que ça m'amusais juste de bien montrer ce que je ressentais réellement. Je FIS que mon visage AIT L'AIR de ce que je RESSENTAIS. Ce faisant, je me rendis compte qu'il ne reflétait pas fidèlement mes sentiments. Et puis, faire cela ME fut un terrible excitant visuel.
Est-ce bidon de devoir devenir acteur pour montrer vos sentiments réels ? Ouh. Oh. Je sens le guillemet qui se pointe...
« Mythe et Vérité sont une seule et même chose... il vous faut simuler la passion pour sentir cela,... l'homme est une créature de cérémonie. »
Sartre, je crois. Je cite de mémoire.
-*-
J'ignore ce qui m'a pris ce soir après ma première expérience avec cette nouvelle forme de sexe. Je me sentais très bizarre. J'étais d'humeur érotique, mais je n'avais plus envie de sexe. J'ai fait quelque chose que je n'aurais jamais cru faire : je suis partie chercher le torse de plastique et je me le suis mis. J'ignore pourquoi, c'est un truc tellement anti-érotique à porter.
D'abord, je me suis douchée, puis j'ai conditionné ma peau, puis j'ai pris le torse et je me le suis cadenassé, bien que ce soit J qui en possède la seule clé. J'ai enfilé un collant anthracite transparent et sans démarcation. Il faut tout prévoir à l'avance pour enfiler cette carapace : je dus mettre les bottes avant le torse, parce qu'une fois dedans je ne peux pas me pencher suffisamment pour pouvoir les enfiler commodément. Puis je me suis assise pendant une heure ou deux, histoire de me maquiller. Je sais bien qu'il eût été plus logique de mettre le torse en dernier, après le maquillage, mais je ne le voulais pas. Je ne sais vraiment pas pourquoi.
Le maquillage est une occupation rassurante et familière que j'effectue sans penser ; c'est presque une méditation. Je me fis un look aussi artificiel que le plastique qui me recouvrait. Un peu poupée, avec des sourcils très arqués à l'aide d'un trait incisif d'eyeliner ultra-fin (totalement dénués d'expression, j'étais fardée comme une japonaise pour une pièce de kabuki) et les lèvres dessinées en arc de Cupidon. Je me suis même collé des faux-cils, chose que je n'avais pas fait depuis une éternité. Avec une base de maquillage, je rendis ma peau aussi impeccable et lisse que le plastique, et je me revernis même les ongles en noir pour qu'ils s'harmonisent avec le torse. Je mis la touche finale en me plaçant la perruque noire. Le miroir au dessus du lavabo s'ouvre en trois parties de façon à pouvoir se mirer sur trois côtés à la fois. Vue de côté, immobile, j'avais l'air d'un mannequin dans une vitrine, mon maquillage était extrême. Ne me demandez pas pourquoi j'ai fait ça ; je l'ignore. J s'était aperçu que j'étais d'étrange humeur, et il m'avait laissée seule. Il avait même préparé le dîner, chose qu'il fait rarement et seulement par choix délibéré ces jours-ci (c'est-à-dire pendant que nous accomplissons la Colonne Un). D'ordinaire, c'est moi qui cuisine.
Nous dînâmes en silence. Je n'étais pas furieuse contre lui ou quoi, j'étais juste d'humeur paisible et comme retirée en moi. Il avait l'air fasciné. J'étais assise dans la posture raide qu'impose le torse, mangeant comme un bleu pendant le mois de quarantaine de bizutage dans son école militaire[1]. Il oublia presque de manger lui-même tant il était captivé. Mon attention en fut distraite quelques instants, mais je me retirai en moi et je l'oubliai en mangeant.
Après le dîner, je me levai pour aller faire la vaisselle et il m'arrêta. Il me dit de me détendre et d'aller bouquiner ou autre ; il me dit qu'il avait envie de faire la vaisselle. Juste pour lui faire savoir que je n'étais pas folle, je lui répondis : « si tu es sûr de bien le vouloir, Maître. » Je me rendis compte avec recul et une quasi-indifférence que le mot en M m'était venu naturellement, sans le moindre vestige de gêne rigolarde de ma part. Il paraissait simplement être le mot juste. Une partie de moi était mollement intéressée par l'observation du fait que ceci m'arrivait, que je pouvais faire référence à J de cette manière sans y penser.
J'étais à nouveau dans cet état détaché et flottant. Je sentais que rien ne pouvait m'atteindre sans que je le veuille. Peut-être me dissociai-je de la réalité, mais de fait je me sentais bien plus en prise avec tout, mais juste un peu moins concernée par. J'errai sans but dans la maison pendant que J faisait s'entrechoquer les assiettes dans le lointain.
J'étais debout face au grand miroir de sa chambre quand il en eut fini et qu'il vint se placer derrière moi. Je me dévisageai comme je l'aurais fait avec une étrangère, en me demandant ce que j'aurais pensé de cette étrangère si je l'avais vue attifée ainsi en public. Voyons les choses en face, le seul endroit possible serait dans le spectacle d'un cabaret branché cuir. Insolite, mais sexy.
