Mercredi 25 février 3 25 /02 /Fév 09:46

Tard dans l'après-midi, il me retira toutes les chaînes. Il me demanda d'enfiler le body noir et d'amener la cagoule dans sa chambre. Je m'étais observée mainte fois dans la glace en fignolant la tenue. Elle me met en valeur - surtout mes seins - bien qu'elle en change la forme en les faisant pointer d'une manière assez artificielle. Et puis qu'elle est SERRÉE. Si serrée qu'elle n'a pas le moindre pli. Elle me tire assez désagréablement sur l'entrejambe. Tout à fait ce qu'il désirait.

            Il m'avait fait enlever les lentilles de contact, aussi, et remettre les bottes à talons-aiguilles ainsi que les chaînes qui vont avec. Et mes menottes. Il me demanda de me pencher en avant pour enfourner mes cheveux dans la cagoule, qu'il zippa au col. J'étais parfaitement enclose dans mon habit. Je pouvais certes parler et respirer, mais je n'y voyais goutte. J'avais déjà eu un avant-goût de la sensation en l'essayant avant d'avoir recousu les fentes des yeux. Je vous laisse imaginer.

            Il me demanda me mettre debout. J'étais désorientée, perchée sur mes talons et aveuglée, mais il rectifia mon incapacité à tenir l'équilibre en enchaînant mes poignets au dessus de la tête du lit, et mes chevilles aux extrémités d'une barre d'un mètre de large - une barre d'écartement, si j'ai bien compris le jargon d'ASB.

            Bien qu'écartelée, je pouvais me tenir aisément débout, même sur les talons. Je n'étais pas suspendue par les poignets ou d'une quelconque manière aussi draconienne ; en fait, j'aurais pu tomber si mes poignets n'avaient pas été enchaînés au dessus de ma tête. Il me laissa en plan un long moment après qu'il eut quitté la chambre. À ce moment, j'ignorais qu'il était aller installer la grande chaise en chêne , mais je n'allais pas tarder à le savoir.

            Oh Dieu ! je n'arrive toujours pas à croire à ce qu'il m'a fait - et même maintenant, une semaine après. Et que les trucs de ce matin, ça n'était que le tout début du TRUC. Mais une chose à la fois. Il faut que je raconte tel que ça s'est passé.

            Il m'ouvrit le devant de la tenue du cou à l'entrejambe et jusqu'au bas du dos. Ses mains étaient à l'intérieur, qui me caressaient et m'aiguisaient. Je n'ai pas deviné ce qu'il allait me faire après, bien que j'aie tendu l'oreille au maximum pour détecter le moindre indice. J'étais encore au bord de jouir depuis les caresses inachevées d'hier soir. Il était debout derrière moi. J'avais un peu froid et je me sentais exposée là où la fermeture-éclair était défaite, et je sentis les doigts lubrifiés d'une main se frayer un chemin par l'arrière pendant qu'une autre me stimulait le devant. Un de ses doigt me pénétra, puis deux, qui m'assouplirent pour laisser place au troisième. Je me détendis pour lui faciliter la tâche. D'ordinaire, ma nervosité fait obstacle, mais cette fois-ci, elle n'eut pour autre effet que de me faire mouiller fortement en quelques petites secondes à peine, pour aboutir à me retrouver très allumée et fort disponible.

            Bien entendu, je ne savais pas ce qui allait advenir ; jusque là il ne s'agissait que de l'un des autres petits trucs excitants et mystérieux de l'univers du bondage. Je resserrai mes deux ouvertures de toutes mes forces, les cuisses frémissantes et tendues, en moulinant des hanches dans toutes les directions. Je crois que tournoyer est le mot juste. Quelques minutes plus tard, j'étais à nouveau tout près de l'orgasme, lorsqu'il il s'arrêta.

            J'entendis un bourdonnement. Puis deux. En percevant ces vibrations, je sus d'instinct qu'il s'agissait de vibromasseurs. Je me tortillais sans trop y croire en essayant de crisper mes deux orifices, mais je savais trop bien que je ne pourrais rien faire pour l'arrêter.

            [...et puis je ne voulais pas non plus l'arrêter, mais j'avais honte de l'admettre... Note Venant du Futur]

            Il continua de me pénétrer des deux côtés à la fois, jusqu'à ce que les deux vibromasseurs soient ensevelis au plus profond de moi. Ils étaient renflés à la base pour empêcher qu'ils ne s'enfouissent en moi ; il poussa dessus à fond, jusqu'à ce qu'ils soient très fortement comprimés. J'avais pensé qu'il allait s'en servir pour me faire jouir, mais au lieu de ça, il les tint en place d'une main, puis il reboucla ma tenue jusqu'au menton.

            Il me plaça le torse en plastique par dessus la tenue. Je dus à nouveau me tortiller pour n'être pas pincée. Il le boucla, et j'entendis le cliquetis familier des petits cadenas. Je fus prise de frénésie. La tenue m'offrait un appui, mais le vibromasseur crucial - celui de devant - ne pouvait entrer en contact avec l'endroit crucial, de quelque façon que je m'agite. J'étais stimulée en permanence, mais les vibromasseurs ne pouvaient me faire jouir. Parfois, je parvenais à effleurer l'endroit sensible, mais les vibromasseurs résonnaient alors sur la fibre de verre. Il pouvait entendre ce que je faisais, je le savais.

            Vaguement, je me rendis compte qu'il était en train de me libérer les jambes. Je pus les rassembler autant que le torse me le permettait, mais ça ne m'aidait pas vraiment. Puis il me détacha les bras. Je tombai presque, mais il l'avait prévu et il me rattrapa et me porta à demi jusqu'à la salle de bains, où il me posa sur la grande chaise. Je m'y positionnai en m'aidant de mes bras, essayant de m'appuyer sur le vibromasseur arrière, et sans savoir ce qui se tramait.

            Le temps de m'asseoir, je pris conscience - au travers du brouillard stimulant qui se développait en moi - qu'il scotchait mes poignets aux accoudoirs de la chaise (avec le même truc d'électricien). Idem pour mes coudes, mes bras et tout. Mes chevilles et mes mollets furent attachés aux pieds de la chaise, une chaîne reliée à ses deux côtés puis aux anneaux du torse. Quelque chose - une courroie, je crois - s'enroula autour de mes cuisses et du siège. J'étais obnubilée par les vibromasseurs, presque inconsciente de ce qu'il me faisait. Je dus me soulever un peu pour empêcher le vibromasseur arrière de devenir gênant, mais dans le même temps je m'arc-boutai contre l'avant de la carapace en y poussant mon sexe. Il avait dû faire tout cela très rapidement. Je fus complètement immobilisée en moins de deux minutes. Le torse m'empêchait même de tourner la tête. Et je me frottai de plus en plus fort contre sa face interne.

            Puis la cagoule sauta. J'étais attachée dans la chaise, assise, contemplant mon reflet dans le flou de la grande glace, sur la porte de la salle de bains. Il s'avança face à moi. Il tenait le bâillon. LE bâillon. Je percutai à grand-peine ; j'étais tellement déconcertée. Je roulai des yeux en détournant ma tête autant que je le pouvais. Je haletais, le souffle court, rougissante.

            « Qu... Qu'est-ce que tu vas me faire ? » lui demandai-je, tentant de rassembler mes esprits. J'étais désorientée par les sensations émanant de l'intérieur de mon corps ; sans mes lentilles de contact, la pièce était dans le flou et j'avais l'impression d'être immergée, et que tout se déroulait au ralenti, hors de tout contrôle. Il me tint le bâillon devant ma bouche, sans rien dire. J'étais incapable de penser. Je l'ouvris toute grande et il me l'y enfonça. Il ne prit pas même soin de l'attacher à l'arrière. Il fit un pas sur le côté, révélant mon reflet : des yeux de folle, écarquillés au dessus d'une bouche forcée par le bâillon à un cri silencieux, le visage entouré d'une crinière de cheveux blonds platinés.

