Mercredi 25 février 3 25 /02 /Fév 09:28

J m'a demandé d'écrire de telle manière que les gens aient très envie de lire. Pour l'effet dramatique, j'aurais dû en rester à mon « Oui », mais la soirée d'hier n'était pas achevée. Et puis j'ai tout le temps de conter la suite : il ne rentrera pas du travail de sitôt, et je n'ai pas encore à m'apprêter pour lui.

            Quand il est parti ce matin il a emporté mes clés de voiture ainsi que les valises avec tous mes vêtements. Je n'ai plus que deux tenues à porter : celle en mousseline transparente (vous la connaissez déjà, c'est celle d'hier soir) et une autre en Lycra qu'il m'avait demandé de confectionner pendant sa visite à Chicago. Elles ne tiennent pas chaud et ne sont pas du tout pratiques, ni même confortables, et nous sommes fin février. Il fait chaud ici (par rapport à Chicago), mais pas tant que ça. Il m'a laissé mes chaussures et mes bottes, mon pardessus doublé de mouton (Dieu merci ! je le porte en ce moment-même avec rien d'autre, alors que j'écris), mes affaires de toilette et quelques livres que j'avais emporté. La télévision ne sert pas à grand-chose : la maison est si paumée qu'il n'y a même pas le câble. Je ne peux pas démarrer ma voiture, alors même si j'avais eu de quoi me vêtir, je suppose donc qu'il ne me reste plus qu'à lire... et à écrire. J'irai peut-être faire un peu de jardinage, dès que j'aurais remis les pieds sur terre. Il y a quatre hectares de terrain partiellement boisé où on peut faire pousser des trucs, et j'ai envie d'avoir mon petit jardin à moi depuis que j'ai déménagé de Chicago. Ma mère avait le sien, chez nous dans l'Indiana.

            Ça me fait un sacré changement. Il y a seulement quelques jours, je passais une dernière nuit dans mon vieux studio, dormant sur un matelas posé à même le sol après avoir revendu toutes mes affaires ; et maintenant je suis nue sous le manteau, assise devant un PC en train de me poser des questions sur la meilleure saison pour planter tel ou tel légume. En un sens, la vie est une bizarre usine à gaz. Mieux vaut ne pas s'attarder sur ses incongruités. J'ai ri à cette idée hier soir, mais j'ai appris ma première leçon par la manière forte.

            Hier soir, après avoir accepté d'essayer ça (par ça j'entend Tout Ça Et le Reste, pas juste l'écriture), j'ai ressenti un mélange bizarre de soulagement de m'être décidée, d'appréhension quant à la suite, d'excitation sexuelle, - bien sûr - (pourquoi je dis bien sûr ?) et en même temps une espèce de sérénité : un sentiment de liberté découlant de n'avoir pas à me préoccuper de la suite. Vous n'auriez jamais pensé qu'appréhension et sérénité puissent coexister, pas vrai ? C'est comme si j'avais été hors de moi-même, me voyant inquiète à propos du futur et pensant en même temps : l'appréhension, passe, je peux me couler dans l'expérience ; en un sens ça ne me dérange pas d'appréhender : je plane au dessus de tout ça. Vous voyez ce que je veux dire ? En me relisant, je me rends bien compte que vous pourriez penser qu'il est parfaitement absurde de se trouver dans un état d'appréhension nerveuse complètement détendu, mais j'eus la sensation bien réelle d'une... libération, je crois bien. Alors que cette sensation est en train de s'évanouir, j'aimerai bien savoir comment faire pour la retrouver ; hier soir elle était vraiment très forte.

            Désolée de toute cette introspection. Vous avez probablement envie que je passe au feu de l'action, mais si je m'apprête à devoir écrire tout ça, je vais le faire à ma manière. Mon-truc-à-moi-le-mien. Et puis je sais que si je « raconte comme ça s'est passé » sans la moindre explication, vous ne pourrez jamais comprendre comment une femme du Middle West préalablement conservatrice (dans mes attitudes sociales, mais pas en politique) puisse accepter de faire ce genre de trucs.

            Ma tendance grandissante à penser « et merde ! pourquoi pas » m'a fait me plonger dedans le soir où il m'avait rendu visite à Chicago et que j'avais consenti à déménager et de pratiquer la Liste. Cela m'a conduit à passer aux étapes suivantes hier soir, quand je me suis dit « qu'est-ce que ça peut bien foutre ? ça fera du mal à qui si je lui offre ce qu'il désire et que j'enlève mes poils? » Et, plus tard « qu'est-ce que ça peut foutre, j'irai jusqu'au bout de cette histoire et je vivrai mon rôle ; un mois, ça ne fera aucune différence. » Je désirais si fort lui appartenir. Et puis de toute façon j'ai dit « Oui. » Okay ?

            À ce mot, j'ai senti qu'il se détendait dans mon dos, et je le savais soulagé par ma réponse. Je me détendis aussi, non d'être soulagée, mais j'aimais à être adossée contre lui et me laisser enfermer dans ses bras.

            Il fit courir ses mains sur moi, montant jusqu'aux seins, en m'effleurant les mamelons au travers du coton fin, pour les abaisser entre mes cuisses. Je gémis en appuyant sur sa main, pour lui faire parvenir ce message : je suis prête. Ses caresses se firent insistantes : je me mis à remouiller. Il posa une main devant, entre mes jambes, et l'autre derrière, explorant mes deux moitiés à travers le mince tissu. Mon souffle redevint fou. Je me retournai dans ses bras et je lui demandai : « On peut, maintenant, ... ? » J'étais passée par différents états d'excitation depuis le début de la soirée. Lui aussi, mais il se maîtrisait ; il n'était pas près d'en finir encore.

            « Pas encore, » me murmura-t-il, et ça aussi c'était okay. Je planais toujours, il faut dire. Je me laissais porter par le vent et les courants. Mais je me souviens d'avoir eu une lueur d'espoir en réalisant qu'il avait prononcé le mot « maintenant ». Il me caressa encore, cette fois en glissant ses mains sous la ceinture de mon pantalon, sur ma peau lisse comme du satin, abondamment enduite de gel, et plus bas pour m'explorer et m'exciter encore plus.

            Quand je fus une fois de plus sur le fil du rasoir, il les retira et me dit, « Déshabille-toi. » Il se rassit dans le fauteuil en me regardant faire. Je restais près du feu, il y faisait chaud; après avoir retrouvé mes esprits, j'ouvris la fermeture-éclair du haut. C'est difficile de le retirer sans tout arracher, vu qu'il est tellement serré et en même temps si fragile. Je dus me contorsionner pour en extraire mes bras tirés en arrière sans le déchirer. Cela fit rebondir mes seins et je sentis la gêne m'envahir à nouveau. Je vis qu'il me regardait, mais il scrutait mes yeux plutôt que mon corps. Il garda ses yeux plantés dans les miens pendant que j'enlevais mes chaussures d'un coup du pied et que je faisais coulisser mon pantalon sous mes hanches. Il est tellement serré aux cuisses qu'il ne tombe pas tout seul. Il a donc fallu que je me baisse, et j'ai dû me pencher en avant pour y parvenir (j'ai peine à croire que j'écris ça !) .

            J'ai haussé la tête tout en le dévisageant, sans le lâcher des yeux. Je sentis mes seins pendants entre mes bras en descendant le pantalon jusqu'à mes chevilles, puis en l'ôtant. C'est marrant les trucs du quotidien quand on les appréhende avec une conscience exacerbée. Le sol carrelé était glacé sous mes pieds nus. Malgré le feu, j'étais congelée en me remettant debout. Je me mis à trembler ; ça devait être à cause du froid (mais pas que). J'ai plaqué mes vêtements d'une main tout contre moi, pour essayer de me couvrir et de me réchauffer. Je serrai mes seins de l'autre bras. Mes tétons avaient encore durci, je tremblais de gêne et de froid.