J'ai l'air vraiment... enfin... majestueuse... avec le menton tenu si haut. Je suis forcée à la posture d'une reine. Si j'avais ce maintien naturellement, les gens penseraient que je suis incroyablement snob. J'ai l'impression de regarder le monde de haut, ce qui ne correspond pas vraiment à mon modèle, et je n'ai pas encore décidé si j'allais en rester là. Je ne me sens pas ainsi, mais si je m'observe objectivement, c'est ce que je constate.
Et le plastique luisant est très flatteur, vu par devant. À chaque mouvement, les cadenas cliquètent sur les flancs du torse ; celui qui pend entre mes cuisses est particulièrement sexy. Enfin, il faudrait que vous me voyiez pour saisir ce que je veux dire.
Je ne peux toujours pas vous dire pourquoi j'ai revêtu cette tenue si singulière. Je suppose que j'avais juste envie de me lancer dans... ça. Une espèce d'impulsion spontanée, presque irréfléchie.
J'ai du mal à décrire mes sentiments d'alors. Je me faisais pitié. Mon ancienne vie paraissait si lointaine, et j'avais tant perdu. L'Indiana me semblait si loin. Je songeai mollement à claquer des talons trois fois en répétant : « Y a que chez soi qu'on est bien... y a que chez soi qu'on est bien... »
Je suis navrée, tante Émilie.
Ils sont tous habillés comme ça dans « Le Magicien d'Oz. »
Je fais que passer pour reprendre la laisse à Toto.
Toto, tu peux le garder.
En temps normal, cette pensée m'aurait fait rire, mais pour une raison X je me complaisais à mariner dans la certitude larmoyante que je ne retournerais jamais chez moi. Du moins métaphoriquement : plus jamais comme c'était, avant.
Cette pensée pénétra ma cuirasse et une larme solitaire se fraya un chemin sur mon masque maquillé. Je ne ressentais pas d'émotions spécialement fortes ou profondes, en fait c'était comme si quelqu'un d'autre les avait éprouvées à ma place, et que j'avais observé cette personne dans le miroir avec de la curiosité. Comme dit, je ne savais pas ce qui m'arrivait. Du sentimentalisme puéril, voilà ce que c'était. J'étais là, avec J, surfant sur la Liste, éprouvant la plus profonde expérience sexuelle que j'aurais pu souhaiter, et je me faisais pitié.
Cette larme eut un effet sur J, il faut dire. Ce n'est pas que j'aie pleuré ou quoi ; ce fut juste une larme. Mon visage était resté de marbre et pas une lèvre n'avait frissonné. (Mes lèvres frémissent pour de bon quand je m'apprête à pleurer.) Pourtant, il s'inquiéta pour moi et sentit qu'il devait faire quelque chose, et donc il me retira le torse. Pleurer signifie beaucoup plus pour les hommes que pour les femmes. Ils se sentent toujours obligés de FAIRE quelque chose. C'est vraiment mignon. Ils ne savent rien à rien.
Ce fut un vrai soulagement de m'extraire du torse, en fait, même si c'est moi qui me l'étais mis. Je m'installe en quelque sorte à l'intérieur et j'oublie combien c'est plus confortable d'être sans lui. Le soulagement est une surprise, d'une certaine façon. Il me porta dans ma chambre et m'enleva le collant et les bottes et me posa sur le lit. Il me demanda de lui dire si j'avais besoin de quelque chose. C'était un peu après dix heures, et je me sentais lasse, mais je ne pouvais pas dormir. J'entendis J se préparer à aller se coucher.
Je me levai et je me démaquillai entièrement, j'ôtai la perruque et tout le reste, sauf mes anneaux (je n'ai pas envie que les trous se referment). J'allumai une bougie plutôt que les ampoules (ça paraissait plus adéquat) et j'allai à la chambre de J, où je me tins sur le seuil. Je l'appelai par son nom, faiblement.
« Maître ? » D'accord, ce n'est pas son nom, mais c'est ce que j'avais dit. Et pas de manière obséquieuse, non plus. Je l'avais dit naturellement, comme s'il s'agissait bien de son nom, et pas d'un titre.
Il ne dormait pas. Il m'était caché par la pénombre, mais je savais qu'il pouvait me voir, debout dans la lueur de la bougie, aussi nue qu'au jour de ma naissance. Je me sentais comme une fillette qui va voir son père dans la chambre pour être réconfortée après un cauchemar. Il me demanda de le rejoindre au lit, et de rabattre la moustiquaire sur l'alcôve.
La bougie transformait le lit en petit nid douillet. C'était si joli... Je ne sais même pas si je pourrais expliquer pourquoi j'écris ça. Cela me fit une impression presque similaire à celle que j'avais eue quand il m'avait rasé le crâne. J'avais grand besoin d'être rassurée, sécurisée. Bien entendu, c'est pour ça que j'étais venue, et J l'avait instinctivement deviné. Il me donne presque toujours ce dont j'ai besoin (pas toujours ce dont j'ai envie). Je crois qu'il espérait ma venue. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai fait. Cette journée avait été fort passionnante. Le sexe était une barrière totalement neuve que nous avions enfoncée, et je suis encore secrètement fière d'être passée à travers et j'attendrais impatiemment que l'occasion se représente. Je ne pense pas que ce fut le meilleur sexe que j'aie eu, mais il était si différent en tant qu'expérience qu'il est question de ne pouvoir comparer une orange et une pomme. C'était bon. Vraiment bon. Je suis heureuse qu'il me l'ait fait faire.