            Le reste de moi était une esquisse de textures et de tons de noirs : plastique noir poli, Lycra noir, bottes de cuir noir, les bras compressés par de noirs rubans. Mon mascara et mon eyeliner mêmes paraissaient noirs sur une peau si blanche. Seules mes lèvres montraient du rouge. Mon menton était maintenu très haut perché dans une pose régalienne et rigide, avec un cou artificiellement rallongé. Du ruban noir était enroulé autour de mon cou plastifié, qui me maintenait immobile contre le haut du dossier de la chaise.

            J'étais absolument impressionnante.

            Une légère pulsation de mes cuisses, un petit étirement du cou prenant appui sur le col, la fermeture occasionnelle ou le papillotement de mes paupières, étaient les seuls signes extérieurs de la tempête faisant rage à l'intérieur du torse... et le chuintement de mon souffle fusant de mes narines et autour du bâillon.

            Je roulai des yeux pour suivre ses mouvements. Je clignai des paupières pour focaliser mon regard de myope sur lui, malgré les vibromasseurs et leurs effets ravageurs. Je dérapai vers l'orgasme. Il se plaça derrière moi ; je le vis dans la glace. Il me sourit d'une façon que je ne pourrais décrire autrement que compatissante, puis il fit bouffer mes cheveux comme l'aurait fait une coiffeuse, sauf qu'il me dévisageait, jaugeant à quel point j'étais près de l'orgasme. Il restait coi. Il opinait du chef comme pour lui-même, - comme s'il avait dû se résoudre à prendre une décision très intime - quand il vit que j'étais prête. Il aurait du me dire quelque chose. J'avais droit à des explications, à quelques mots, à quelque chose. Mon orgasme survint alors qu'il venait de se décider.

            Il tenait une paire de ciseaux.

Au beau milieu de mon orgasme, il saisit une poignée de cheveux et la tailla net. Je hurlai sous le bâillon. Il me coupait les cheveux !

            Je me ruai contre mes liens. Je me cabrai dans la chaise, en essayant de la faire tomber, oubliant les vibromasseurs dans ma terreur - mais je pouvais à peine me remuer. Je me tordis avec frénésie dans le torse, avec des gestes rendus incohérents et spasmodiques par l'orgasme en cours. Je ne pouvais pas même étirer d'un cran le ruban. Je pouvais tourner ma tête de quelques petits centimètres de chaque côté, mais c'était tout. Je tentai de secouer ma tête pour empêcher ses mains, mais il me coupa très aisément une autre mèche sur le devant. Puis une autre. Dans ma panique, j'avais carrément oublié le bâillon et je continuais bêtement de lui hurler de s'arrêter, même si ne m'entendais que couiner. Mon cœur tapait comme une hache. Comment pouvait-il me faire ça ? Comment ? Mon orgasme se cicatrisa vite, me laissant un arrière-goût d'hystérie. Je n'avais jamais réellement souhaité que ça arrive. Mais pas du tout.

            Il oeuvra sur tout le travers de mon front, depuis les oreilles jusque sur le devant. Je cessai de lutter le temps de reprendre mon souffle et de tenter d'accrocher son regard. S'il seulement il avait pu voir mon expression, il se serait arrêté net. Je me vis dans la glace et je me remis à lutter comme une folle - en vain - quand je me rendis soudainement compte qu'il était bien trop tard pour le stopper. On apercevait déjà mon scalp ; sur une largeur de huit à dix centimètres, mes cheveux faisaient moins d'un centimètre de long. Sur la moitié avant de mon crâne, à partir d'une ligne passant de mes oreilles au sommet de ma tête, j'avais une brosse.

            Il s'arrêta de couper et je m'arrachai les yeux pour contempler ce qu'il restait de moi dans la glace. Je me mis à pleurer. Des traînées de mascara me dégoulinèrent sur le menton. De l'air chaud sifflait à travers mes narines comme d'une machine à vapeur ; j'avais les joues gonflées, les narines dilatées ; mon nez dégouttait sur mes lèvres et par dessus le bâillon, la salive me coulait de la bouche jusqu'au cou et sur les seins plastifiés de mon torse. Ma respiration était hachée, j'avais les yeux rouges et arrondis. J'émis de petits cris plaintifs par les commissures des lèvres, aux coins du bâillon.

            Il étala de la mousse à raser sur mon crâne - mon nouveau crâne - et entreprit de le raser. Ce fut étrange ; le raclement du rasoir était le seul bruit que j'entendais, tout le reste s'étant évanoui à l'arrière-plan de ma conscience, y compris ma respiration laborieuse et rauque.

            Ahurie, je pensai bêtement : « déjà, il ne me coupe pas tous les cheveux, » - comme si ça pouvait faire la différence. À partir de maintenant, je ne pourrais plus me montrer en public. Il faudra des mois et des mois avant que ça repousse. Pendant que le rasoir parcourait mon crâne en tous sens, je repris conscience des vibromasseurs fichés en moi. Ça faisait dix minutes à peine qu'il me les avait insérés, mais ça me semblait si loin que je les avais presque oubliés. Je frissonnai involontairement. Ils n'étaient plus excitants du tout. Je désirais simplement qu'ils ne soient plus là. Je n'avais plus envie de jouir. Je voulais juste que ça s'arrête là, et remonter la vague du temps...

            Il en avait fini. Il m'essuya le crâne et le visage d'une serviette humide, puis il fit bouffer les reliquats de ma chevelure. À travers mes larmes, je vis en lui une personne totalement différente. Mon front était exagérément, insupportablement haut. Comme dans ces vieux portraits d'Elizabeth I d'Angleterre. Mon crâne était parfaitement dénudé au devant des oreilles.

            Il me retira le bâillon. Je ne dis rien. Il n'y avait rien à dire. C'était trop tard. Je me fixai dans la glace, horrifiée, secouée de tremblements, en prise à un méli-mélo d'émotions contraires. Il m'avait sectionné les scotchs, et je ne parvenais pas quitter mon image des yeux dans le miroir, et je ne pouvais rien voir d'autre que mon crâne. Il m'aida à me remettre debout et il me porta sur le lit, où il me retira le torse très doucement, où il m'ouvrit les fermetures de la tenue, où il me retira les vibromasseurs avec une douceur infinie. Qui vibraient encore à fond. J'étais stupéfaite. Je ne l'aidai pas du tout lorsqu'il me retourna pour m'ôter le second vibro. Je crois que je n'ai même pas sourcillé.

            J'étais démolie. J'avais envie de pleurer, et j'en étais incapable. Je ne pouvais penser qu'à mes cheveux. Même sans vibros, je continuai à ressentir en moi une vibration interne, nerveuse, comme si j'étais descendue d'un tracteur ou si j'avais lâché une tondeuse à gazon après des heures de travail. Mon corps entier résonnait de la soudaine absence de vibrations. Mais ça ne comptait pas. Et rien d'autre non plus.

            « Regarde-moi, » dit-il. Je ne le pouvais pas. Je scrutai bêtement le plafond ; ma tenue ouverte, les bottes pendant aux pieds du lit. Il s'assit sur le lit à côté de moi et me fit pivoter menton de sa main. Mes yeux croisèrent les siens.

            « Je t'aime, » me dit-il. Soudainement, mes émotions émergèrent en bloc.

            « Mon Dieu !!! Comment as-tu pu me faire ça !!? me lamentai-je, - en me détournant de lui pour m'enfouir au creux des oreillers. Alors que j'étais hystérique et sanglotante à plat ventre, je sentis que sa main se posait sur mon épaule. « Non ! » lui dis-je en me rejetant au loin, comme foudroyée. Je me roulai jusqu'au bord opposé du lit et je me relevai, en équilibre précaire sur mes talons-aiguilles de pouffe -avec les jambes toujours attachées.