            « Lâche les vêtements, » dit-il. Cette fois-ci, je mis volontairement mes bras sur les côtés, m'exposant à découvert. Le froid se fit soudain bien réel. Je frissonnais violemment, mais je m'efforçais de rester bien droite en conservant mes yeux rivés sur lui. J'avais dépassé le stade de la simple abnégation. Il n'y a rien de tel que l'inconfort physique pour vous y faire parvenir. Je n'étais plus cette tierce personne dans le salon, qui observait en planant deux étrangers interprétant leur scène dans une pièce de théâtre.

            J'étais totalement focalisée par l'effort de maîtriser mon corps frémissant. C'était stupide. J'aurais dû laisser tomber et lui dire qu'il faisait trop froid, mais je voyais bien qu'il le savait. J'aurais pu demander ; et probablement n'attendait-il que cela, mais je voulais lui prouver quelque chose - quoi, je l'ignorais - , mais quelque chose... et pour moi cela signifiait de rester là aussi longtemps que je le pourrais. Conne. Conne et bornée. Il souriait légèrement ; ses yeux quittèrent les miens et parcoururent mon corps palpitant. Je crispai les mâchoires pour empêcher mes dents de claquer, sinon elles l'auraient fait. J'avais les poings serrés sur les côtés, les bras et les jambes raides, les abdominaux tendus. Ses yeux s'égarèrent sur mon sexe épilé qui avait la chair de poule : j'étais sûre d'avoir l'air d'un poulet fraîchement plumé. Ils revinrent se poser sur mon visage. J'allais perdre contrôle.

            Il se leva soudain, s'avança jusqu'à moi et me souleva, puis me berça dans ses bras. Il me porta dans l'entrée, puis dans sa chambre.

            Chaleur adorée ! La chambre me fut un tel soulagement ! Elle me parut presque trop chaude après le salon. Il me posa sur le lit et me dit de me glisser sous les couvertures. Je m'accroupis pour tirer sur la couette ; je tremblais si violemment que je dus m'y reprendre à deux fois pour parvenir à l'empoigner et à m'en recouvrir. Il y avait une couverture chauffante. Dieu, que c'était super !

            Alors que je décongelais, je découvris la chambre du regard. Souvenez-vous, jusqu'à présent je n'avais encore vu que le salon et ma chambre, hormis pour quelques coups d'œil furtifs jetés ci et là en traversant les autres pièces. Une salle de bains y était adjointe ; le lit était dans une alcôve, couronné d'une moustiquaire accrochée à la voûte. Il y a un évier dans la chambre, comme si elle avait servi à autre chose avant. Il alluma une bougie et la posa sur une petite étagère, dans l'alcôve. Des peintures inconnues étaient accrochées au murs, des paysages. Il ne les avait pas à Chicago. Il dormait sur un lit à eau, à Chicago, mais là c'était un futon. Un sacré changement. Si ça continue, on va finir par dormir sur des nattes en paille. Il y avait aussi des hauts-parleurs encastrées dans le plafond, mais aucune musique n'en provenait.

Quatre anneaux étaient fixés au plafond, à l'aplomb du lit. Ajoutés récemment, pensai-je. Par terre, il y avait des bouts de plâtre tombés du plafond. Il claqua brutalement et sans raison la lourde et vieille porte en chêne. Il me captivait. Je l'observai depuis mon petit nid douillet ; je flottais à nouveau, détachée, mais attentive. Il amena une chaise au pied du lit, une lourde chaise en chêne ; elle avait l'air de provenir d'un très vieux mobilier de bureau. Puis il vint s'asseoir sur le rebord du lit et me caressa le front de ses mains.

            « Comment te sens-tu? Tu es réchauffée ? »

            J'opinai de la tête.        

            « Bien. » Il s'inclina et m'embrassa. Ses mains étaient agréables sous les couvertures. « J'ai une espèce de test pour toi. Mais pas si tu as encore froid. »

            « Ça va, » lui dis-je, un tantinet apeurée. « Quel test ? »

            « Il faut d'abord que tu t'assoyes dans la chaise. Enfin, la chambre est chaude... je pense que ça devrait aller. »

            « D'accord, » dis-je, en contemplant la chaise. Comme je ne bougeai pas, il tira doucement les couvertures jusqu'à ma taille. Je m'assis. La chaise était face à moi au pied du lit. Elle avait l'air bien ordinaire. J'eus très envie de lui demander ce qu'il s'apprêtait à faire, et de quel genre de test il pouvait bien s'agir.

            Il me prit la main doucement et se tint debout, m'attendant. Il la tenait par le bout des doigts comme s'il allait me faire un baise-main, et quand je me mis debout à mon tour il me la tint comme si j'étais Cendrillon descendant de son carrosse.

            La chaise était banale, mais elle me sembla énorme quand je m'y assis. Mes pieds touchaient à peine le sol. Il me vint à l'esprit qu'elle ressemblait un peu à ces chaises électriques obsolètes des films hollywoodiens, du genre de celles où ils ont exécuté James Cagney plein de fois.

            Il s'assit sur le rebord du lit, face à moi, et il me montra un rouleau d'adhésif noir. Du genre scotch d'électricien. Il en déroula une trentaine de centimètres qu'il me posa en travers d'un poignet.

            J'en conclus qu'il allait me les attacher aux bras de la chaise. Il ne m'entoura pas les poignets, ceci dit, il laissa le scotch en place et guetta ma réaction. J'étais terrifiée. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Même si j'avais totale confiance en lui, nous n'avions jamais rien fait de ce genre auparavant. Je le découvrais sous un aspect totalement nouveau, et je pensais immédiatement à des psychoses cachées et aux serial-killers et à des meurtres rituels avec plein de bougies et à Charles Manson et j'étais à un million de lieues de chez moi et personne ne savait où j'étais, et que j'étais si paumée dans la cambrousse que nul ne pourrait m'entendre crier et qu'on ne retrouverait même pas les morceaux du cadavre.

            Je me raidis.

            Je ne disais rien, mais je devais avoir l'air aussi paniquée que je l'étais en réalité, car il s'arrêta pour me demander si j'allais toujours bien. Je fis oui de la tête, le regardant droit dans les yeux afin d'en tirer un indice sur ce qu'il pensait vraiment. Jusque là il restait indéchiffrable, mais quelque chose dans mon expression avait dû le toucher car il sembla fondre.

            « Tu es sûre que ça va pour toi ? »

            Un petit quelque chose dans son expression me ramena à la réalité. Sa préoccupation première concernait mes sentiments.

            « Ouais. Pour de bon, » acquiesçai-je, tout en lui jetant un regard de lapin pris au piège. Mon cœur battait à tout rompre. J'avais énormément confiance en lui, mais les conséquences d'une erreur de jugement étaient inimaginablement horribles. La pire chose qui puisse arriver, c'est qu'un être aimé se révèle être quelqu'un de tout différent. C'est ce qui fait de L'Exorciste et Invasion of the Body Snatchers les films les plus épouvantables qui furent jamais tournés.

            J'étais morte de trouille. Je l'admets.

