Mercredi 25 février 3 25 /02 /Fév 09:44

Vendredi après-midi. Bon, je savais qu'il allait faire quelque chose ; là, je suis blonde platinée. Comme hors-d'œuvre, ça vous convient ? Je n'arrive pas à imaginer que j'aie pu laisser faire ça. C'est ma faute, vraiment. Je me le suis fait à moi-même.

            J'ai objecté, un chouia. Enfin, je l'ai supplié de ne pas m'obliger à le faire. J'aurais pu refuser et lui dire que non, mais j'aurais tout gâché. Je savais tout au fond de moi qu'il serait vain d'essayer de changer ce qu'il avait en tête. D'une certaine façon, il parvint à me persuader d'en passer par là. Et puis, il s'agit d'un changement bien intéressant. J'ai vraiment l'air différente.

            Changer la couleur de mes cheveux fait partie de la Liste, après tout, et J a raison quand il dit que je pourrais toujours me les reteindre en noir. Je pense que j'étais surtout soucieuse pour le cas où j'aurais eu à trouver un nouveau boulot - ce que j'aurais à faire dans pas longtemps, d'ailleurs. Des cheveux blonds platinés, ça n'est pas le truc dans lequel l'image de l'infirmière type puisse se projeter. Vous laisseriez Madonna vous faire une piqûre ? Pas besoin de me répondre. Vous le feriez probablement.

            Je pense que les patients confieraient plus aisément leurs vies à Florence Nightingale. Non pas que je ressemble de près ou de loin à Madonna, mais si ce n'était pas pour me trouver un boulot, je dois avouer que ça me va plutôt bien. Mes cheveux sont bien assez frisés pour que je ne les affaiblisse pas en les décolorant. Là, ils sont carrément crépus.

            J'ai pensé tout d'abord que la teinture était ma punition pour l'achat des lames de scie, mais quand j'y repense ce n'est pas possible, parce que J avait pris ce rendez-vous chez le coiffeur depuis bien longtemps, ce qui signifie sans doute qu'il l'avait prévu depuis le tout début. Il m'avait dit que j'aurais peut-être à convaincre le coiffeur de me teindre en blonde, vu que c'est un gros changement ; il a donc fallu que je coopère pour m'infliger ça. J'étais d'accord que ça faisait partie de la Liste, - et il avait toujours été très persuasif - et j'avais accepté de coopérer en conséquence (en secret, j'avais toujours voulu essayer d'être blonde, quoique pas spécialement platinée).

            Il s'avéra que c'était une espèce de salon de coiffure d'avant-garde où tous les coiffeurs étaient des punks. Le mec n'eut pas un clignement de paupière quand je lui dis ce que je voulais. Il m'aurait fait une crête d'Iroquois mauve si je le lui avais demandé. Ils avaient prévu de prendre toute la matinée pour ça quand J avait appelé, et il fallut tout ce temps pour que ce soit fait. J m'avait fait enlever mes lentilles pour y aller, et il m'avait demandé de ne pas me regarder dans le miroir pendant que le coiffeur serait à l'œuvre, mais je ne pus m'en empêcher. J'ai bien dû regarder quand il m'a demandé si ça me plaisait. J'eus donc droit à un vague coup d'œil, mais c'est tout.

            Quand nous fûmes de retour à la maison, la première chose qu'il fit fut de me retirer quelques uns de mes petits cadenas et des chaînes. Elles ne sont pas spécialement lourdes - pas comme celles en acier qu'on entend cliqueter dans les films, - dans les donjons - mais leurs maillons sont soudés et elles sont très solides. J'ai tenté de les rompre. Et puis je suis toute festonnée de chaînes. D'abord il me passa de vraies menottes aux poignets, et il y relia une chaînette d'une trentaine de centimètres munie d'un anneau en son centre. Puis, les « menottes » à mes chevilles, (en fait je crois qu'on appelle ça des fers) y furent reliées par une autre chaîne à peine plus longue. Une longueur en reliait l'anneau sis entre mes poignets à la chaîne des chevilles, mais en passant au travers de anneau ventral de mon string d'acier perpétuel. Je peux avancer à petits pas, et quand ma chaîne coulisse à travers l'anneau de ma taille, je parviens à élever mes mains jusqu'à mon visage - si je ne suis pas en train de marcher. En m'accroupissant, j'arriverai à me laver les cheveux. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir rester comme ça. Toutes ces menottes m'irritent la peau quand je me déplace un peu trop, c'est ennuyeux parfois quand je suis seule toute la journée.

            Mais, parfois aussi, mes tétons se dressent quand je chancelle et titube dans la maison et que je pense à son retour du boulot... et que je me demande ce qu'il m'a prévu pour ce soir.