            « Regarde ce que tu m'as fait !! » pleurai-je, refondant en larmes et clopinant jusqu'à la glace, jusqu'à lui faire face, les poings serrés aux hanches. Il avait l'air consterné par la véhémence de ma réaction, et je me rendis compte qu'il s'était attendu à tout autre chose de ma part.

            « Pour moi, tu es magnifique. Et je n'ai pas l'intention de me faire pardonner. Je l'ai fait parce que je t'aime et que j'ai l'intention de te faire mienne. »

            J'ai pensé que c'était une drôle de manière de me le prouver,.

            « Je n'arrive pas à croire que c'est vraiment arrivé ! »

            « Je veux te posséder. Maintenant c'est vrai, et plus qu'avant. Essaye de réaliser que je prends bien plus soin de toi que de n'importe qui d'autre dans cet univers. Tu es mon trésor. » D'accord, pensai-je. C'est sûr et certain. Le ton de sa voix m'indiqua qu'il commençait à se faire du mouron parce qu'il m'avait peut-être poussée trop loin. Ou trop vite.

            « Ouais, enfin, ton trésor que tu dis que je suis, tu viens juste de le défigurer, » lui rétorquai-je amèrement, en lui tournant le dos pour mieux mater le miroir à nouveau. Je valais le coup d'œil : avec mon body béant, ça me faisait une estafilade continue de blancheur dénudée coulant de ma chevelure à mon sexe épilé.

            « Non, » me dit-il posément et fermement. Je ne l'avais jamais entendu parler sur un ton si résolu. « Non... » me redit-il, posément, en me retournant face à lui et en plantant mes yeux dans les miens. « Je t'ai dépouillée d'un peu plus que de ta dignité. » C'est super, pensai-je. J'ai droit à le la philosophie à quatre sous, juste histoire de faire passer la pilule. Comme je l'ai déjà mentionné, je me sentais un peu amère.

            « T'avoir fait ça ne peut que te rendre la chose plus facile, » enchaîna-t-il.

            « Mais merde ! de quoi tu causes ?! »

            « Les sentiments de dignité et de fierté obscurcissent notre relation et notre sexualité comme un feu qui s'obscurcit par sa propre fumée. Je ne t'ai pas défigurée. Je t'ai simplement retiré une part de ta dignité. Pour moi, tu es plus belle que jamais, parce que tu es presque devenue entièrement mienne. Si tu veux assurer ta dignité en public, tu pourras toujours sortir avec une perruque. Je t'en ai acheté une, d'ailleurs, mais tu n'auras le droit de la porter qu'avec mon autorisation. Et tu n'auras droit à aucune dignité en privé.

            « Tu n'es pas défigurée. Tu es modifiée. C'est très important que tu saisisses la nuance... »

            « Je n'arrive pas à y croire, » le coupai-je. Mais il ne s'arrêta pas de déblatérer. Il en rajouta ; il n'était pas branché sur ma fréquence. On aurait dit qu'il ressassait un texte appris par cœur. Je l'écoutais à peine et je ne mordis pas à son truc, mais d'un autre côté, au même moment, je me rendis compte de ce qu'il avait prévu, de ce qu'il avait voulu qu'il advint.

            J avait toujours préféré user de subtilité pour parvenir à ses fins. Je sais que le fait de me raser n'a apparemment rien de subtil, mais il aurait de loin préféré que je sois libre en apparence - et que mes chaînes ne soient pas visibles. Le mieux eût été de n'avoir d'autre contrainte que ma seule panique d'avoir honte. Jusqu'à présent, j'ai bénéficié d'une totale liberté de mouvement dans la maison et dans la cour, mais aussi d'une impossibilité à me montrer en public, que ce soit dans mes chaînes ou avec les poids, ou par manque de vêtements, ou bien encore à cause du torse de plastique qui me contraignait à rester à la maison. Maintenant, c'est mon apparence qui m'enchaîne. En public, ma perruque m'enchaîne - par le simple fait qu'il peut à tout moment me la retirer.

            À Chicago, il avait appris les arts martiaux. Il se tapait une heure de conduite tous les mardis soir pour son judo - plutôt que d'aller au cours de karaté, qui n'était qu'à deux minutes à pied de chez nous. Il m'avait expliqué qu'il préférait la voie douce à la force. D'une certaine manière, c'était plus satisfaisant, me disait-il. Il est bien assez costaud pour me plier à sa merci, mais il préfère ne pas devoir user de sa force ou des chaînes, sinon en tant que moyen temporaire pour parvenir à l'achèvement d'une contrainte sans entraves mais néanmoins strictement confinée. Les chaînes invisibles sont - ou ne sont pas - les plus solides, mais J pense qu'elles sont les meilleures, pour ses raisons bien à lui.

            En écrivant cela, les mots ne me semblent pas pertinents et, quand j'y songe, ils me paraissent bien lourdingues. Je ne suis toujours pas sûre d'eux. Il ne faut vraiment pas les prendre au pied de la lettre. Je crois qu'il ne faisait que tenter de se justifier de ce qu'il m'avait fait, et qu'il ne l'avait fait que pour exercer sa maîtrise sur moi, et rien d'autre. Une histoire de pouvoir.

            Mais, à cet égard, il a toujours été un mystère pour moi. Il a très souvent eu l'occasion de diriger tout un tas de gens [pour une bonne part de manière professionnelle, mention supprimée] mais même là, sans éluder ses responsabilités, il a toujours refusé d'exercer l'autorité inhérente à son poste. Il est véritablement plus intéressé par sa connaissance intime que par l'apparat du succès social. Son désir de maîtrise a toujours été dirigé vers lui-même. Or donc, son désir d'exercer sa maîtrise sur moi est toujours demeuré très mystérieux. Sauf si j'envisage qu'il me considère tellement comme faisant partie de lui que je tombe dans une catégorie différente que celle des gens ordinaires. Je ne sais pas.

            Ceci dit, sa « volonté de pouvoir » (si vous relisez votre Nietzsche) est dirigée vers lui-même. Donc, appeler ça un « trip de pouvoir » n'est pas tout à fait juste en ce qui le concerne. Probablement.

            Et, bien entendu, C'EST marqué sur la Liste. Enfin, c'est l'une des choses que je n'aurais jamais songé qu'il puisse me faire. Quand il me l'avait suggéré, j'avais ri bêtement et je lui avais répondu : « bien sûr, si je peux te faire pareil. » Bêtement, je pensais à lui de façon différente de ce qu'il était en réalité. Il avait vraiment eu l'intention de me FAIRE ça ; mais moi, au lieu de penser à un truc que j'aurais vraiment désiré (un truc suffisamment énorme pour compenser la perte de mes cheveux), j'avais simplement songé à une juste revanche pour une telle horreur. J'avais pensé : il ne me le ferait pas, rien que parce qu'il n'aurait pas voulu que je le lui fasse. Le point crucial que j'avais loupé était que je n'avais nulle envie de le lui faire. Mais lui, il voulait me le faire. Pourquoi ? Qui sait ?

            J'en vins à conclure qu'il était tout simplement en accord avec ses pensées. Il avait toujours été comme ça. Et j'aime à l'avoir sous mon contrôle. Ça me rassure. Mais mon Dieu ! Mes cheveux ! Même ce matin, une semaine après, je ne sais toujours pas combien de fois j'ai pensé : « Vain Dieu ! dans quoi je me suis fourrée ?! »

            J'ai ressassé des jours et des jours la raison pour laquelle il m'avait fait une telle chose, et je suis sans réponse. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agit plus de psychologie que de philosophie dans ce qui se cache derrière tout ça. J'espère simplement qu'il ne s'agit pas de pathologie. Je pense parfois que son for intérieur doit ressembler à une peinture de Jérôme Bosch (sur ce sujet, le mien aussi). Mais la raison pour laquelle il me le fit n'était pas celle qui me vrillait l'esprit à ce moment. Il s'agissait de mes cheveux.