            Il passa trois tours de ruban autour de mes poignets et du bras de la chaise, puis il le coupa avec son couteau suisse. Les deux poignets. Il se mit derrière moi et se pencha par dessus mon épaule pour m'embrasser l'oreille. Il scotcha mes coudes à l'arrière du bras de la chaise, et le haut de mes bras près des épaules, aux montants du dossier.

            Il s'agenouilla à mes pieds et écarta doucement mes jambes. Il s'interrompit à nouveau.

            « Ça va ? »

            Hochement de tête hésitant.

            Il me scotcha les chevilles et les genoux aux pieds et aux coins de la chaise, m'ouvrant et m'exposant. Puis il fit courir une longueur de ruban en travers de ma poitrine et autour du dossier. Il passait pile sur mes tétons et m'aplatissait les seins.

            Debout à côté de moi, il se pencha pour m'embrasser et passa ses mains entre mes jambes. Il n'essaya pas de me stimuler, il les posa simplement là. Mes tétons étaient érigés depuis que je m'étais assise. Ils tentaient de poindre sous le ruban. Il fit glisser sa main vers mes seins. Je me cabrai des poignets contre le ruban.

            Il s'arrêta et tourna la chaise face à la glace. Je pouvais m'y voir, jambes écartées, exposée. Je fus plutôt heureuse de ce que la bougie n'éclairât que très faiblement. Il vint derrière moi et se pencha par dessus mes épaules. Une main se replaça sur mon sexe, qu'il entreprit de caresser doucement en le sondant, tout en m'embrassant un côté du cou et en me mordillant les oreilles. Ça me fait carrément décoller, les oreilles. À tous les coups. J'étais toujours anxieuse, je l'observai, et puis je me mis à réagir à ses mains et je devins toute mouillée.

            Il continua, et je me rendis compte qu'il s'agissait là de son idée de la torture. Avec du recul, - et je sais que c'est absurde - mon esprit en conclut qu'il n'était pas Charles Manson. J'étais de plus en plus allumée, et je luttai contre le ruban plutôt sous le coup d'une frustration délicieuse que de la peur, en fin de compte. Il m'entretint sur ce plateau jusqu'à ce que je sois une fois de plus tout au bord du rebord, puis il s'arrêta net. Il me semblait que je ne parviendrais jamais à jouir, bien que je sois extrêmement allumée.

            Il coupa le ruban dans mon dos et libéra mes seins. Il l'éplucha tout doucement en se tenant devant moi ; il examinait mon visage de très près, et en tirant sur les deux extrémités du ruban, des élancements de douleur se dirigèrent de concert vers mes tétons. Ma respiration s'accéléra quand ils se rapprochèrent de leur but. Je gémis en fermant les yeux afin de ne pas être gênée par son regard. C'est drôle comment l'esprit fonctionne, parfois.

            Il m'embrassa encore. C'est un grand embrasseur. Le mec moyen semble avoir une théorie selon laquelle enfoncer sa langue jusqu'au fond de la gorge lui suffit à prouver qu'il est un amant passionné. Non pas que j'aie quelque chose contre les langues en général, mais elles ne m'impressionnent pas d'emblée. Celle de J oui, par contre. M'impressionne, je veux dire.

            « Je crois que tu as réussi ton test, » me dit-il. J'ignore lequel, mais je pense qu'il avait voulu s'assurer que je lui faisais confiance. Depuis ce jour-là je n'ai plus jamais eu peur ; et je me figurai que s'il avait dû me faire quelque chose de pervers, il l'aurait déjà fait.

            En tout cas, il sectionna mes liens et me libéra de la chaise. J'étais très échauffée. Mouillante et soulagée. L'excitation sexuelle, l'appréhension et les préliminaires composent un mélange mortel. J'admettrais volontiers avoir eu peur, bien que je lui aie accordé plus de confiance que quiconque à me laisser ainsi scotcher sur la chaise, clouée de terreur. Il aurait pu me faire n'importe quoi. J'aimerai pouvoir affirmer que ma foi fut plus forte que ma peur, mais je n'en suis pas sûre. Ma panique avait fondu partiellement à cause de ma réticence à l'offenser de ma défiance. Les gens du Middle West sont les uniques bestioles s'autorisant le recours à l'étiquette pour triompher de leur instinct de conservation.

            Il me demanda de me mettre au lit. J'étais toujours très allumée.

            Il abaissa la moustiquaire dans l'alcôve ; je songeai nonchalamment : y a pas de moustiques en février. Elle formait un écran transformant l'alcôve en un petit monde tiède et intime, bien à l'abri, très privé, éclairé d'une seule chandelle. Mais alors, ces anneaux... J'en notai quatre de plus aux coins du lit, mais ça n'avait pas la moindre importance. Flotter encore et encore. Il se saisit de quelque chose dans la table de nuit, me le lança et me demanda de le mettre. Je l'examinai. C'était un bandeau.

            Soudain j'eus la vision d'un homme coiffé d'une casquette de SS, avec un holster en cuir sous l'aisselle, avec des socquettes noires soutenues par des fixe-chaussettes, et je me mis à rire. Je riais jaune, en fait. J me fixait, impassible, sa chemise à demi-déboutonnée. Sa bouche affichait un tout petit sourire. Ses yeux n'étaient pas de la fête.

            Je n'y avais pas pensé à l'époque où nous avions créé la liste, mais j'allais devenir un de Ces Gens-Là. Le comble du ridicule. C'est vrai, comme je disais à J, je fantasme sur être ligotée pour être forcée à parvenir à de fantastiques orgasmes jusqu'à épuisement, et que j'implore grâce, mais en fait je n'avais pas du tout relié mes fantasmes à l'univers grotesque que constitue la Scène Cuir.

            Il me demanda ce qui se passait dans ma tête, et je le lui exprimai, tout en réprimant mes gloussements. Il opina pensivement, marqua une pause, puis retira vivement la couette au loin de ma nudité. D'instinct, mes mains se précipitèrent pour me recouvrir, mais je ne pus me contenir d'éclater de rire.

            Il s'empara d'une chose inconnue dans la table de chevet. Brusquement il me fit rouler sur le ventre et se mit à califourchon sur mon dos. Il ramena mes bras l'un après l'autre sur les flancs et les immobilisa de ses jambes. En rigolant encore, je gigotai violemment pour tenter de voir ce qu'il faisait. Je ne le pouvais pas. Délicatement, il enroula mes cheveux d'une main et me tira la tête en arrière. Il ne voulait pas de me faire mal, mais il me fallut arquer le cou et me soulever le haut du buste pour soulager la traction de mes cheveux.


« Hé ! Ho ! Qu'... ? » tentai-je de dire. Une chose était enfoncée de force dans ma bouche à demi-ouverte. Il maintenait cette chose d'une main et tirait légèrement mais fermement sur mes cheveux de l'autre.

            « Ouvre ta bouche, » dit-il, « toute grande. »

            J'essayai de dire « elle est ouverte, » mais cela n'aboutit qu'à un galimatias grasseyant et la chose s'insinua un peu plus encore en moi. Je ne pouvais ni m'en débarrasser d'une secousse ni l'expulser avec ma langue, et il ne pouvait pas non plus me l'enfoncer plus avant si je ne consentais pas à ouvrir ma bouche en grand. Nous butions sur cette impasse depuis un bon moment, quand je tentai bêtement de dire quelque chose à propos de l'objet... qu'il m'enfonça un peu plus encore. Finalement, en souriant intérieurement, je capitulai et je détendis ma mâchoire autant que possible. Je me décidai à coopérer et à tout faire pour ne pas me marrer. Il pressa l'objet de ses doigts et le poussa doucement, mais suffisamment. Il entra. Il paraissait énorme. Soudain, je n'eus plus à me forcer pour arrêter de rire. Je ne pouvais même plus sourire. Ni même remuer mes lèvres pour donner l'impression de sourire, si je l'avais pu. Je n'avais jamais vu ni même entendu parler de bâillon-boule[1].