            Il avait pris des congés pour m'amener à mon rendez-vous chez le coiffeur et aussi pour mon enchaînement consécutif. Après m'avoir enchaînée, il me laissa telle quelle et il repartit travailler. Ça ne va pas vite, de taper tout ça à la machine avec les chaînes qui pendent à mes poignets. Je fais plein de fautes, et elles font un bruit de ferraille en tapant sur l'imprimante, sous la table. Avant de partir, il m'a dit que ni la teinture, ni les chaînes n'étaient une punition pour l'épisode des lames de scie. C'était juste à titre préventif. La punition viendrait en son temps. Je ne peux même plus pratiquer ma danse orientale dans cet accoutrement. Mais au moins je peux coudre et lire.

            Je ne me vois pas aller au club de gym les temps prochains, même sans les chaînes. J'y ai fait la connaissance de quelques personnes en échangeant des banalités, mais tout de même pas assez banales pour que je puisse me pointer en blonde platinée dans faire se hausser quelques paires de sourcils. Je sais, Madonna aussi a les cheveux blonds platinés, alors où est le problème, hein ? qu'est-ce qui fait que ce look soit si spécial ? Elle enfile ses bigoudis l'un après l'autre, comme nous toutes, pas vrai ? Je sais pas. Je crois que tout bêtement je ne suis pas Madonna. Peut-être bien que j'aurais tout de même pu sortir, mais je n'en ai pas saisi l'occasion, à vrai dire. Pour sûr, maintenant je ne pourrais plus sortir.



Il s'est passé bien du temps depuis mes dernières lignes. J'espère que je pourrais me rappeler de tout. Je ne suis même pas sûre de savoir quel jour on est. Je suis bien loin de continuer à tout mettre à jour, mais j'ai été très occupée pendant la semaine de congés de J. Vraiment très occupée. Je n'arrive toujours pas à croire à ce qu'il m'a fait. Tout viendra en son temps.

            Quand J est revenu du travail, vendredi dernier, il avait envie de parler. Pour quiconque ça aurait pu ressembler à une soirée parfaitement banale d'un couple moyen chez lui, si j'avais été vêtue d'autre chose que de chaînes et que je n'aie dû effectuer de tout petits pas pour le suivre à son rythme. Et que, bien sûr, je n'aie été une blonde platinée dépourvue de poils pubiens. Il me demanda d'aller nous préparer un apéro et d'aller le rejoindre sur la pelouse. Il s'était assis sur une murette à côté du jardin ; je vins vers lui et nous nous mîmes à bavarder. Je croisai les jambes en sirotant mon verre comme si j'avais été à une réception. L'atmosphère était encore tiède, bien que nous fussions alors au crépuscule d'un mois de mars ; ça sentait le printemps et une douce brise nous soufflait dessus. Je pourrais facilement tomber amoureuse du Sud. Pour une raison X, je me sentais parfaitement en sécurité intérieurement bien qu'étant nue à l'extérieur ; je suppose que c'est à cause de la sensation d'isolement, au beau milieu des bois. Et puis ça m'aide aussi que J soit là. Nonobstant, se sentir en sécurité n'est pas la même chose que de se sentir détendue : je n'étais pas tout à fait à l'aise à converser ainsi et dans de telles circonstances. Et puis, les briques étaient froides et rêches. Et une fourmi m'avait piquée.

            La conversation débuta par des remarques anodines du genre « tu as passé une bonne journée ? » et « le vent de printemps est exquis, surtout après l'hiver, » et « tu as terminé ta tenue de harem ? » Mon Dieu, pensai-je, on cause de la pluie et du beau temps et il faut que je lève les deux mains pour pouvoir siroter ma vodka-orange, vu qu'elles sont enchaînées.

            « Tu es belle, tu sais, » lança-t-il à l'improviste. Il n'est pas très loquace, et nous avons érigé en dogme qu'il en dise encore moins à propos de mon apparence. « Très belle. Tu t'es vue dans un miroir, ces derniers temps ? »