            En fait, à cet instant précis, je ne pensais à rien, je me sentais juste salement pitoyable. Nonchalamment, je m'examinai dans la grande glace. Il se plaça face à moi, tenant une serviette humide. Tendrement, il m'essuya une tache de mascara du dessous d'un œil... et il m'embrassa, même.

            « Tu es très belle, » dit-il, « et il y a un demi-siècle, tu aurais été considérée comme une grande beauté telle que tu es ; ne méprise pas ton apparence juste parce qu'elle est différente. Si tu peux te rendre compte de ta beauté, alors considère que c'est une nouvelle forme de nudité : une nouvelle source de gêne et d'embarras, que j'apprécie tellement en tant que don. » J'avais tellement envie de croire en lui, de croire qu'il n'était pas fou. Mais je n'en étais pas sûre. Comment pouvait-il me désirer, comme ça ? La seule chose qui m'avait vraiment touchée au cœur était l'idée qu'il voulait me faire entièrement sienne. Il fit un pas de côté pour que je puisse me mirer dans la glace.

            C'était dur de me voir sans éclater en sanglots à nouveau. J'ai regardé mes pieds enserrés dans les bottes, toujours enchaînés. Mes poignets attachés reposaient sur mes cuisses, mes mains tremblaient. Il me referma le body par l'arrière en passant entre mes jambes, et remonta la fermeture jusque tout en haut, sur le devant. Il y avait une tache humide entre mes jambes. Mes yeux suivirent le trajet de la fermeture-éclair jusqu'au menton. Je levai les yeux pour revoir mon visage. La vision fut terriblement choquante. Je ne pus me retenir. Des larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, et ma lèvre inférieure se mit à frissonner. Un spécimen fort pathétique. Je me tournai et je levai les yeux vers lui. J'y vis de l'admiration, de l'amour, du souci et de l'intérêt. Je regardai mon crâne par derrière. Puis je me retournai vers lui.

            « Tu ne peux pas... j'ai l'air si... » lui dis-je d'une toute petite voix. J'avais tellement envie de croire en lui, mais ce que je voyais dans le miroir était tellement effroyable. Il me prit par les épaules et me fit pivoter face à lui.

            « Réellement, » dit-il en me regardant droit dans les yeux. « Pour moi tu es magnifique, et pas seulement parce que tu es à moi, mais tout simplement parce que tu es magnifique. »

            J'étais debout là, sous le coup de la stupéfaction, mes pensées entièrement tournées au dedans. J'avais juste besoin de réconfort. J'avais besoin d'être absolument certaine qu'il n'était pas cinglé. Du moins pas pathologiquement marteau. J'avais besoin de savoir qu'il m'aimait. Je rouvris la fermeture-éclair sur le devant, jusqu'à ma taille. Je dus m'y prendre des deux mains, et sans les pouces.

            « Prouve-le-moi... ? lui dis-je, incertaine et pleine de rancœur.

            Il me dévisagea et opina de la tête.

            Il me souleva et me reposa sur le lit et il s'assit, me tenant serrée contre sa poitrine. Il prit la clé pendue à son cou et défit mes poignets, puis il les embrassa à tour de rôle. Il me remit debout et s'agenouilla pour m'enlever les chaînes des bottes. Quand il se releva - en m'embrassant toujours -, je pus le sentir réprimer un tremblement d'émotion. Il me tenait par les épaules du bout des bras, en me regardant, impassible. J'étais encore pleine de rancœur et de honte et je n'arrivais toujours pas à relever les yeux sur lui. Le soleil allait se coucher et les lumières n'étaient pas encore allumées. Les derniers rais du crépuscule frappaient les fenêtres à l'oblique, projetant des ombres fugitives de feuilles d'arbres sur le mur dans la lumière mourante. Tout était calme.

            Il me tendit la cagoule.

            Je la pris et je la mis, en me penchant pour y enfourner le restant de mes cheveux. Déjà la cagoule me couvre le front, ai-je pensé, et si je la porte il ne pourra pas me couper plus de cheveux qu'il ne l'a fait. Mais je me sentais mal, là-dedans. Une vague nauséeuse me balayait dès que je repensais à ce qu'il m'avait fait.

            Il referma le body jusqu'en haut, et relia la cagoule au col de la tenue. Il se mit à genoux pour m'enlever les bottes ; je me relevai pour qu'il m'aide à les retirer. Il se leva et trifouilla les trois fermetures-éclair de sous mon menton, où elles se rejoignaient. Je pouvais sentir du bout de mes doigts gantés que quelque chose reliait la fermeture du body à celle qui m'entourait le cou et aussi à celle qui refermait la cagoule sous le menton. (C'était pourquoi, je me rendis compte, il m'avait fait confectionner les fermetures-éclair avec des trous par endroits, de façon à ce que d'une manière ou d'une autre, elles puissent se rejoindre). J'était tout à fait enclose, à l'exception de mes narines, et je n'avais aucune possibilité de me libérer sans l'aide d'une paire de ciseaux. J'étais bien trop embarrassée avec mes gants pour appréhender ce qui maintenait les fermetures ensemble (ce n'était pas un cadenas), et je n'eus pas à inventer le fil à couper le beurre pour me rendre compte qu'au petit jeu de « trouve les ciseaux d'abord, » en braille et sans les pouces, je ne serais pas gagnante. Je n'ai même pas essayé. Je l'entendis s'asseoir sur le lit et je me frayai un chemin vers lui à tâtons.

            Il m'embrassa au travers du body et me dit « Je peux te donner ce que tu désires, mais ça ne veut pas dire que j'ai l'intention de relâcher le contrôle que j'exerce sur toi. »

            Il m'embrassa encore, s'attardant sur le masque entre nos lèvres. Je levai mon visage aveuglé pour aller à la rencontre de ses baisers. Des larmes coulaient encore sous la cagoule. Il caressa mon corps et ce ne fut pas exactement anti-sexuel, mais il ne s'agissait néanmoins pas non plus de préliminaires. Nous nous adossâmes sur les oreillers que nous avions calé contre la tête du lit, il me tenait dans ses bras. Je m'y sentais à l'abri, protégée. Pendant que nous nous pelotonnions ainsi dans la chambre assombrie, je pris conscience que son attention était complètement focalisée sur moi, et je me sentis devenir le centre d'un petit monde privé, comme si j'étais redevenue une petite mioche, partageant ses secrets sous une couverture. Ou bien un embryon dans son cocon. Mais à chaque fois que je parvenais à me détendre, je revenais sans cesse à mes cheveux. Ça n'arrêtait pas de revenir. Il fit tout pour que je me sente rassérénée et en sécurité, mais j'avais toujours en tête, dans un coin, l'idée que quelque chose allait de travers, et ça remontait à la surface, et je me sentais mal à nouveau. Je pensais : « Pourquoi mes cheveux ? » Et je me remettais à pleurer sous la cagoule.

            « Je crois que je vais te laisser comme ça pendant quelques heures. Comme un animal domestique, » susurra-t-il à mon oreille. Ses caresses au travers du Lycra se firent plus ouvertement sexuelles. Il y a quelque chose de spécialement sexy dans la façon dont il use de ses ongles pour glisser sur le tissu ; quand il caresse mon sexe ainsi, glissant de mon ventre jusqu'à entre mes jambes, je ne peux m'empêcher d'avoir le souffle court. C'est comme d'être chatouillée sans le mauvais côté qui me fait éclater de rire. Ça me met hors de souffle et mes abdominaux se contractent involontairement. Mais il s'arrêta.