            Il retira sa main et l'objet me resta en bouche. Je ne parvenais pas à l'ouvrir plus grande ni à le repousser de ma langue, et mes bras étaient toujours maintenus sur les flancs. Il avait un arrière-goût caoutchouteux. Holà ! pensai-je, en commençant à ouvrir les yeux sur ce qui se passait. Je le sentis tendre une courroie derrière ma tête ; il la boucla. Un petit clic, et il s'ôta de moi.

            Dès que mes mains furent délivrées, je les portai au visage pour retirer cette chose de ma bouche, mais la courroie l'y maintenait solidement. Dans un début de panique, je les portai à la nuque afin d'ouvrir la boucle, où mes doigts farfouillants découvrirent un cadenas miniature. La courroie ne pouvait pas être passée par dessus tête. Mes mains revinrent à la chose dans ma bouche. Elle ne bougeait pas d'un millimètre. C'était une boule de caoutchouc de la taille d'une balle de squash. La courroie la traversait en son milieu. Que mes mains soient libres ou pas, je ne pouvais pas même la faire remuer. En vain, je tentais de dire quelque chose, je ne sais plus quoi. Il me tourna le dos, écarta les rideaux de la moustiquaire d'un geste et vint dans la chambre. Je me levai et lui courus après et lui empoignai le bras. Je me mis face à lui pour établir un contact oculaire, et tenter le lui dire : « Je ne rirai pas, » mais j'émis seulement un « ah, ah, ah » étouffé. En élevant mon regard sur lui j'essayais de faire parler mes yeux, puisque ma bouche ne le pouvait. Allez ! c'est des blagues, pensai-je. Tu voulais pas vraiment me faire, ça, pas vrai ? Il y a méprise, pas vrai ? Pas vrai ?

            « La réponse est non, » me dit-il. « C'est le temps des leçons. » Il quitta la pièce, laissant la porte ouverte. Je restais debout là un moment, déconcertée, sans savoir que faire. Puis je courus à la salle de bains y chercher un rasoir ou des ciseaux afin de sectionner la courroie. En allumant la lumière, je pus me voir dans la glace. Mon visage était grotesque. Ma bouche était maintenue grande ouverte, les lèvres étirées autour de cette chose et mon rouge à lèvres était barbouillé de partout. Avec des yeux exorbités, déments, juste au dessus. Ma chevelure était une cata grave mêlée autour de la courroie. Mes mains tremblantes s'agitaient inutilement autour du bâillon, allant des commissures de ma pauvre bouche à la boucle de la courroie. J'ouvris violemment les portes de l'armoire à pharmacie et je me mis à fouiller dans les tiroirs de la coiffeuse, mais il n'y avait rien dont j'eusse pu me servir pour la sectionner. Il savait qu'il n'y avait rien. C'est pour ça qu'il m'avait laissée seule. Je courus de la salle de bains jusqu'à la chambre, puis au salon. Il s'était assis dans le fauteuil près de la cheminée, et contemplait le feu. Il ne leva même pas les yeux. Je filai dans ma chambre, où je savais qu'il y avait des ciseaux, dans mes affaires de toilette. La porte de l'entrée était verrouillée. Celle de la cuisine aussi. Je restais simplement debout là, les bras ballants. Je revins vers le salon et je me tins debout sur le seuil. Il était clair que je ne pourrais pas m'en sortir sans son aide. Je devais retrouver mon sang-froid. J'allais au bureau et je gribouillais sur une enveloppe : « Enlève-le, s'il te plaît ! » et je la lui tendis. Sans regarder le papier, il me dit : « assied-toi. » Je m'assis.

            « Ça te fait vraiment mal ? »

            Je réfléchis un instant, puis j'inspirai une longue bouffée d'air tremblotante (par le nez : je pouvais seulement expirer, marmonner et baver autour de cette chose dans ma bouche). « Ah, » dis-je, agitant la tête « non ».

            « Est-ce que c'est sur la Liste ? »

            « Ah, » acquiesçai-je, essuyant d'un revers de la main la salive qui dégoulinait des côtés de ma bouche sur mes hanches nues. Attachée et bâillonnée, c'était bel et bien sur la Liste.

            « Alors penses-y jusqu'à ce que tu saches quoi faire, » dit-il. « T'as pas besoin d'avoir inventé le fil à couper le beurre. » je m'assis sur le sofa, genoux serrés, les mains posées sur mon giron, à nouveau victorienne et guindée, si ce n'était pour... enfin... bon... à peu près tout le reste.

            J'étais impuissante. Il m'avait déjà entièrement sous son contrôle, donc il ne pouvait pas désirer cela aussi. Je savais bien que tout avait commencé à cause de ma rigolade au sujet du bâillon. En réalité, il s'était agi d'un rire tout autant nerveux que cocasse. Je réagis souvent aux situations inhabituelles par un fou-rire. Je me suis fourrée pas mal de fois en de bien gênantes situations en pouffant au plus mauvais moment, comme le jour où une connaissance m'avait annoncé que son chien était mort et que j'avais pensé qu'il me charriait, et qu'il aimait vraiment son chien. J'avais cru mourir. Je l'ai n'ai pas encore digéré. Je frémis encore parfois de honte en y repensant.

            Mais il est injuste de punir quelqu'un pour un simple fou-rire. C'est comme de punir quelqu'un parce qu'il a le hoquet. Bien entendu je ne pouvais pas expliquer ça à J. Je ne pouvais rien expliquer du tout.

            Je relevai les yeux sur lui. Il fixait toujours le feu. Il voulait que j'agisse, et non que je cause. Ça sautait aux yeux, même pour une non-inventrice de fil à couper le beurre. J'essuyai encore la salive des côtés de ma bouche. J'avais de nouveau froid, je filai donc vers la chambre pour y chercher la couette. Je l'observai pour voir s'il allait objecter. Il ne leva même pas les yeux. J'étais libre de faire tout ce que je voulais. Enfin, à peu près.

            En attrapant la couette, je notai que le tiroir de la table de chevet était ouvert ; c'est de là qu'il avait extrait le bandeau. Il contenait tout un tas de chaînes, de sangles et de cadenas. Je m'enroulai dans la couette, et après avoir jeté un œil lugubre à la psyché, je ressortis. Oh Dieu ! j'avais l'air si horrible. Il me lança un bref regard, mais ne pipa mot.

            Je me rassis. Ma mâchoire commençait à s'endolorir, et j'avais besoin de m'essuyer le visage. Il n'était pas décidé à me laisser m'en sortir élégamment. Devais-je lui faire des excuses ? N'importe quoi, mais virer ce truc. Je ramassai l'enveloppe qu'il avait jetée par terre et j'y inscrivis : « Je SUIS Désolée. » Il ne la regarda même pas. Je gémis de frustration. Ce qu'il voulait clairement, c'était de l'action. J'avais accepté d'être son esclave, il valait donc mieux que je me comporte comme si j'en étais une. Je m'agenouillai près de son fauteuil et j'attendis. Il me regarda.

            « Ah ? » Il fallait qu'il comprenne que ça signifiait « S'il te plaît ? » Il tendit la main et me caressa les cheveux. Il était remarquablement tendre pour quelqu'un qui venait tout juste de m'imposer ça. Salaud. À un moment j'ai cru qu'il allait me l'ôter, mais il se contentait de me caresser les cheveux. Puis il s'arrêta. J'attendis. Ça n'a aucun rapport, mais j'étais en train de me réchauffer.