-*-
Le lendemain matin, J dut s'absenter. Il me laissa seule à la maison et j'eus toute la matinée à moi. Je pris les pilules bronzantes (je m'assombrissais positivement, et ce dès le troisième traitement, mais je crois que c'est principalement dû à la lotion ; les pilules n'auraient pas encore dû agir, d'après la notice.) et j'ai travaillé à ce récit trois ou quatre heures. J'avais (et j'ai encore) plusieurs jours de retard. Il m'avait laissée sans entraves, sans la moindre contrainte matérielle. Sauf qu'il avait emballé mes perruques et tous mes vêtements - à l'exception de la tenue de harem et de la culotte - dans un petit sac qu'il avait embarqué. Mes cartes de crédit, carnet de chèque et mon livret de caisse d'épargne étaient avec mes autres vêtements. Il me laissa les clés de la voiture, ceci dit. C'est son côté sympa, ça. Où pourrait donc aller une fille chauve en tenue de harem (et même avec une culotte noire par dessous) et sans argent ? Je suppose que j'aurais pu m'envelopper dans un drap et chanter Hare Krishna. Et j'aurais besoin d'un tambourin.
J'ai fait quelques applications supplémentaires de lait bronzant sur mon cuir chevelu pour tenter d'égaliser la différence de ton entre mon crâne et le reste du corps. J'ai aussi pris un bain de soleil, très prudemment (derrière un écran filtrant.) Comme je l'ai déjà dit, en temps ordinaire j'évite le soleil, mais mon cuir chevelu n'a JAMAIS vu le soleil et il est encore très blanc. Je bronze si facilement qu'en quelques séances d'une dizaine de minutes, ça devrait le faire. Je ne désirais pas vraiment de bronzage, mais c'est une expérience plaisante. J'aurais juste souhaité neutraliser le ton bleuâtre qu'ont les épidermes très pâles, mais je me suis retrouvée avec un bronzage très marqué, soleil ou pas. Enfin, ça ne vous sautera peut-être pas aux yeux, mais de là où je suis assise aujourd'hui... En fait, je suis plutôt mignonne avec un hâle.
Quand il revint, j'étais en train de soulever des poids sur le banc de musculation, en culotte noire, et j'étais en sueur. Quand sa voiture s'immobilisa, je sortis pour aller à sa rencontre. Il devait y avoir un truc au fait de me voir dégoulinante de sueur et gonflée à bloc qui lui faisait de l'effet : il ouvrit le sac sur le champ et me tendit une perruque. Je me mis à genoux là, sur l'herbe et je lui demandai si j'avais le droit de lui parler.
Je n'apprécie pas d'être libre de partir, et particulièrement avec l'allure que j'ai. Je me demandais des milliers de fois chaque jour « pourquoi tu te tires pas ? » et avant je pouvais toujours répondre « parce que je suis enchaînée là. » Maintenant, la seule réponse que je peux me faire, c'est que je suis bien trop gênée par mon apparence, et que donc je me sens coupable de ne pas partir. La gêne n'est pas une raison assez valable pour rester.
Agenouillée là, je lui fis un petit speech confus dans lequel je lui disais que je n'aimais pas mon nouveau statut de déchaînée. Je pensais qu'il m'octroyait trop de liberté, et je lui évoquai mes craintes qu'il veuille en finir avec la Liste et peut-être même avec notre relation et est-ce qu'il en avait marre de moi ?
Il me répliqua qu'il ne m'avait pas déchaînée pour m'accorder plus de liberté. Il me sentait encore plus contrainte qu'avant, même si c'était la gêne et non les chaînes qui me retenaient ici. Il a raison, là encore.
Il m'avait ramené un coupon de mousseline transparente et il me demanda de m'en confectionner une robe. Plus tard, je bricolai à la hâte une sorte de robe de moine (est-ce que les moines portent des robes, ou c'est juste les nonnes ?) avec un capuchon et de longues manches à gros revers. Transparente, ce qui la rend nettement moins chaste que la robe d'un moine ordinaire. Il voulait que rien ne vienne obstruer la vue, je ne pouvais donc pas l'enrouler autour de moi comme un peignoir. Il avait envie d'un fourreau boutonné. J'avais seulement quatre boutons dépareillés dans ma boîte à couture, alors je les ai utilisés. Mais c'est la chose la plus confortable que je puisse porter à la maison quand il est parti. Je me sens habillée, en quelque sorte.