            Je ne pouvais ni lire ni regarder la télé ; il était bien trop tôt pour dormir et je ne pouvais ni cuisiner, ni manger, ni même me promener aisément. Il n'y avait rien que je puisse faire dans cet accoutrement sinon tenter de le séduire pour qu'il me l'enlève. Alors merde... j'ai tenté le tout pour le tout. Je l'ai senti se durcir quand j'ai frotté mon corps contre le sien, et je devins moi-même passablement excitée. Mais je ne lui avais toujours pas pardonné. C'était la seule chose qu'il m'ait faite pour laquelle j'éprouvais une rancœur qui dure plus de quelques minutes. Jusqu'à maintenant, du moins.

            Il me poussa sur le lit et dit, « je crois que je vais me prendre une douche. » Il se leva et me laissa sur le lit, et j'entendis couler la douche. J'étais allumée et je savais qu'il l'était lui aussi. Je tâtonnai jusqu'à la salle de bains et je m'assis sur le couvercle des toilettes pendant qu'il prenait sa douche. J'avais un plan : m'arranger pour que la tenue soit mouillée, comme ça il devrait me la laisser retirer pour qu'elle sèche. J'allai jusqu'à l'entrée de la douche.

            « Salut. » dit-il.

            « Le body a besoin d'être lavé, là, » dis-je, en lui pointant mon sexe. « Et, quand j'ai pleuré, mon nez a coulé dans la cagoule. Je peux venir ? »

            « Bien sûr. »

            Il me passa le savon et je commençai à me laver, et le body fut vite entièrement trempé, puis savonné. Sans les pouces, il fallait que je tienne le savon des deux mains. Je l'ai échangé contre du shampoing. L'eau chaude détendit le tissu ; c'était comme s'il avait fondu en épousant mon corps. En quelques petites secondes, il ne fut plus serré du tout. Mouillé, il devenait parfaitement ajusté et très confortable. Je dois être une personne très sensuelle, car malgré mon humeur abyssale, je retirai une sorte de plaisir érotique au contact du body mouillé remuant doucement sur ma peau dégoulinante d'eau chaude. Quand j'en eus fini, le lui demandai si je serais toujours son « animal de compagnie » sans la tenue. Il dit que non, et me passa une serviette. Je me séchai du mieux que je pus, et il brancha le sèche-cheveux pour que je puisse finir après qu'il soit parti. Il fallut un temps infini pour que je sois sèche. Je devais tenir l'appareil à deux mains, et mes cheveux étaient encore mouillés sous la cagoule quand je l'arrêtai, mais le body était parfaitement moulé, collant de partout.

            Il m'avait laissé seule dans la salle de bains, je dus tâtonner pour retrouver le trajet de la chambre au couloir et jusqu'au salon, où je l'entendais se mouvoir. Je n'étais pas encore habituée à ma nouvelle coupe, je voulais enlever le body pour en revoir l'effet. J'étais choquée et fascinée par mon apparence, c'était comme si j'avais observé une coupe de cheveux Élisabéthaine sur quelqu'un d'autre. Encore plus choquée, car il s'agissait de moi. Je voulais voir et je ne voulais pas voir. Les anges et les fous se ruaient à nouveau en moi en se mélangeant les pinceaux.

            Je ne souffrais pas, cependant ; le body n'est pas du tout comparable au bâillon. C'est juste déconcertant de ne pas savoir ce qui se passe autour de soi. Et, pour parler franc, après un certain temps, l'inactivité forcée devient ennuyeuse. Je lui demandai si je pouvais m'habiller autrement. Il me dit que non, mais qu'il y réfléchirait.

            Je n'étais pas suffisamment désespérée pour le supplier ; et puis j'étais encore courroucée par ce qu'il m'avait fait et je n'avais pas envie de m'humilier de mon plein gré. D'un autre côté, les deux seules choses que je pouvais faire étaient d'écouter de la musique avec un casque et me pelotonner contre J, et je ne parvenais pas à retrouver les écouteurs à l'aveuglette. Je devais offrir une bien étrange vision, à me dandiner lentement dans la maison en me cramponnant aux meubles pour conserver l'équilibre en faisant gaffe à ne rien briser en tâtonnant à la recherche des écouteurs.

            En désespoir de cause, j'ai tenté d'étirer la cagoule pour voir au travers un trou de narine. Ce fut une erreur. Il m'avait vu.

            « Je vois que la cagoule n'est pas assez serrée, » dit-il. Il s'éclipsa au garage. Quand il revint, il me prit par le bras et me dirigea vers la chambre. Il me dit « tu vas obtenir ce que tu as demandé. Le body va tomber. »

Au beau milieu de mon orgasme, il saisit une poignée de cheveux et la tailla net. Je hurlai sous le bâillon. Il me coupait les cheveux !

            Je me ruai contre mes liens. Je me cabrai dans la chaise, en essayant de la faire tomber, oubliant les vibromasseurs dans ma terreur - mais je pouvais à peine me remuer. Je me tordis avec frénésie dans le torse, avec des gestes rendus incohérents et spasmodiques par l'orgasme en cours. Je ne pouvais pas même étirer d'un cran le ruban. Je pouvais tourner ma tête de quelques petits centimètres de chaque côté, mais c'était tout. Je tentai de secouer ma tête pour empêcher ses mains, mais il me coupa très aisément une autre mèche sur le devant. Puis une autre. Dans ma panique, j'avais carrément oublié le bâillon et je continuais bêtement de lui hurler de s'arrêter, même si ne m'entendais que couiner. Mon cœur tapait comme une hache. Comment pouvait-il me faire ça ? Comment ? Mon orgasme se cicatrisa vite, me laissant un arrière-goût d'hystérie. Je n'avais jamais réellement souhaité que ça arrive. Mais pas du tout.

            Il oeuvra sur tout le travers de mon front, depuis les oreilles jusque sur le devant. Je cessai de lutter le temps de reprendre mon souffle et de tenter d'accrocher son regard. S'il seulement il avait pu voir mon expression, il se serait arrêté net. Je me vis dans la glace et je me remis à lutter comme une folle - en vain - quand je me rendis soudainement compte qu'il était bien trop tard pour le stopper. On apercevait déjà mon scalp ; sur une largeur de huit à dix centimètres, mes cheveux faisaient moins d'un centimètre de long. Sur la moitié avant de mon crâne, à partir d'une ligne passant de mes oreilles au sommet de ma tête, j'avais une brosse.

            Il s'arrêta de couper et je m'arrachai les yeux pour contempler ce qu'il restait de moi dans la glace. Je me mis à pleurer. Des traînées de mascara me dégoulinèrent sur le menton. De l'air chaud sifflait à travers mes narines comme d'une machine à vapeur ; j'avais les joues gonflées, les narines dilatées ; mon nez dégouttait sur mes lèvres et par dessus le bâillon, la salive me coulait de la bouche jusqu'au cou et sur les seins plastifiés de mon torse. Ma respiration était hachée, j'avais les yeux rouges et arrondis. J'émis de petits cris plaintifs par les commissures des lèvres, aux coins du bâillon.

            Il étala de la mousse à raser sur mon crâne - mon nouveau crâne - et entreprit de le raser. Ce fut étrange ; le raclement du rasoir était le seul bruit que j'entendais, tout le reste s'étant évanoui à l'arrière-plan de ma conscience, y compris ma respiration laborieuse et rauque.