            Enfin j'eus une idée lumineuse : le bandeau. Waaah. Ah ! si je pouvais vous dire mon vrai nom. Il provient d'un vieux vocable sioux qui signifie : « non-inventrice-de-fil-à-couper-le-beurre. »

            Je me levai et j'allai à la chambre. Le bandeau était posé sur l'oreiller. Je vis le tiroir ouvert, et j'en sortis quelques machins. Un pêle-mêle de chaînettes et quatre petites sangles de cuir avec des boucles et des anneaux. Elles ressemblaient à de petits colliers pour chiens avec une espèce de languette percée pour y passer l'étiquette. Ou un cadenas. Il y avait une foule de petits cadenas, pareils à celui qui - j'en étais certaine -, était apposé sur ma nuque. Ils étaient tous ouverts, mais il n'y avait aucune clé dans le tiroir. Les chaînes n'avaient pas l'air particulièrement solides, mais je supposais qu'elles devaient l'être suffisamment pour résister à la plupart des gens. Plus solides que moi, en tout cas. Il y avait une large sangle similaire aux autres. Un collier. Bref, j'étais supposée être esclave. Il me sembla être fort opportun d'agir et de me comporter comme telle maintenant.

            Je pris le tiroir de la table et je l'amenai au salon. Je m'agenouillai en le déposant à terre, devant lui. Déjà, il avait cessé de regarder le feu pour m'observer. Je sortis les bidules du tiroir un à un et je les étalai sur le tapis entre nous deux. Il me récompensa d'un tout petit sourire, mais il ne cilla pas.

            Je saisis les petites sangles, et je m'en passai une autour de chaque poignet. Puis une à chaque cheville, en toute hâte à cause de l'incommodité croissante du bâillon. Je ne le quittai pas des yeux tout en tripatouillant les courroies, l'interrogeant du regard pour savoir si je faisais comme il faut. Je dus m'essuyer la bouche une fois de plus. Puis je m'attachai le collier. Mes mâchoires étaient de plus en plus douloureuses. Je relevai les yeux. À ce stade, j'aurais pu le supplier du fond du cœur, si seulement j'avais pu parler. Il jeta un œil vers le tiroir. Les cadenas. Je les ai passés dans les trous des boucles. J'eus quelques ennuis avec le collier. Je ne pouvais le voir et mes mains tremblaient. Il m'aida.

            Je m'accroupis sur les talons, bras croisés, et j'attendis. Il me fit signe de m'approcher. Je vins près de lui, à genoux sur la couette. Il étendit la main et me caressa les cheveux, mais il ne fit rien au bâillon. J'étais désespérée. La douleur s'était muée en véritable souffrance. Je me mis à pleurer, ce qui ne fit qu'accroître ma peine. J'enroulai mes bras autour de ses jambes et, à travers mes sanglots je tentai à nouveau de lui dire « S'il te plaît... ? » mais j'étais en pleurs et je tremblais de froid, et mon nez coulait, et ma supplique fusa en un lamento suraigu. Il posa la main à terre, prit le bandeau et me le tendit. De mes mains tremblantes, je le mis en place, parvenue à ma limite absolue.

            « Ramasse les chaînes, » me dit-il. À genoux je tâtonnai à l'aveuglette dans le tiroir pour les rassembler au creux de mes mains, couinant, pleurnichant et reniflant encore. Ça me faisait très, très mal. Je ressentais ce que certains toubibs cyniques appellent « un léger désagrément. » Il me souleva, me porta dans la chambre et me posa sur le lit. Les chaînes cliquetèrent et je le sentis m'écarter les jambes, puis relier les bracelets de chevilles aux chaînes. Je ne pouvais penser à rien d'autre qu'à ma pauvre bouche. Après, il enchaîna mon poignet droit.

            Enfin, je le sentis manipuler le cadenas du bâillon Puis la boucle. La courroie était desserrée. Je tendis la main pour enlever le bâillon, mais il retint mon poignet gauche et me le tira en arrière ; le relia à la dernière chaîne. Je n'arrivais toujours pas à m'en débarrasser. J'ai poussé un soupir, et je me souviens avoir pensé alors que devais vraiment ressembler aux adeptes du cuir et du bondage. Mais je n'avais plus du tout envie d'en rigoler, cette fois-ci. J'étais au bout du rouleau. J'aurais donné n'importe quoi pour qu'on m'ôte simplement cette chose de la bouche.

            N'importe quoi. Tout.

            « Je vais te le retirer maintenant. Pour le reste de la soirée, tu ne dis pas un mot. »

            Il me l'enleva délicatement et laissa ma bouche se refermer. Elle me faisait mal après avoir été béante si longtemps. Je n'avais probablement eu cette chose en bouche qu'un petit quart d'heure au plus, quand j'y repense, mais qui m'avait semblé une éternité. La douleur sourd de la mâchoire inférieure et se répand en longs traits de souffrance jusqu'à la gorge et aux yeux. Le seul fait de déglutir est atroce, comme si on s'était luxé le condyle. Mes oreilles tintèrent quand il l'enleva tout à fait.

            J'entendis de l'eau couler dans la salle de bains, puis je sentis qu'il m'essuyait le visage et le nez avec un gant de toilette chaud et humide ; il étendit la couette sur moi et me la remonta juste sous la poitrine. Puis il m'embrassa gentiment, en faisant très attention à ma bouche qui, en dépit de l'extrêmeté de la peine toute récente, ne me faisait déjà plus mal. Il m'embrassa encore au travers du bandeau, tout près du coin des yeux. Il peut être si tendre. Quand ça lui chante.

            Je le sentis s'asseoir sur le lit à côté de moi. Il me caressa doucement le visage du revers de ses doigts. Enchaînée comme je l'étais, j'aurais dû me sentir exposée, impuissante et dénudée, notamment avec les yeux bandés, sans possibilité de voir ce qu'il me préparait pour la suite, et pourtant je ne ressentais pas ma nudité d'une manière si intense ; curieusement cela provenait du fait que j'avais les yeux bandés. Je me demande si les autruches se cachent vraiment la tête dans le sable pour se sentir à l'abri. Bien sûr que non. C'est débile. Mes deux prénoms se traduisent grosso-modo comme ça : « Non-inventrice-de-fil-à-couper-le-beurre-plus-conne-qu'une-autruche ».

            Être à l'abri est bien différent d'être impuissante, ceci dit, et j'était bel et bien impuissante. À l'abri et impuissante. D'abord, ses baisers et ses caresses furent consolateurs et asexués. J'avais chaud et j'étais bien, et je me rendis compte que rien d'autre n'était requis de moi que de laisser ma grande et grosse bouche bien coite. De toute façon, dans cette posture je ne pouvais rien faire que d'accepter passivement tout ce qu'il choisirait de me faire. Je n'étais responsable de rien.

            Ses baisers se firent plus ardents et je me sentis de plus en plus détachée. Qu'il m'embrasse, pensai-je. Qu'il me fasse tout ce qu'il veut. Après tout ce qui s'est passé, je n'ai plus rien d'autre à faire que de rester couchée là. Mes lèvres ne répondraient pas aux siennes. Et elles n'y répondirent pas. C'était comme si j'avais été dans la pièce, là, à observer ce qui arrivait à une d'autre, une tout engourdie. Il me rejoignit sous les couvertures et ses mains se mirent à parcourir mon corps, et ses caresses se firent plus sensuelles. Il s'était déshabillé un peu après qu'il m'eût bandé les yeux. Sa main glissa vers mon estomac et s'immobilisa juste sous le nombril. Et, toujours aussi délicatement plus bas encore, vers là où ma peau devient soie. Mon souffle court et les muscles de mon ventre se contractant d'eux-mêmes me trahirent, comme chatouillés.