Il me fit un cadeau avant le dîner, ce soir-là. Ils les avait faites faire par un bijoutier, en ville. Je ne sais pas comment les appeler. Des cages à tétons ? Imaginez une cage conique en fil d'argent. À la base, le cône est un cercle d'argent du diamètre de mes aréoles. Il en émane une série de fils arqués soutenant un crochet minuscule qui pend au dedans depuis sommet du cône. Elles sont filigranées à l'endroit où les arcs-boutants sont reliés à l'embase. Avec sa base reposant sur mes aréoles, mes anneaux sont maintenus érigés dans les cages coniques. Elles sont ravissantes avec les grenats pendants tout au bout, et la sensation est exquise, à petites doses. Je m'inquiète qu'elles puissent me causer quelque dommage s'il me les laisse trop longtemps. Peut-être faire pointer un de mes tétons à l'extérieur pour toujours. Ce serait merveilleux si je pouvais être sûre que les deux se retournent, mais je préfèrerai tout de même être symétriquement inversée que d'en avoir un qui pointe et l'autre pas.
Mais elles sont mignonnes. Peut-être bien que Jennifer, la fondatrice de rec.arts.bodyart, va lire ça et qu'elle fera un commentaire sur les premières pastilles orthopédiques pour seins, modèle strip-tease. Il m'offrit aussi une paire de grelots minuscules,. En fait ils ne sont pas si minuscules que ça, ils en ont juste l'air. Ils sont vraiment étonnants et je n'ai pas la moindre idée de leur fonctionnement. Ce sont de petites sphères très légères de deux centimètres de diamètre. Elles émettent un petit carillon cristallin au moindre mouvement, même en les tenant simplement entre les doigts. Le plus étonnant est qu'on ne parvient pas à assourdir le carillonnement en les touchant. Ils n'ont ni ouverture ni soudure. Ils sont un mystère pour moi, mais il les avait superglué aux pendentifs à la place des perles et ils sont désormais suspendus à mes anneaux. Ils sont tout à fait charmants. C'est une nouveauté nommée « grelots de fées » ou quelque chose dans le genre. Donc maintenant, je tintinnabule.
J'ai porté les grelots au bout des cages à tétons pendant tout le dîner. Gling, gling.
Après le dîner, j'essayai quelque chose d'autre, une chose que j'avais envie de faire avant que le lait bronzant ne m'ait trop modifiée. En réalité, j'étais probablement anormalement pâle avant, mais quoi qu'il en soit. J'avais une coloration à peu près dans la moyenne, à ce moment-là.
J'essayai un nouveau concept de maquillage. Je me peignis de grands yeux artificiels de 'baby doll' sur les paupières, avec de longs faux-cils collés sur mes paupières supérieures, et d'autres cils peints sur les inférieures, avec des sourcils comme dans les années 30 (j'ai essayé toutes sortes de sourcils : simples et droits, surpris, peinés, sans émotion, brisés comme M. Spock ainsi que ceux, très épais, de Mariel Hemingway). Je me suis aussi dessinée de très artificielles lèvres arquées et j'ai sur-rougi mes joues. Avec les yeux clos, j'avais l'air d'une poupée de chiffons aux yeux grands ouverts. Je me couvris les mamelons et le nombril de pansement chirurgical (celui qui ressemble à du papier de soie) que je recouvris de base de maquillage, pour qu'il se fonde avec ma peau. Je me donnai d'aussi près que possible l'allure d'un mannequin. Sans mamelons, sans nombril, sans expression. Perruque blonde.
Quand je sortis de la salle de bains, il ne regardait pas dans ma direction, alors je me tins debout, plantée comme un poteau, dans une pose de grand magasin avec les yeux fermés et les mains posées sur le dossier du sofa pour garder l'équilibre. J'étais tout à fait dénudée. Je ne sais pas quelle fut sa réaction, s'il était choqué ou quoi. Je suis prête à parier que j'avais l'air d'un mannequin. Il ne dit rien.
Mais il fit quelque chose. À moi.
Il m'amena à la salle de bains et me fit asseoir à la coiffeuse et il me démaquilla le visage. Puis il me mit debout face à la grande glace avec mes poignets sanglés au dessus de la tête. J'ai tout d'abord pensé qu'il n'avait pas aimé ce que j'avais fait et qu'il allait me punir pour cela, mais j'avais tort. Il prit du pansement chirurgical et en appliqua sur mes lèvres d'en bas, recouvrant mon sexe en entier. Il étala du fond de teint dessus et sur la peau tout autour ; j'étais déjà épilée là en bas, mais il fit comme si je n'avais pas de sexe non plus.
« Qu'est-ce que tu vas me faire ? » lui demandais-je. Cette question était presque devenue une formule entre nous. Quelle que soit ma nervosité à l'égard de ce qu'il s'apprête me faire, je ne suis pas supposée la poser, et je le fais quand même, systématiquement, et sa réponse est systématiquement disciplinaire.
Cette fois-ci, ce fut du ruban adhésif sur ma bouche. Solidement collé sur ma bouche. J'essayai d'ouvrir mes lèvres, et je pouvais pas. Je le regardais découper de petits morceaux de ruban ovales, qu'il posa sur mes yeux clos, l'un après l'autre. Il fut suffisamment prévenant pour penser à protéger mes cils avec un bout de kleenex, mais mes yeux furent eux aussi hermétiquement clos. Puis il me remit du maquillage par dessus les pansements (Je m'en rendis compte plus tard en ôtant le tout et en me démaquillant) : des sourcils arqués, de grands yeux de baby-doll avec des faux-cils, c'était la totale.