            Ahurie, je pensai bêtement : « déjà, il ne me coupe pas tous les cheveux, » - comme si ça pouvait faire la différence. À partir de maintenant, je ne pourrais plus me montrer en public. Il faudra des mois et des mois avant que ça repousse. Pendant que le rasoir parcourait mon crâne en tous sens, je repris conscience des vibromasseurs fichés en moi. Ça faisait dix minutes à peine qu'il me les avait insérés, mais ça me semblait si loin que je les avais presque oubliés. Je frissonnai involontairement. Ils n'étaient plus excitants du tout. Je désirais simplement qu'ils ne soient plus là. Je n'avais plus envie de jouir. Je voulais juste que ça s'arrête là, et remonter la vague du temps...

            Il en avait fini. Il m'essuya le crâne et le visage d'une serviette humide, puis il fit bouffer les reliquats de ma chevelure. À travers mes larmes, je vis en lui une personne totalement différente. Mon front était exagérément, insupportablement haut. Comme dans ces vieux portraits d'Elizabeth I d'Angleterre. Mon crâne était parfaitement dénudé au devant des oreilles.

            Il me retira le bâillon. Je ne dis rien. Il n'y avait rien à dire. C'était trop tard. Je me fixai dans la glace, horrifiée, secouée de tremblements, en prise à un méli-mélo d'émotions contraires. Il m'avait sectionné les scotchs, et je ne parvenais pas quitter mon image des yeux dans le miroir, et je ne pouvais rien voir d'autre que mon crâne. Il m'aida à me remettre debout et il me porta sur le lit, où il me retira le torse très doucement, où il m'ouvrit les fermetures de la tenue, où il me retira les vibromasseurs avec une douceur infinie. Qui vibraient encore à fond. J'étais stupéfaite. Je ne l'aidai pas du tout lorsqu'il me retourna pour m'ôter le second vibro. Je crois que je n'ai même pas sourcillé.

            J'étais démolie. J'avais envie de pleurer, et j'en étais incapable. Je ne pouvais penser qu'à mes cheveux. Même sans vibros, je continuai à ressentir en moi une vibration interne, nerveuse, comme si j'étais descendue d'un tracteur ou si j'avais lâché une tondeuse à gazon après des heures de travail. Mon corps entier résonnait de la soudaine absence de vibrations. Mais ça ne comptait pas. Et rien d'autre non plus.

            « Regarde-moi, » dit-il. Je ne le pouvais pas. Je scrutai bêtement le plafond ; ma tenue ouverte, les bottes pendant aux pieds du lit. Il s'assit sur le lit à côté de moi et me fit pivoter menton de sa main. Mes yeux croisèrent les siens.

            « Je t'aime, » me dit-il. Soudainement, mes émotions émergèrent en bloc.

            « Mon Dieu !!! Comment as-tu pu me faire ça !!? me lamentai-je, - en me détournant de lui pour m'enfouir au creux des oreillers. Alors que j'étais hystérique et sanglotante à plat ventre, je sentis que sa main se posait sur mon épaule. « Non ! » lui dis-je en me rejetant au loin, comme foudroyée. Je me roulai jusqu'au bord opposé du lit et je me relevai, en équilibre précaire sur mes talons-aiguilles de pouffe -avec les jambes toujours attachées.

            « Regarde ce que tu m'as fait !! » pleurai-je, refondant en larmes et clopinant jusqu'à la glace, jusqu'à lui faire face, les poings serrés aux hanches. Il avait l'air consterné par la véhémence de ma réaction, et je me rendis compte qu'il s'était attendu à tout autre chose de ma part.

            « Pour moi, tu es magnifique. Et je n'ai pas l'intention de me faire pardonner. Je l'ai fait parce que je t'aime et que j'ai l'intention de te faire mienne. »

            J'ai pensé que c'était une drôle de manière de me le prouver,.

            « Je n'arrive pas à croire que c'est vraiment arrivé ! »

            « Je veux te posséder. Maintenant c'est vrai, et plus qu'avant. Essaye de réaliser que je prends bien plus soin de toi que de n'importe qui d'autre dans cet univers. Tu es mon trésor. » D'accord, pensai-je. C'est sûr et certain. Le ton de sa voix m'indiqua qu'il commençait à se faire du mouron parce qu'il m'avait peut-être poussée trop loin. Ou trop vite.

            « Ouais, enfin, ton trésor que tu dis que je suis, tu viens juste de le défigurer, » lui rétorquai-je amèrement, en lui tournant le dos pour mieux mater le miroir à nouveau. Je valais le coup d'œil : avec mon body béant, ça me faisait une estafilade continue de blancheur dénudée coulant de ma chevelure à mon sexe épilé.

            « Non, » me dit-il posément et fermement. Je ne l'avais jamais entendu parler sur un ton si résolu. « Non... » me redit-il, posément, en me retournant face à lui et en plantant mes yeux dans les miens. « Je t'ai dépouillée d'un peu plus que de ta dignité. » C'est super, pensai-je. J'ai droit à le la philosophie à quatre sous, juste histoire de faire passer la pilule. Comme je l'ai déjà mentionné, je me sentais un peu amère.

            « T'avoir fait ça ne peut que te rendre la chose plus facile, » enchaîna-t-il.

            « Mais merde ! de quoi tu causes ?! »

            « Les sentiments de dignité et de fierté obscurcissent notre relation et notre sexualité comme un feu qui s'obscurcit par sa propre fumée. Je ne t'ai pas défigurée. Je t'ai simplement retiré une part de ta dignité. Pour moi, tu es plus belle que jamais, parce que tu es presque devenue entièrement mienne. Si tu veux assurer ta dignité en public, tu pourras toujours sortir avec une perruque. Je t'en ai acheté une, d'ailleurs, mais tu n'auras le droit de la porter qu'avec mon autorisation. Et tu n'auras droit à aucune dignité en privé.

            « Tu n'es pas défigurée. Tu es modifiée. C'est très important que tu saisisses la nuance... »

            « Je n'arrive pas à y croire, » le coupai-je. Mais il ne s'arrêta pas de déblatérer. Il en rajouta ; il n'était pas branché sur ma fréquence. On aurait dit qu'il ressassait un texte appris par cœur. Je l'écoutais à peine et je ne mordis pas à son truc, mais d'un autre côté, au même moment, je me rendis compte de ce qu'il avait prévu, de ce qu'il avait voulu qu'il advint.

            J avait toujours préféré user de subtilité pour parvenir à ses fins. Je sais que le fait de me raser n'a apparemment rien de subtil, mais il aurait de loin préféré que je sois libre en apparence - et que mes chaînes ne soient pas visibles. Le mieux eût été de n'avoir d'autre contrainte que ma seule panique d'avoir honte. Jusqu'à présent, j'ai bénéficié d'une totale liberté de mouvement dans la maison et dans la cour, mais aussi d'une impossibilité à me montrer en public, que ce soit dans mes chaînes ou avec les poids, ou par manque de vêtements, ou bien encore à cause du torse de plastique qui me contraignait à rester à la maison. Maintenant, c'est mon apparence qui m'enchaîne. En public, ma perruque m'enchaîne - par le simple fait qu'il peut à tout moment me la retirer.

            À Chicago, il avait appris les arts martiaux. Il se tapait une heure de conduite tous les mardis soir pour son judo - plutôt que d'aller au cours de karaté, qui n'était qu'à deux minutes à pied de chez nous. Il m'avait expliqué qu'il préférait la voie douce à la force. D'une certaine manière, c'était plus satisfaisant, me disait-il. Il est bien assez costaud pour me plier à sa merci, mais il préfère ne pas devoir user de sa force ou des chaînes, sinon en tant que moyen temporaire pour parvenir à l'achèvement d'une contrainte sans entraves mais néanmoins strictement confinée. Les chaînes invisibles sont - ou ne sont pas - les plus solides, mais J pense qu'elles sont les meilleures, pour ses raisons bien à lui.