Sa main glissa plus bas encore, et se posa en coupe sur mon sexe épilé, le massant doucement. J'étais déterminée à ne pas réagir, et mon détachement initial me revint. Il continua de me caresser. Ma peau était si douce, là ; je touchai du doigt la pertinence de ma dépilation, pensai-je encore. Mais j'étais bien déterminée à ne pas réagir. Ne pas bouger. Je pourrais jouir qu'il ne le saurait pas, me disais-je. J'étais de plus en plus en dehors de moi, détachée, flottante, à demi dans un rêve. Ses caresses se firent plus insistantes ; ses doigts s'immiscèrent en moi. Mais je ne réagissais toujours pas. Je m'étais détendue à dessein.

            C'est dur à expliquer. Pendant qu'il continuait à me caresser, je restais détachée de moi, mais mon corps se mit à se mouvoir sans aucune intervention de ma part. Ça sonne faux, vous devez croire que j'affabule, je sais. C'est comme si je voyais tout de l'extérieur, toujours parfaitement détendue, et que mon corps seul agissait. Je vis les hanches de mon corps remuer en premier, tout doucement, se poussant tout contre sa main experte. Il me caressait gentiment, fouillant et me sondant, jusqu'à parvenir enfin au point exact. Mes hanches se mirent à osciller en rythme. Sa main quitta mon sexe et remonta jusqu'à mes seins. D'une légère caresse leurs tétons s'éveillèrent. Ils s'étaient érigés, pointant dur. Je sentis ses lèvres sur mes mamelons, suçant et mordillant doucement. Il poursuivit en se faisant plus fort, plus insistant, jusqu'à ce qu'ils commencent à me faire mal. Soudain, sa main fut de retour sur mon sexe. Mon corps pantelait en arc-boutant, étiré sur les chaînes. Mes genoux se soulevèrent, mes jambes se courbèrent autant que les chaînes le consentaient.

Je me figeai et j'entendis le souffle de mon corps s'augmenter jusqu'au rauque. Je le vis s'installer sur moi, et lentement, très lentement, m'entrer au dedans. Mon corps frissonna de lui-même. Il se soutenait de ses mains, comme s'il avait été suspendu par dessus moi. Mon corps écartelé flottait en apesanteur, pénétré, surexcité et frémissant. Il se mit à remuer avec une lenteur et une douceur extrêmes, qui me parurent émaner d'une force colossale quoique parfaitement endiguée, une force contenue.

Mon corps haletait et hoquetait involontairement, aspirant de longues lampées d'air et produisant les mêmes jérémiades suraiguës que lorsque j'étais en pleurs et bâillonnée, quelques instants plus tôt. Puis mon dos se décolla du lit, mes membres se cambrèrent soudain dans les chaînes, et mon corps lui-même en vint à s'immobiliser, quasi-vibrant, le souffle suspendu. Ma gorge émettait de petits cris, alors il m'appliqua une poussée plus vigoureuse, plus artistement calculée, la plus lente de toutes. Je ne crois pas avoir joui à ce moment, mais ce fut aussi bon qu'un bon orgasme.

            Il se remit à me caresser, ralentissant son rythme jusqu'à ce qu'il devienne quasiment imperceptible. J'étais sur une corde raide. Mon corps avait recommencé à respirer : soudain je me mis à haleter frénétiquement et à me crisper en des spasmes incontrôlables, butée contre les chaînes. Son poids se fit accablant sur mon corps, m'épinglant sur le lit. Des spasmes et des spasmes encore vinrent à bout de mon corps, mais il me maintenait toujours immobile. Les chaînes se resserraient en rythme quand je tirais dessus, et ma tête oscillait d'avant en arrière. Il glissa ses bras sous mes épaules et saisit ma tête entre ses mains. Sa bouche se posa sur la mienne, avide. Ses hanches s'agitaient en rythme, maintenant, et plus très légèrement. Finalement mon barrage se rompit. Mon orgasme parut se prolonger à l'infini de l'infini.

            Alors que je reposais là, rompue, à récupérer mon souffle et mes esprits, je le sentis en moi, toujours bandant. Dès qu'il me sentit prête, il se remit en mouvement, mais cette fois pour lui seul. Lentement d'abord, puis, il se maintint sur la limite extrême, très lentement, doucement, en marquant des pauses pour prolonger son plaisir. Un second orgasme fit jour en moi, puis un troisième, alors même qu'il obtenait le fruit de ses désirs de moi (Non, vraiment ! ça sonne carrément comme si j'étais une rombière Victorienne du Middle West. Obtenait le fruit de ses désirs... Pffffff ! ), mais il n'avait pas percuté. Il m'utilisa jusqu'à ce que tout frémissant, tout haletant, il en eut fini avec moi. J'aurais tant aimé voir son visage. Mais d'un autre côté, tout bien considéré... Enfin bon, pourquoi s'obstiner à bidouiller un truc s'il marche bien ? Comme papy aimait à le dire. Pas tout à fait dans le même contexte, ceci dit.

            Je me mis à dériver au loin et je me souviens vaguement qu'il m'avait débarrassée en déverrouillant mes chaînes, et qu'il m'avait ensuite portée jusqu'à ma chambre.

            Quand je m'éveillai ce matin, j'étais dans mon lit, et les menottes en cuir, les bracelets de chevilles ainsi que le collier étaient toujours à leur place. Le soleil se levait tout juste et j'avais délicieusement mal un peu partout. J'allais à la salle de bains. J'étais un désastre vivant : mes yeux étaient devenus deux énormes taches grasses, là où le mascara avait coulé sous le bandeau hier soir. Après un pipi rapide et un savonnage, je sautai dans mon lit douillet juste à temps pour qu'il arrive dans ma chambre avec du café et des muffins tout chauds. Il était déjà tout habillé, et après un petit bisou et quelques ordres, il partit au travail.

            Les ordres consistaient à commencer d'écrire tout ça. Après une bonne grasse mat, je me levais et je fis le tour de la maison. Sa chambre était fermée à clé, mais le reste de la maison m'était ouvert. Ce n'est pas avant d'avoir noté que mes valises avaient disparu (une attention vraiment touchante) que je réalisai n'avoir à aucun moment - et même aux pires d'hier au soir - songé à le quitter. Il n'avait pas besoin d'emporter mes vêtements pour me garder ici, mais néanmoins cela me fit chaud au cœur qu'il l'ait fait. Je resterais.

            Bon, c'est tout pour maintenant. Il faut que je me prépare pour lui et j'en ai assez de taper, de toute façon. Wordstar[1] m'annonce que j'ai écrit 27 pages. Des idées jetées pêle-mêle sur le papier, plus les cours de dactylo de Mme Cooke. Il sera de retour dans une heure ; demain c'est samedi.

            Il a eu l'air satisfait de ce que j'ai écrit vendredi. Aujourd'hui c'est dimanche ; je n'ai pas le temps de vous parler de vendredi et samedi soirs. Plus tard. Ça ressemble de plus en plus à un journal intime. En fait, il a dit avoir été surpris que j'aie autant écrit. Pourtant, il m'a demandé de me reprendre et de rajouter des trucs, comme la partie sur mes tétons, par exemple. J'ai détesté. Et d'autres trucs, aussi. J'ai modifié les noms, les lieux, etc., pour protéger les innocents[2] (les coupables, en fait) pour qu'on ne puisse pas remonter jusqu'à nous. Si donc vous tombiez sur ce récit, sachez qu'il a été revu et corrigé. Mais pas caviardé, vous ne serez donc pas grugés. Il m'a demandé de rajouter des trucs, pas d'en enlever.