Il m'enfonça des boules Quies dans les oreilles. Il ne me restait plus que deux sens en fonction : le toucher et l'odorat. Il me mit une goutte d'essence de santal sur chaque épaule et aussi sur le ruban de mon visage, et pendant quelques heures, c'est tout ce que j'ai senti.
Quand il me décrocha du plafond, j'étais complètement désorientée, et je serais tombée s'il ne m'avais pas soutenu. Je me sentais toute bizarre. Il me mit sur le lit avec les poignets sanglés ensemble à la tête du lit. J'aurais pu enlever les pansements de mon visage s'il ne m'avais pas surveillée, mais il avait largement l'avantage. Quand je tentai d'atteindre mon visage avec les mains, il me tira sur les chevilles jusqu'à ce mes bras soient bien tendus au dessus de ma tête.
Puis il me fit l'amour. Je tournai ma face aveuglée de tous côtés, en essayant d'imaginer ce qu'il allait faire ensuite, mais il n'était pas arrivé au bout des surprises qu'il me réservait. Pour les préliminaires, il se servit de glaçons à demi-fondus, de plumes, de pinces à linge, un coup de lacet de cuir par ci, par là (je sais que vous n'appelez pas ça un fouet, vous autres hardeux de l'ASB, mais pour moi c'était la première fois, et ça me fit mal surtout parce j'ignorais ce que c'était et à cause de la surprise de ne pas savoir ce qui allait venir ensuite, ou quand). Je criai plusieurs fois sous le ruban. À chaque fois, je fus récompensée d'un baiser amoureux sur l'endroit meurtri, ou d'un glaçon frotté.
Il m'ôta les pansements des tétons. Lentement. C'était atroce. Puis de mes lèvres inférieures. Pareil. J'étais déjà bien excitée à ce moment-là. Je peux seulement m'imaginer de quoi j'avais l'air. Plus tard, quand j'enlevai le pansement du premier œil, je réalisai que j'avais dû avoir une apparence insipide, hébétée et vide d'expression, quoi que j'aie pu ressentir derrière ce masque.
Quelques préludes supplémentaires aux glaçons sur mes seins et mes lèvres d'en bas. Pendant mon deuxième orgasme (presque toujours le meilleur) il m'avait mise à plat ventre et m'avait inséré un glaçon dans le derrière. J'étais dans un état trop avancé pour pouvoir protester, mais ce fut un orgasme fabuleux que ce deuxième, qui se mua en un plateau duquel se déclencha le troisième. Je ne sais pas comment tourner ça, mais c'était comme un orgasme par dessus (ajouté à ?) un orgasme plutôt que deux d'affilée.
Je sais, les glaçons sont sans doute un truc fade pour vous autres. C'était nouveau pour moi. Je réalise maintenant (après avoir lu les messages d'ASB) que cette Liste tout entière doit apparaître comme les tâtonnements novices d'un couple de puceaux. Particulièrement pour le mec qui se balade avec des punaises plantées partout sur lui. Yaouh. Je me sens plus qu'un peu gênée à l'idée que vous pourriez éventuellement lire cela, non pas tant à cause de la honte de ce que nous avons fait, que parce nous sommes d'incurables sentimentaux à la vanille. C'est clairement du bondage et rien d'autre, et puis est-ce que ça peut exister, du bondage à la vanille ? Je n'ai jamais vraiment eu mal (si ce n'est avec ce bâillon mortel). La fessée fait partie de la Liste, mais je ne crois pas que J ait plus envie que ça de m'infliger de la douleur, pas plus que j'ai envie d'en faire l'expérience. Et puis, la fessée n'est pas très douloureuse non plus. Je suis passée tout prêt de trucs plus sérieux, hier. J'ai eu très peur. J'y viens.
-*-
Nous fîmes l'amour dans la nuit qui s'ensuivit, après ce qui dut être la plus étrange et inouïe des conversations. Je vais tenter de la reconstituer.
Sur ses ordres, je m'étais préparée comme il faut, avec douche, rasage, conditionneur, maquillage, perruque, etc. , bracelets de cuir et collier en prime.
Maintenant, ne vous faites pas d'idées fausses quand je vous raconte tout ça, parce je déteste toujours avoir le crâne rasé, mais c'est fait et ça ne peut se défaire sinon avec des mois de patience. Continuer de me raser le crâne ne fait que retarder la repousse d'un jour de plus, ça n'a donc pas beaucoup d'importance. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, je ne suis ni trop logique, ni trop insensible. Je suis très sensible sur ce point. Si je pouvais ravoir mes cheveux tout de suite, je n'hésiterai pas, Liste ou pas Liste. Mais c'est impossible, alors je dois expérimenter cette nouvelle apparence quelques jours à peine avant la fin de la Colonne Un et que je puisse les laisser repousser. Or donc, ce que j'essaye de vous faire passer, c'est que ce fut une expérience érotique que de me raser. Ça l'est encore. Après une douche, je me rasai les jambes et les aisselles (qui n'avaient pas besoin d'être épilées). Puis je recouvris mon cuir chevelu d'une mousse à raser bien crémeuse, ce qui me donna l'air d'avoir de tout petits cheveux blancs. Je me « révélai » avec le rasoir. Ne me demandez pas. Je ne peux pas expliquer. En relisant ce dernier paragraphe, je me rends compte qu'il ne parvient pas à capturer l'érotisme contenu dans le fait de devenir aussi extrêmement dénudée, mais pour moi il s'agit bel et bien d'un processus érotique.