            En écrivant cela, les mots ne me semblent pas pertinents et, quand j'y songe, ils me paraissent bien lourdingues. Je ne suis toujours pas sûre d'eux. Il ne faut vraiment pas les prendre au pied de la lettre. Je crois qu'il ne faisait que tenter de se justifier de ce qu'il m'avait fait, et qu'il ne l'avait fait que pour exercer sa maîtrise sur moi, et rien d'autre. Une histoire de pouvoir.

            Mais, à cet égard, il a toujours été un mystère pour moi. Il a très souvent eu l'occasion de diriger tout un tas de gens [pour une bonne part de manière professionnelle, mention supprimée] mais même là, sans éluder ses responsabilités, il a toujours refusé d'exercer l'autorité inhérente à son poste. Il est véritablement plus intéressé par sa connaissance intime que par l'apparat du succès social. Son désir de maîtrise a toujours été dirigé vers lui-même. Or donc, son désir d'exercer sa maîtrise sur moi est toujours demeuré très mystérieux. Sauf si j'envisage qu'il me considère tellement comme faisant partie de lui que je tombe dans une catégorie différente que celle des gens ordinaires. Je ne sais pas.

            Ceci dit, sa « volonté de pouvoir » (si vous relisez votre Nietzsche) est dirigée vers lui-même. Donc, appeler ça un « trip de pouvoir » n'est pas tout à fait juste en ce qui le concerne. Probablement.

            Et, bien entendu, C'EST marqué sur la Liste. Enfin, c'est l'une des choses que je n'aurais jamais songé qu'il puisse me faire. Quand il me l'avait suggéré, j'avais ri bêtement et je lui avais répondu : « bien sûr, si je peux te faire pareil. » Bêtement, je pensais à lui de façon différente de ce qu'il était en réalité. Il avait vraiment eu l'intention de me FAIRE ça ; mais moi, au lieu de penser à un truc que j'aurais vraiment désiré (un truc suffisamment énorme pour compenser la perte de mes cheveux), j'avais simplement songé à une juste revanche pour une telle horreur. J'avais pensé : il ne me le ferait pas, rien que parce qu'il n'aurait pas voulu que je le lui fasse. Le point crucial que j'avais loupé était que je n'avais nulle envie de le lui faire. Mais lui, il voulait me le faire. Pourquoi ? Qui sait ?

            J'en vins à conclure qu'il était tout simplement en accord avec ses pensées. Il avait toujours été comme ça. Et j'aime à l'avoir sous mon contrôle. Ça me rassure. Mais mon Dieu ! Mes cheveux ! Même ce matin, une semaine après, je ne sais toujours pas combien de fois j'ai pensé : « Vain Dieu ! dans quoi je me suis fourrée ?! »

            J'ai ressassé des jours et des jours la raison pour laquelle il m'avait fait une telle chose, et je suis sans réponse. Tout ce que je sais, c'est qu'il s'agit plus de psychologie que de philosophie dans ce qui se cache derrière tout ça. J'espère simplement qu'il ne s'agit pas de pathologie. Je pense parfois que son for intérieur doit ressembler à une peinture de Jérôme Bosch (sur ce sujet, le mien aussi). Mais la raison pour laquelle il me le fit n'était pas celle qui me vrillait l'esprit à ce moment. Il s'agissait de mes cheveux.

            En fait, à cet instant précis, je ne pensais à rien, je me sentais juste salement pitoyable. Nonchalamment, je m'examinai dans la grande glace. Il se plaça face à moi, tenant une serviette humide. Tendrement, il m'essuya une tache de mascara du dessous d'un œil... et il m'embrassa, même.

            « Tu es très belle, » dit-il, « et il y a un demi-siècle, tu aurais été considérée comme une grande beauté telle que tu es ; ne méprise pas ton apparence juste parce qu'elle est différente. Si tu peux te rendre compte de ta beauté, alors considère que c'est une nouvelle forme de nudité : une nouvelle source de gêne et d'embarras, que j'apprécie tellement en tant que don. » J'avais tellement envie de croire en lui, de croire qu'il n'était pas fou. Mais je n'en étais pas sûre. Comment pouvait-il me désirer, comme ça ? La seule chose qui m'avait vraiment touchée au cœur était l'idée qu'il voulait me faire entièrement sienne. Il fit un pas de côté pour que je puisse me mirer dans la glace.

            C'était dur de me voir sans éclater en sanglots à nouveau. J'ai regardé mes pieds enserrés dans les bottes, toujours enchaînés. Mes poignets attachés reposaient sur mes cuisses, mes mains tremblaient. Il me referma le body par l'arrière en passant entre mes jambes, et remonta la fermeture jusque tout en haut, sur le devant. Il y avait une tache humide entre mes jambes. Mes yeux suivirent le trajet de la fermeture-éclair jusqu'au menton. Je levai les yeux pour revoir mon visage. La vision fut terriblement choquante. Je ne pus me retenir. Des larmes coulèrent à nouveau sur mes joues, et ma lèvre inférieure se mit à frissonner. Un spécimen fort pathétique. Je me tournai et je levai les yeux vers lui. J'y vis de l'admiration, de l'amour, du souci et de l'intérêt. Je regardai mon crâne par derrière. Puis je me retournai vers lui.

            « Tu ne peux pas... j'ai l'air si... » lui dis-je d'une toute petite voix. J'avais tellement envie de croire en lui, mais ce que je voyais dans le miroir était tellement effroyable. Il me prit par les épaules et me fit pivoter face à lui.

            « Réellement, » dit-il en me regardant droit dans les yeux. « Pour moi tu es magnifique, et pas seulement parce que tu es à moi, mais tout simplement parce que tu es magnifique. »

            J'étais debout là, sous le coup de la stupéfaction, mes pensées entièrement tournées au dedans. J'avais juste besoin de réconfort. J'avais besoin d'être absolument certaine qu'il n'était pas cinglé. Du moins pas pathologiquement marteau. J'avais besoin de savoir qu'il m'aimait. Je rouvris la fermeture-éclair sur le devant, jusqu'à ma taille. Je dus m'y prendre des deux mains, et sans les pouces.

            « Prouve-le-moi... ? lui dis-je, incertaine et pleine de rancœur.

            Il me dévisagea et opina de la tête.

            Il me souleva et me reposa sur le lit et il s'assit, me tenant serrée contre sa poitrine. Il prit la clé pendue à son cou et défit mes poignets, puis il les embrassa à tour de rôle. Il me remit debout et s'agenouilla pour m'enlever les chaînes des bottes. Quand il se releva - en m'embrassant toujours -, je pus le sentir réprimer un tremblement d'émotion. Il me tenait par les épaules du bout des bras, en me regardant, impassible. J'étais encore pleine de rancœur et de honte et je n'arrivais toujours pas à relever les yeux sur lui. Le soleil allait se coucher et les lumières n'étaient pas encore allumées. Les derniers rais du crépuscule frappaient les fenêtres à l'oblique, projetant des ombres fugitives de feuilles d'arbres sur le mur dans la lumière mourante. Tout était calme.

            Il me tendit la cagoule.

            Je la pris et je la mis, en me penchant pour y enfourner le restant de mes cheveux. Déjà la cagoule me couvre le front, ai-je pensé, et si je la porte il ne pourra pas me couper plus de cheveux qu'il ne l'a fait. Mais je me sentais mal, là-dedans. Une vague nauséeuse me balayait dès que je repensais à ce qu'il m'avait fait.