            Je suis supposée vous en dire plus sur moi-même, sur ce à quoi je ressemble, sur pourquoi je fais cela, sur ce qui me motive. J'ai une heure à peine devant moi, l'article du jour sera donc bref et ira droit à l'essentiel. Je fais un mètre soixante pour quarante-neuf kilos. Donc, durant toute ma vie d'adulte j'ai eu le choix entre « petite » et « pas grande » ; je n'aime ni l'un ni l'autre. Altitudinellement handicapée ? Je porte souvent des talons hauts. Ça fait vieux jeu, je sais, mais je suis une naine sans leur aide. Quand je mets des chaussures de sport, les gens disent « Waouh ! je savais pas que tu étais si petite. » Waouh. Mercibienc'estgentil.

            Les cheveux châtains, assez longs, mais pour être honnête leur qualité laisse à désirer. Ils sont du type rêche et crépu avec des tas de bouclettes. J'ai l'air d'avoir une permanente ratée et que j'en aurais bien besoin d'en refaire une autre, sauf que je n'ai pas fait et que je ne ferais pas. Ma chevelure ne sera jamais lisse et soyeuse comme dans les pubs à la télé. Après chaque lavage, elle buissonne à l'afro en devenant ingérable. Elle m'arrivait au milieu du dos quand j'étais au lycée, mais depuis je n'ai cessé de la raccourcir peu à peu jusqu'à ce qu'elle m'arrive juste sous les épaules. Il est vraiment malcommode de la faire tenir en place sous une coiffe d'infirmière, mais J ne veut pas que je la fasse couper, et je ne l'ai pas fait depuis notre rencontre. J'aimerais bien essayer les cheveux courts, pourtant.

            J'ai le teint clair, les yeux gris-bleu, et je pense qu'ils sont ce que j'ai de meilleur sur mon visage. Mes yeux sont grands, et je les souligne encore avec plein de maquillage. Je ne suis pas une beauté, mais je ne suis certainement pas dénuée de charme. Je dois me situer entre mignonne et « plutôt pas mal » (mais absolument pas virago, disons-le tout net.) Malgré ma petite taille, on ne m'a jamais qualifiée de miniature, Dieu merci. Je ne suis définitivement pas non plus du genre battante. Tous mes amis disent que j'ai un charme qui sort de l'ordinaire. Chez moi dans l'Indiana, je n'ai jamais eu de problème pour séduire les hommes, pas même les fanas du canon des stars de films conventionnels ; mais à l'époque la plupart des garçons de ma ville natale étaient de tels abrutis que je m'en souciais fort peu. Et toutes les beautés du type star de film conventionnel s'enfuirent au loin dès qu'elles le purent. Et toutes les autres aussi. Et moi itou. Même une autruche aurait fui.

            Dans mon bled, on considère qu'avec trois t-shirts du club de foot local on a une garde-robe. Les mecs étaient bien plus intéressés par les bagnoles et la bière. Pour ces types, le simple fait de parler à une femme faisait efféminé ; attirer l'attention de l'un de ces spécimens ne valait tout simplement pas le coup, et vous pouvez me croire. C'est comme pour chevaucher une vache : ça peut se faire, mais ça fait beaucoup d'effort pour pas grand-chose... et puis pourquoi, d'abord ? Ces bouffons rustiques se cramponnaient à l'arrière d'un pick-up en éructant de grosses vannes du genre : « Aucun homme ne devrait faire un jardin plus grand que ce que sa femme peut biner, » pour ensuite s'esclaffer bruyamment. Puis un pitre tellement minable qu'il n'aurait pas même entendu cette bonne blague éclaterait de rire en vaporisant sa bière par les trous de nez. Ça serait le point fort de la soirée. Je vous semble amère ?

            J'entretins donc pendant quasiment toutes mes années de lycée l'attitude et le look salutaires d'une « touche-moi-pas-là-moi-bonne-fille-de-ferme » et je ne me suis pas maquillée jusqu'en Terminale. Puis je rencontrai un mec plus âgé que moi et que je crus aimer, et c'est là j'ai commencé à me maquiller pour avoir l'air plus « mûre ». Cela dura deux semaines, jusqu'au moment crucial où je découvris qu'il y avait un miroir au-dessus de son lit. Je parle de trucs glauques. Ç'aurait dû être un signal : Les Choses Apparaissent Plus Grandes Que Ce Qu'elles Sont en Réalité. En plus il n'aimait pas mes tétons. Donc, comme ça n'avait pas marché, je décidais de retourner au lycée. Je restais donc vierge jusqu'à mes dix-neuf ans, et puis encore jusqu'à mes vingt-deux ans (je suis donc un peu tardive). C'est là que j'ai rencontré J.


Je lisais beaucoup, je faisais plein de gym et je me tenais en bonne forme, mais je n'avais toujours pas cette allure maigrichonne, dure et musculeuse qu'avaient certaines des femmes fréquentant la salle d'aérobic tout là-haut, dans le Nord. J'ai encore les formes bien rondes, mais je travaille d'arrache-pied à me confectionner une belle carrosserie. Il faudrait que je j'aille m'inscrire dans une salle de gym, par ici. OK, OK, je vous donne mes mensurations : 86-58-96, et je fais du 85 B. Vous êtes heureux maintenant ? (Merci-vraiment-très-beaucoup de me rappeler ça, J.) Mes épaules sont étroites, et les muscles de mon torse ont grand besoin d'être développés.

            J'ai de belles jambes ; avec des talons elles sont supers, en fait. Élancées par rapport à ma taille. Mes hanches sont plutôt larges, mais cela vient du fait que mes jambes sont bien plus écartées que celles de la plupart des autres femmes ; mes cuisses sont minces. Il y a juste un espace plus important entre mes jambes que chez la plupart des autres femmes. Je ne sais pas pourquoi je dois vous raconter tout ça, je n'y avais pas même songé avant que J ne m'ait demandé de rajouter les toutes dernières phrases. J affirme que les jeans vont très bien. Je suppose qu'il a dû y penser. À l'espace entre mes jambes, je veux dire. Jusqu'à présent, pas moi.

            Je bronze facilement, mais je ne suis pas pour, c'est tellement agressif pour la peau ; et puis, de là où je viens, être bronzée vous désigne comme plouc. Je crois qu'on pourrait me qualifier de pâlotte. D'autres me décriraient comme pâlichonne. Mais j'ai une belle peau, je ne suis donc pas livide ou blême, mais juste pâle. J'essaie de maintenir ma peau aussi parfaite que possible (pas de mal-bouffe). Elle est très fine (petits pores), et je suis fière de mon teint. Je me maquille, c'est vrai, et même un peu plus que nécessaire. J'aime bien me pomponner, c'est vu ? Encore la petite fille qui joue avec le maquillage à sa maman, je suppose.

            Je suis suffisamment myope pour devoir porter des lunettes au volant, mais je mets des lentilles de contact la plupart du temps. J'en ai une paire qui me fait les yeux bleus, mais c'est tellement artificiel que j'en ai acheté une autre paire de neutres. Trop rutilant pour une fille du Middle West. Quelqu'un aurait pu penser que j'essayais d'être différente des autres. À Dieu ne plaise !