Enfin bon. Retour au récit.
Il avait allumé deux bougies dans l'alcôve et il m'attendait. D'emblée il entama les préliminaires. Je ne parvins pas à entrer dans le jeu, même si me préparer au sexe est toujours excitant pour moi. L'expectative fait la moitié du job. Je n'aime pas la spontanéité. Les surprises, oui, mais il faut que je sache qu'il les a préméditées bien à l'avance et qu'il ait prévu les choses qu'il me fait. J'aime à ce que ma spontanéité soit bien planifiée.
Mais je n'arrivais pas à me couler dans les préliminaires. Le pire, c'est que je le savais et que lui, il avait l'air de souhaiter que je sois en mauvaise posture. Ça le ravissait même, je crois.
« C'est quoi, le problème ? » demanda-t-il. Il arborait ce sourire plein de suffisance qui proclamait : « je connais déjà la réponse. » Je déteste ce sourire.
« Je ne sais pas, Maître, » lui-dis-je, tout en sachant pertinemment.
« Je crois que tu le sais, » dit-il, sachant pertinemment que je savais.
« Non, vraiment pas... » lui dis-je, prétendant que nul ne savait rien.
« Pourquoi as-tu mis le collier et les bracelets ? » me demanda-t-il. Bonne question.
« Je pensais que tu aurais voulu t'en servir... ? » Réponse stupide.
Il se contenta de me regarder.
« Est-ce que tu voudrais que je mette quelque chose d'autre ? » demandais-je, en essayant de changer de sujet. Question stupide.
Il ne fit que continuer à me fixer. Je pataugeais. Je voyais bien qu'il ne me croyait pas.
« Tu voulais être attachée. Admets-le. »
« Non ! pas du tout ! je ne sais pas ce qui se passe avec moi ce soir, » protestais-je. « ...Maître, » ajoutais-je. « Je ne peux tout simplement pas... »
« Tu ne peux tout simplement pas entrer dans le jeu parce que c'est du 'sexe à la vanille,' dit-il. « Admets-le. »
Bien entendu, c'était vrai, mais je ne pouvais l'admettre. Je pensais que ça gâcherait tout si j'admettais quelque chose que j'étais supposée combattre à tout bout de champ et d'un bout à l'autre. Ça enlève un des ingrédients les plus essentiels du bondage, si vous ne luttez pas contre, et vous ne pouvez pas lutter contre si vous admettez que vous le désirez tout spécialement pour vous-même. Vous pouvez, vous ?
« Nous sommes arrivés à une étape importante et tu ne l'as même pas encore réalisé, » dit-il. « L'illusion que tu me résistes est ta dernière feuille de vigne. Je n'ai pas l'intention de t'autoriser à conserver ce lambeau de dignité. Ce soir, je te ferais admettre que tu as envie de tout ce que je te fais. Je te ferais même mendier pour en avoir plus. Tu vas abandonner de ton plein gré l'illusion même de la résistance.
M'inspirant de ma fine maîtrise de la langue anglaise, je ne dis rien.
Il fit apparaître ce merveilleux petit vibromasseur et me l'installa, et il enchaîna mes poignets aux pieds du lit. Alors que je me tortillais, il fit passer des cordes à travers les anneaux du plafond et il tira mes chevilles très haut en l'air, et très écartées. Mon derrière décollait presque du matelas. Il se mit à l'œuvre avec un autre vibromasseur lubrifié, me travaillant d'abord de ses doigts dans mon ouverture, jusqu'à ce que je fusse assez détendue pour être en mesure de l'accepter. Avec rien sur quoi m'appuyer, il m'était difficile de me stimuler seule. Mon agitation se fit de plus en plus frénétique. Je me souviens avoir pensé que ce n'est pas comme ça qu'on aurait pu m'arracher des aveux. Je chauffais, je chauffais. Il poussa sur le vibromasseur pour m'aider à me rapprocher de l'orgasme. Il me surveillait de très près, alternant pressions et attentes. J'était tout près de jouir. J'étais à deux doigts, haletante, me soulevant avec peine. Mes cuisses tremblaient, je tirais dessus très fort pour tenter de jouir.
« Je ne te laisserai pas avoir d'orgasme avant que tu ne m'en supplie, » dit-il. Il prit un petit flacon et me le montra. « c'est un anesthésique oral. Pas du clou de girofle, de la benzocaïne. L'effet ne dure que quelques minutes. À chaque fois que tu seras prête à jouir, je t'en remettrai. » Il s'agissait du même anesthésique que j'avais déjà utilisé (il y a des lustres) pour supprimer mon haut-le-cœur. Je savais qu'il ferait merveille sur les membranes sensibles où il avait l'intention d'en mettre.