            Il referma le body jusqu'en haut, et relia la cagoule au col de la tenue. Il se mit à genoux pour m'enlever les bottes ; je me relevai pour qu'il m'aide à les retirer. Il se leva et trifouilla les trois fermetures-éclair de sous mon menton, où elles se rejoignaient. Je pouvais sentir du bout de mes doigts gantés que quelque chose reliait la fermeture du body à celle qui m'entourait le cou et aussi à celle qui refermait la cagoule sous le menton. (C'était pourquoi, je me rendis compte, il m'avait fait confectionner les fermetures-éclair avec des trous par endroits, de façon à ce que d'une manière ou d'une autre, elles puissent se rejoindre). J'était tout à fait enclose, à l'exception de mes narines, et je n'avais aucune possibilité de me libérer sans l'aide d'une paire de ciseaux. J'étais bien trop embarrassée avec mes gants pour appréhender ce qui maintenait les fermetures ensemble (ce n'était pas un cadenas), et je n'eus pas à inventer le fil à couper le beurre pour me rendre compte qu'au petit jeu de « trouve les ciseaux d'abord, » en braille et sans les pouces, je ne serais pas gagnante. Je n'ai même pas essayé. Je l'entendis s'asseoir sur le lit et je me frayai un chemin vers lui à tâtons.

            Il m'embrassa au travers du body et me dit « Je peux te donner ce que tu désires, mais ça ne veut pas dire que j'ai l'intention de relâcher le contrôle que j'exerce sur toi. »

            Il m'embrassa encore, s'attardant sur le masque entre nos lèvres. Je levai mon visage aveuglé pour aller à la rencontre de ses baisers. Des larmes coulaient encore sous la cagoule. Il caressa mon corps et ce ne fut pas exactement anti-sexuel, mais il ne s'agissait néanmoins pas non plus de préliminaires. Nous nous adossâmes sur les oreillers que nous avions calé contre la tête du lit, il me tenait dans ses bras. Je m'y sentais à l'abri, protégée. Pendant que nous nous pelotonnions ainsi dans la chambre assombrie, je pris conscience que son attention était complètement focalisée sur moi, et je me sentis devenir le centre d'un petit monde privé, comme si j'étais redevenue une petite mioche, partageant ses secrets sous une couverture. Ou bien un embryon dans son cocon. Mais à chaque fois que je parvenais à me détendre, je revenais sans cesse à mes cheveux. Ça n'arrêtait pas de revenir. Il fit tout pour que je me sente rassérénée et en sécurité, mais j'avais toujours en tête, dans un coin, l'idée que quelque chose allait de travers, et ça remontait à la surface, et je me sentais mal à nouveau. Je pensais : « Pourquoi mes cheveux ? » Et je me remettais à pleurer sous la cagoule.

            « Je crois que je vais te laisser comme ça pendant quelques heures. Comme un animal domestique, » susurra-t-il à mon oreille. Ses caresses au travers du Lycra se firent plus ouvertement sexuelles. Il y a quelque chose de spécialement sexy dans la façon dont il use de ses ongles pour glisser sur le tissu ; quand il caresse mon sexe ainsi, glissant de mon ventre jusqu'à entre mes jambes, je ne peux m'empêcher d'avoir le souffle court. C'est comme d'être chatouillée sans le mauvais côté qui me fait éclater de rire. Ça me met hors de souffle et mes abdominaux se contractent involontairement. Mais il s'arrêta.

            Je ne pouvais ni lire ni regarder la télé ; il était bien trop tôt pour dormir et je ne pouvais ni cuisiner, ni manger, ni même me promener aisément. Il n'y avait rien que je puisse faire dans cet accoutrement sinon tenter de le séduire pour qu'il me l'enlève. Alors merde... j'ai tenté le tout pour le tout. Je l'ai senti se durcir quand j'ai frotté mon corps contre le sien, et je devins moi-même passablement excitée. Mais je ne lui avais toujours pas pardonné. C'était la seule chose qu'il m'ait faite pour laquelle j'éprouvais une rancœur qui dure plus de quelques minutes. Jusqu'à maintenant, du moins.

            Il me poussa sur le lit et dit, « je crois que je vais me prendre une douche. » Il se leva et me laissa sur le lit, et j'entendis couler la douche. J'étais allumée et je savais qu'il l'était lui aussi. Je tâtonnai jusqu'à la salle de bains et je m'assis sur le couvercle des toilettes pendant qu'il prenait sa douche. J'avais un plan : m'arranger pour que la tenue soit mouillée, comme ça il devrait me la laisser retirer pour qu'elle sèche. J'allai jusqu'à l'entrée de la douche.

            « Salut. » dit-il.

            « Le body a besoin d'être lavé, là, » dis-je, en lui pointant mon sexe. « Et, quand j'ai pleuré, mon nez a coulé dans la cagoule. Je peux venir ? »

            « Bien sûr. »

            Il me passa le savon et je commençai à me laver, et le body fut vite entièrement trempé, puis savonné. Sans les pouces, il fallait que je tienne le savon des deux mains. Je l'ai échangé contre du shampoing. L'eau chaude détendit le tissu ; c'était comme s'il avait fondu en épousant mon corps. En quelques petites secondes, il ne fut plus serré du tout. Mouillé, il devenait parfaitement ajusté et très confortable. Je dois être une personne très sensuelle, car malgré mon humeur abyssale, je retirai une sorte de plaisir érotique au contact du body mouillé remuant doucement sur ma peau dégoulinante d'eau chaude. Quand j'en eus fini, le lui demandai si je serais toujours son « animal de compagnie » sans la tenue. Il dit que non, et me passa une serviette. Je me séchai du mieux que je pus, et il brancha le sèche-cheveux pour que je puisse finir après qu'il soit parti. Il fallut un temps infini pour que je sois sèche. Je devais tenir l'appareil à deux mains, et mes cheveux étaient encore mouillés sous la cagoule quand je l'arrêtai, mais le body était parfaitement moulé, collant de partout.

            Il m'avait laissé seule dans la salle de bains, je dus tâtonner pour retrouver le trajet de la chambre au couloir et jusqu'au salon, où je l'entendais se mouvoir. Je n'étais pas encore habituée à ma nouvelle coupe, je voulais enlever le body pour en revoir l'effet. J'étais choquée et fascinée par mon apparence, c'était comme si j'avais observé une coupe de cheveux Élisabéthaine sur quelqu'un d'autre. Encore plus choquée, car il s'agissait de moi. Je voulais voir et je ne voulais pas voir. Les anges et les fous se ruaient à nouveau en moi en se mélangeant les pinceaux.

            Je ne souffrais pas, cependant ; le body n'est pas du tout comparable au bâillon. C'est juste déconcertant de ne pas savoir ce qui se passe autour de soi. Et, pour parler franc, après un certain temps, l'inactivité forcée devient ennuyeuse. Je lui demandai si je pouvais m'habiller autrement. Il me dit que non, mais qu'il y réfléchirait.

            Je n'étais pas suffisamment désespérée pour le supplier ; et puis j'étais encore courroucée par ce qu'il m'avait fait et je n'avais pas envie de m'humilier de mon plein gré. D'un autre côté, les deux seules choses que je pouvais faire étaient d'écouter de la musique avec un casque et me pelotonner contre J, et je ne parvenais pas à retrouver les écouteurs à l'aveuglette. Je devais offrir une bien étrange vision, à me dandiner lentement dans la maison en me cramponnant aux meubles pour conserver l'équilibre en faisant gaffe à ne rien briser en tâtonnant à la recherche des écouteurs.

            En désespoir de cause, j'ai tenté d'étirer la cagoule pour voir au travers un trou de narine. Ce fut une erreur. Il m'avait vu.

            « Je vois que la cagoule n'est pas assez serrée, » dit-il. Il s'éclipsa au garage. Quand il revint, il me prit par le bras et me dirigea vers la chambre. Il me dit « tu vas obtenir ce que tu as demandé. Le body va tomber. »


Par gigipanpan
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