            Bien sûr que je l'avais fait, en continu, même. Je m'étais remaquillée deux fois ce jour-là. J'ai l'air de quelqu'un d'autre et je commence à m'y faire. J'aime mes sourcils affinés, ceci dit. Je les ai transformés en deux arcs haut perchés, comme ceux des danseuses des années 20. Elles avaient l'air un brin artificiel, je sais, mais pourtant je les aime bien. Et mes tétons. Je suis devenue très fière d'eux. J'ai envie de les exhiber, du moins en privé, pour J. C'est un oxymoron, je sais, du genre 'une célébrité locale', mais m'exhiber en privé est la seule chose que je puisse assumer commodément. J'ai presque acquis la conviction que J aime réellement mon corps. En entier, et même mes tétons. Bien sûr, mes cheveux c'est toute une histoire : une boule cotonneuse et blonde platinée presque à l'afro. La couleur a l'air excessivement artificielle, par ailleurs ; mais je ne sais pas pourquoi, l'artificialité m'a toujours excitée, comme si j'avais eu un badge qui aurait proclamé à J, « regarde que ce que je suis prête à faire pour toi. » Et aux autres, « regardez ce que je suis prête à faire pour lui. Je suis sienne. Niark, niark, niark. » Bien que seuls quelques inconnus aient pu me voir ainsi. J'en reparlerai plus tard.

            Mon apparence entière est un rappel symbolique et constant du fait qu'il m'a fait quelque chose, qu'il a apposé son sceau de propriétaire sur moi, et que je désire être possédée de cette manière. Je nommerai cela une espèce de « fierté de posséder » inversée (à l'envers ? involutée ?), mais ce n'est pas une fierté que je puisse montrer aisément en public. Je serais embarrassée ; mais cet embarras public potentiel est un don, une mesure symbolique de ce que je ferais pour lui. Je suppose que c'est ce qu'il voulait dire quand il me parlait de ma gêne et de mon embarras comme d'un don.

            Je pense trop à tout ça. Je peux à peine me montrer en public, et pas du tout avec les chaînes. Pourquoi devrais-je en être gênée ? vous dites-vous. Je crois que c'est parce que je sais pourquoi j'ai l'air de ce que je suis, même si les gens de l'extérieur ne pourraient pas le savoir.

            Ou bien c'est parce que je suis de l'Indiana, où tout au fond d'eux-mêmes les natifs n'approuvent pas même les blondes naturelles. Et que j'ai presque l'air d'une albinos.

            Qu'est-ce que ça peut me faire si quelqu'un d'autre venait à savoir ? L'idée que des inconnus réagissent à la révélation que je suis l'esclave consentante de J est passablement excitante ; je veux bien aller jusque là. Mais si l'une de mes connaissances venait à savoir, ce serait effroyable. Si un inconnu savait, je serais très gênée, par ailleurs, mais je pourrais assumer ce type de gêne. Peut-être.

            Enfin bon, il se mit dans de grandes douleurs pour me dire combien il me trouvait belle, particulièrement avec mes chaînes. Des fois, je me tortille dedans à fond. Et j'aime être contrainte si c'est par lui ; je ne l'écris pas spécialement parce qu'il va me relire. Il y avait une chaleur et une admiration authentiques dans ses yeux quand il me parlait ; je le croyais, et, bon, tout ce qu'il me demandait parfois, c'était de m'agiter un peu dans mes chaînes, c'est tout. Les choses qu'il m'a dites ! Il m'a dit qu'il voulait que je lui appartienne encore plus que je ne le faisais déjà. Mais il m'a dit aussi que je n'avais pas encore payé pour les lames de scie, et il se fit soudainement distant, une distance qui me le rendait difficile à décrypter. Un peu comme un parent que j'aurais déçu mais qui m'aimerait quand même. Pourtant, il y avait quelque chose qu'il ne voulait pas me dire. Je pense aussi qu'il était content que j'aie enfreint la règle. Je ne savais pas à quoi m'attendre en guise de punition.

            Dieu ! si j'avais seulement pu savoir, mais à ce moment je ne ressentis rien d'autre qu'une chaleur rougeoyante doublée d'une impatience nerveuse aux implications que supposaient ce qu'il venait de dire. OK, je suis donc une traîtresse du Middle West... Mais si seulement j'avais su. Doux Jésus. Je ne crois pas encore à ce qu'il m'a fait.

            Quand il m'a demandé si j'avais fini ma couture, je lui ai expliqué que j'avais besoin que quelques trucs en plus à la mercerie, pour la tenue de danse orientale et de quelques heures de travail, mais que je savais qu'il l'aimerait. L'autre tenue - le body modifié - était prête et je serais heureuse de faire le mannequin pour lui. Je faisais très attention à ne pas lui remettre les lames de scie en tête, mais il restait toujours bien distant. La chaleur quitta ses yeux d'un coup quand il adopta son 'ton de maître' solennel pour me dire « Mets-toi debout. Cette conversation est terminée. Recule, je veux te regarder. »

            Et il me regarda. J'étais debout en face de lui, mes poignets enchaînés posés sur le devant des cuisses. Je me suis habituée à ces changements de ton fréquents dans nos conversations, j'ai appris à changer d'attitude en conséquence et à y réagir instantanément. Ses yeux parcoururent mon corps, en s'attardant sur mes mamelons transpercés. Je portais les pendants de grenat. Mes tétons se durcirent sous son regard ; je me sens si vite gênée, encore maintenant. Mais la gêne m'était devenue un truc sexuel ; d'une certaine façon j'y prenais plaisir. Plaisir n'est peut-être pas le mot juste, mais si vous n'avez toujours pas compris, vous feriez mieux de vous arrêter de lire tout de suite. Je ne peux pas expliquer mieux que je ne l'ai fait.