            Je suis donc une fille de paysans du Middle West sauf pour ce qui est du maquillage. Avez-vous déjà vu de ces femmes au maquillage absolument parfait ? Vous savez bien : les lèvres impeccablement détourées, le dégradé du fard à paupières parfaitement nuancé, sans un grumeau, les sourcils soigneusement effilés, la peau bien lisse, uniforme, et toute poudrée. Elles ont l'air de consacrer bien trop de temps à leur visage. C'est ce qu'elles font, d'ailleurs : je suis l'une d'entre elles. D'un autre côté, il y a beaucoup de femmes dans le coin qui pourraient prendre un peu plus soin d'elles.

            J pense que je passe trop de temps à me maquiller parce que j'aime à tout contrôler de manière parfaite. Il pense que j'utilise le maquillage pour compenser ce que je perçois comme étant d'autres défauts incontrôlables. Je suppose qu'il fait allusion à mes cheveux. Ou à mes tétons. Ils me furent une gêne, mais je ne crois pas qu'ils aient régi ma vie. Peut-être a-t-il raison. Je n'ai pas encore réussi à me convaincre qu'il dit la vérité quand il m'affirme les préférer tels quels. Va mourir ! Il dit aussi qu'il m'aime sans mon maquillage. Il pense juste qu'il aime. Ou il aime à penser qu'il aimerait. Les hommes.

            Mes amis disent de moi que j'ai les attitudes typiques d'une fille du Middle West. C'est vrai. Ma famille n'a jamais ne serait-ce qu'abordé le sujet du sexe. On ne m'a jamais expliqué les « choses de la vie. » Dans le Middle West, la gêne a été promue de simple émotion au rang de mode de vie. On ne parle tout simplement pas de ces choses-là. Je remercie Dieu pour l'éducation sexuelle à l'école.

            Voilà... je suis pluri-orgastique. J'adorerais que ça puisse signifier quelque chose d'important, mais ça voudrait plutôt dire que J est un amant sensible. Je n'y avais pas souvent pensé, peut-être parce que je n'avais jamais été comme ça avec les autres mecs. Mes orgasmes sont quasi-prévisibles (quoique pas du tout rasoirs) . Avec J, je commence presque toujours par un petit orgasme palpitamment frémissant au tout début, puis j'en ai un grand au milieu. Il s'applique à me rendre le second très jouissif et il m'attend toujours avant d'avoir le sien. Quasiment une fois sur deux j'en ai un troisième, mais le second est presque toujours le meilleur. Ça sonne prévisible et ennuyeux, je sais, mais je connais (connaissais) un paquet de filles qui n'en ont pas du tout, alors je me sentais gâtée. Mais tout pourrait changer maintenant. C'est que nous allons vers des terres inconnues.

            Je suis obligée de rajouter quelque chose. Je n'arrive pas à y croire, mais il m'a demandé d'écrire ça. Il dit que j'ai un visage distant et presque cruel. Quelque chose dans la forme de mes narines, vain Dieu ! Des narines distantes et cruelles ? Allez ! Il dit que c'est l'une des choses qui l'ont attiré vers moi, au début. Elles ne sont ni l'une ni l'autre. Vraiment.

            Les motivations. Nous en avions beaucoup parlé. Être responsable d'un étage entier d'infirmières et de soignants signifie que je dois diriger et organiser les gens autour de moi. Je ne suis pas faite pour ça : c'est une partie de ma vie qui n'est véritablement pas sous mon contrôle, et pourtant mon boulot exige que je sois capable d'exercer mon contrôle... et je suis prise entre deux feux. Ma personnalité n'a tout simplement pas le poids nécessaire. Je suppose que la plupart d'entre nous ont des vies et des boulots qui requièrent force et autorité. Je feins très bien, et je feins encore. C'est peut-être pourquoi j'ai cette double impulsion en moi qui me pousse à tout laisser tomber et à me dégager de mes responsabilités et, d'un autre côté, à exercer un contrôle indiscuté. De là vient la Liste à double colonnes ( ?) Elle semble émaner la même dualité. J ressent les même tensions à son boulot, et en bien des manières les deux colonnes reflétaient ces deux aspects de nos personnalités.

            Voici ma théorie : il semble certain que les différences entre les rôles et les schémas comportementaux mâle/femelle (ou dominant/passif, quoi qu'il en soit) soient le résultat d'une évolution sociale et peut-être même biologique. S'il en est ainsi, il en découle qu'elles sont une adaptation sociobiologique plaquées sur un arrière-plan préexistant, qui est certainement bien plus une médiation entre deux genres que l'un ou l'autre de ces deux extrêmes stéréotypés. Il s'ensuit alors qu'il existe bel et bien un aspect inexprimé plus féminin pour les mâles ainsi qu'un côté plus masculin de la psychologie féminine. Ces deux aspects sont parfaitement naturels. Il est possible que ce que l'on considère comme étant un comportement sexuel déviant (c'est-à-dire, déviant des stéréotypes extrêmes et acceptables du spectre mâle/femelle) est l'expression irréfléchie de ces émotions sexuelles intermédiaires et néanmoins très naturelles.

            D'un autre côté, il y avait une infirmière travaillant au même étage que moi et qui faisait un mètre quatre-vingt-cinq, et qui eût été splendide si elle n'avait pas désiré être plus petite. Elle se voûtait et elle était timide et se débrouillait pour avoir l'air moche, simplement parce qu'elle n'était pas bien dans sa peau. J'aurais pu tuer pour avoir cette taille ; je faisais tout pour apparaître plus grande : je me tenais bien droite, c'était devenu une seconde nature, et j'essayais de projeter de l'assurance plutôt que de la timidité autour de moi. Il est singulier que nos vies puissent être si affectées par ce que nous voulons être plutôt que par ce que nous sommes.

            On me demande d'être plus dominante au boulot qu'il n'est dans ma nature. Je déteste ça, et je préfèrerai plutôt rester passive et n'avoir aucune responsabilité. En même temps, vu que je suis parfois (étant femelle et petite) incapable d'exercer une forte influence dominante, j'aimerais rien qu'une seule fois contrôler quelqu'un ou quelque chose sans concurrence. Je suppose que je désire les deux. Je n'ai jamais ressenti cette maîtrise que dans une descente à skis. Je suis plutôt bonne skieuse, et j'ai réellement le sentiment enivrant de dominer la montagne. Je me demande si ça serait aussi bien de pouvoir dominer un homme...

            Ou bien ne fais-je que justifier ma fascination pour la Liste en m'inventant des excuses pseudo-psychologiques et alambiquées. En public, j'ai toujours clamé être répugnée par de telles choses, mais en privé je suis attirée par la face cachée de ma propre nature. Si j'aperçois des livres érotiques sur une étagère, je me sentirais gênée si quiconque pouvait voir que je les regarde, mais en même temps j'ai envie de savoir ce qu'il y a dedans. Repoussée et attirée. Un méli-mélo de fausse prude de l'Indiana !

            Après lecture de ce manifeste d'une hyper prude, si vous pouviez voir dans quelle tenue je suis là, maintenant, vous vous demanderiez si je suis bien la même personne. Mais je n'ai fait que suiffre les SordreS, mein Führer. Je porte ce qu'il m'a demandé de porter.

Oups ! J remonte l'allée au volant de sa voiture. Il est temps d'y aller. Je vous en dirais plus sur le week-end quand il sera au travail, demain. OK, j'ai tout admis. Plus jamais de phycho-pop'. Et voilà tout pour aujourd'hui. C'est l'heure du plaisir et des jeux...






Par gigipanpan
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