Je fus consternée en le voyant m'enlever le vibromasseur puis en étaler une noix sur mon clitoris. Il le fit pénétrer en le massant, et en rajouta une bonne dose sur mes lèvres. Après quelques applications, je ne sentais presque plus quand il me touchait. En me soulevant la tête, je pouvais tout juste apercevoir le dessus de mes lèvres qui dépassait. Elles sont enflées quand je suis excitée. En fait, elles étaient engorgées et dégoulinantes. Je sentais réellement un filet humide me couler entre les jambes. Mais je ne sentais pas mon clitoris ; je ne sentais rien du tout. Je le vis me remettre le vibromasseur entre mes lèvres engourdies. Il l'appuya fermement, et j'en ressentis la vibration dans mes hanches, mais j'étais trop insensibilisée pour sentir le vibromasseur lui-même. Il ne me lâchait pas des yeux. Je haletais encore, toujours surexcitée, mais gémissant de déception à chaque fois que je m'efforçais à retendre vers cette lisière... Quelques minutes plus tard, il prit un gant de toilette pour m'essuyer le clitoris, mais j'étais toujours engourdie.
« Je peux continuer comme ça toute la nuit, » dit-il. « Ou bien, je pourrais te rincer l'anesthésique, te bâillonner et te bander les yeux, et ensuite te suspendre, attachée au plafond. Qu'est-ce que tu préfères ? »
« Au plafond ? » dis-je.
« Lève les yeux. Tu vois les anneaux que j'ai rajoutés ? »
Je les vis. Il y avait plusieurs anneaux de plus au plafond. Je les avais déjà remarqués.
« Je te mettrais dans un harnais, un que tu n'as pas encore vu, les yeux bandés, bâillonnée, et écartelée. Et tu ne pourras rien faire pour m'empêcher de te faire jouir autant de fois que j'en aurais envie.
« Mais il te faudra supplier pour ça. Il te faudra me convaincre que tu le veux vraiment. »
Il appuyait toujours sur le vibromasseur. Je commençais à le percevoir à nouveau. Je tentai de m'empêcher de réagir : je pourrais peut-être dérober un orgasme en douce. Je n'étais pas encore tout à fait prête, mais je voyais l'orgasme pointer son museau à l'horizon, lorsqu'il le retira, soudainement. J'eus presque un choc quand la vibration s'arrêta. Puis il le remit. Il lui fallut une bonne demi-heure pour que je parvienne de nouveau à la frontière. Il me laissa me débattre et trembloter un autre quart d'heure, me laissant à peine récupérer pour que je ne m'épuise pas, mais pas suffisamment non plus pour me laisser refroidir.
« D'accord ! » dis-je, finalement, au moment précis où il allait rouvrir le flacon pour une seconde dose. J'en avais bien assez.
« D'accord quoi ? » dit-il.
« Tu as gagné, » lâchais-je, maussade, « tu avais (pfouh) raison. »
« À propos de quoi ? »
« De moi, » dis-je. Pfouh, pfouh.
« Dis-le. »
(Pfouh-pfouh, je me calme un peu) « Je veux être attachée, » dis-je platement. « Ça me fait décoller au quart de tour. » C'était pas convaincant, même pour moi. Il est plus facile de dire une vérité sans conviction qu'un mensonge convainquant. Ça ne vous est jamais arrivé, de dire une vérité de manière peu convaincante parce que vous n'aviez pas envie qu'on y croie ? Même si c'était vrai, je ne pouvais pas me forcer à dire la vérité, ainsi ma réponse sonna comme si je l'avais lue sur un prompteur. Ça ne me dérangeait pas qu'il sache que j'aime le bondage, je pensais juste que c'était dégradant d'avoir à le lui dire.
« C'est pas assez bien. »
« Je t'en supplie ! Qu'est-ce que tu veux de plus ? Je l'ai admis ! »
« L'admettre ne suffit pas. »
« Mais c'est de la torture, » me lamentai-je.
« Ça te fait mal ? »
« Oui ! Non ! Je ne sais pas ce que tu veux ! »
« Je veux en être convaincu. Si c'est vrai, convaincs-moi. Si c'est le contraire, dis-le et j'arrêterai tout, je te libèrerai et je t'installerai dans un bon lit tout chaud. »
« Mais j'ai dit que c'était vrai ! Qu'est-ce que... oh ! non... ! » Mon objection se mua en plainte lugubre quand il me rajouta du produit.
« Maintenant, on va attendre que ça agisse, » dit-il.
[Addenda de la rédaction : en fait il ne m'en avait pas remis, il me l'avait juste fait croire. Il m'avait dit, après avoir relu ma copie, que plutôt que d'attendre que ça agisse, il attendait que je m'apaise un peu. Il me fit le coup plusieurs fois d'affilée, en simulant mes anesthésies : des fois il le fit pour de bon, des fois non (je crois) ; il ne me dira jamais s'il l'a fait ou pas. C'est réellement le pouvoir de suggestion qui me fit de l'effet. Ça, et un peu de benzocaïne. Je soupçonne que c'est juste une autre façon de me niquer la tête. Enfin bon, le cerveau étant mon deuxième organe favori.]
Donc je pleurai de frustration en me tortillant, tout en m'engourdissant à nouveau. Et une troisième, et une quatrième. À chaque fois, en se servant des deux vibromasseurs alternativement et de concert, il m'amenait aux confins de l'orgasme et à chaque fois il me ramenait en arrière. À la dernière, j'étais en sueur. Le lit était trempé, et ma perruque était tombée. Les yeux me piquaient à cause du sel et du maquillage. Je ne me souviens plus les mots exacts que j'ai prononcés pour achever de le convaincre, mais ils venaient du fond du cœur, à la fin. Je mendiai, littéralement. Si j'avais pu me mettre à genoux et baiser ses pieds pour lui prouver que j'étais sincère, je n'aurais pas hésité. Je voulais être soulagée de cette torture. Je voulais que ça cesse et je voulais un orgasme. Je l'avais mérité. Comme je l'ai déjà dit, ça ne sera peut-être pas une transcription exacte :
« Je t'en supplie ! Assez ! » me lamentai-je. Je croyais avoir été éreintée après la première dose, mais là j'en avais eu quatre. « Je ferais tout ce que tu voudras ! Tu as raison ! Je veux être attachée ! J'en ai besoin ! Je veux être utilisée ! Je veux être remplie jusqu'à en déborder ! Je n'ai même pas ENVIE d'un orgasme, sauf si tu m'obliges à l'avoir. Je ne peux pas... J'en ai besoin comme ça, pas autrement. J'ai besoin d'avoir les yeux bandés et d'être bâillonnée ! S'il te plaît ! Je t'en supplie ! » Et ainsi de suite, le tout entrecoupé de tonnes de larmes et de soupirs déchirants. De fait, même si je ne voudrais pas que vous pensiez que je n'étais pas incohérente (c'est-à-dire ?), je ne parviens pas vraiment à me rappeler ce que j'ai dit. Quoi qu'il en fut, cela le convainquit de ma sincérité : soit j'en étais arrivée au point de vouloir sincèrement qu'il s'arrête sans même me faire jouir, soit j'en voulais si ardemment que j'aurais pu dire n'importe quoi, ou bien je lui avais vraiment dit la vérité fondamentale sur mon inclination envers le bondage plutôt que pour le sexe normal. Il ne pouvait pas savoir. En fait, c'était les trois.
Enfin, il me libéra. Plutôt que de me suspendre comme il l'avait prévu ou de m'accorder l'orgasme promis, il me demanda de m'agenouiller sur le lit pendant qu'il se déshabillait (j'avais toujours les vibromasseurs en moi) et de le prendre dans ma bouche. Après quelques faux-départs, je pus me le fourrer jusqu'au fond de la gorge sans m'étrangler. Je me débrouille assez bien, maintenant. Le vibromasseur arrière avait tendance à glisser tout doucement au dehors quand je me remuai sur lui, et il me demanda de les maintenir en moi tous les deux pendant que je l'amenai de plus en plus près de l'orgasme. Je n'arrive pas encore à jouir aisément quand je suis à genoux. Ça m'est d'un grand secours que de pouvoir m'étirer les jambes, mais je ne le pouvais pas.
Il a joui dans ma bouche. Il l'avait déjà fait auparavant, ce mois-ci, mais pas en étant planté si profondément dans ma gorge. La première giclée éclata tout au fond de ma gorge et je l'avalai par réflexe. Je gardai le reste en bouche. Il ne m'avait jamais demandé de l'avaler, mais je gardai le reste en bouche. Il ne m'avait même jamais demandé de l'avaler, mais depuis quelques semaines je m'étais accoutumée au concept et au goût. Je levai les yeux sur lui pour voir sa réaction, (lever les yeux constituait une infraction délibérée au règlement, mais qu'avais-je à y perdre ?) et j'avalai. Il ne me dit rien, mais je savais qu'il savait. J'abaissai les yeux à nouveau. Je me figurais que ça me ferait grimper un chouia dans son hit-parade.
Je fus incapable d'y croire à ce moment-là, mais il me fit attendre LE JOUR SUIVANT pour mon orgasme. Il aurait pu me faire l'amour à la va-vite, ou se servir du vibromasseur, mais il me fit attendre le matin suivant. J'étais agenouillée devant lui après l'avoir sucé, quand il se pencha par dessus moi pour m'ôter le vibromasseur du derrière. Il me demanda de m'allonger sur le dos, puis il me retira l'autre. J'étais TELLEMENT certaine qu'il allait m'offrir un orgasme, alors... mais il ne le fit pas. Il me dit qu'il me faudrait patienter jusqu'au lendemain. Mes lèvres d'en bas étaient enflées et mon bassin tout entier était congestionné et mal à l'aise. Il attendit en m'observant alors que je me préparais pour la nuit ; ensuite il m'attacha, les mains reliées à une longue chaîne rivée à la tête du lit, et une cheville à son pied. Je pouvais presque (mais pas tout à fait) abaisser mes bras jusqu'à ma taille en me poussant d'une jambe vers le haut. J'ai essayé ça pendant qu'il dormait. Je passais une nuit assez pitoyable, bien que nous soyons couchés tôt et que je parvinsse toutefois à m'endormir, en fin de compte. Le lendemain, il me réveilla bien avant l'aube.
[1] Les jeunes recrues sont mis en quarantaine une semaine durant par les vétérans...