            -*-

            Samedi matin, nous sommes allés à la mercerie. Je n'avais pas quitté la maison depuis (à peu près une semaine, je crois). Et il n'y avait pas eu un seul moment où je n'aie été irrémédiablement mise en chaînes, coincée par ces sales petits cadenas, etc. Pas une minute depuis. Sauf une fois, brièvement.

            Depuis qu'il m'avait redonné les clés de la voiture (je vous l'avais dit ou pas ? il me les avait reprises. C'est si dur de vous abreuver sans cesse de trucs pertinents), je mettais ma tenue de gym presque tout le temps, et c'est elle que je portais ce samedi-là à la mercerie, sauf qu'il m'avait remis cette... chose... en moi, maintenue en place par la chaîne, sous le short.

            Il me conduisit au magasin, et nous y pénétrâmes. J'étais tellement gênée par mon allure que j'avais mis des lunettes noires. C'est stupide, mais je me sentais protégée par elles. Je devais marcher lentement, comme une handicapée, et j'eus énormément de mal à me concentrer pour acheter de l'élastique et tous les trucs dont j'avais besoin. J'ai fait comme si je flânais entre les rayons, m'attardant sur tout, pour que nul ne puisse se rendre compte que je me traînais vraiment. Bêtement, j'avais demandé à la vendeuse de m'aider à trouver ce dont j'avais besoin, et elle était partie d'un trait à l'autre bout du magasin pour dénicher tout ça. Quand elle fut revenue, elle a bien dû se demander pourquoi je me traînais comme une grand-mère.

            « Où étiez-vous passée ? » me dit-elle, « j'ai cru que vous étiez juste derrière moi. »

            « Ouh, » répliquai-je avec esprit. Nous autres de l'Indiana, sommes réputés pour notre esprit mordant

            Ça suffisait déjà bien d'avoir les cheveux blonds platinés. J'avais l'impression que tout le monde me regardait. Bien sûr que non, mais j'ignore toujours s'il faisaient simplement semblant d'être polis. Particulièrement la vendeuse. Je crois qu'elle me soupçonnait d'avoir oublié de prendre mes médicaments ou quelque chose dans le genre. Finalement, j'eus ce que je voulais et nous partîmes.

            Je pensais qu'on allait revenir à la maison, mais il me fit m'asseoir dans un restau-bar à yuppies servant des plats bios pour y déjeuner. M'asseoir, c'est le maître-mot. Le repas achevé, il me dit que ma chaîne allait sauter bientôt, et pour de bon. Mes sentiments étaient mêlés. À ce moment précis, j'aurais été heureuse de pouvoir la retirer, ne serait-ce que quelques minutes, mais en permanence ? Est-ce que cela signifiait que J mettait fin à notre relation ? Pour des lames de scie ? Je le lui demandai. Il ne répondit pas, mais il sourit d'une manière qui voulait dire « bien sûr que non, idiote. »

            Quand nous fûmes revenus à la maison, il me menotta les mains par devant, et me fit m'allonger sur le lit le temps qu'il sectionne la chaîne de ceinture. Lentement, il retira la chose qui était en moi. Il me dit d'aller faire couler une douche.

            Dans la douche, il me lava en entier, les cheveux, et de tous les côtés possibles. Ses doigts me sondaient partout, s'égarant au cœur de chaque repli. Je fus très allumée en quelques petites minutes, et je me frottai à lui, en lui émettant des signaux en langage corporel à la moindre occasion. Il me rinça et revint à l'attaque avec du gel. Je crois que je ne pourrais plus jamais sentir ce gel-conditionneur (même sans parfum, il a une odeur) sans être immédiatement allumée. Si vous pardonnez le jeu de mots, je crois que j'étais en train d'être conditionnée. Désolée. Le nom de Pavlov vous évoque quelque chose ? Désolée, désolée.

            Il m'excita délibérément et autant que possible, sauf à me faire jouir. Il inséra ses doigts dans mes deux ouvertures à la fois, en me stimulant jusqu'à ce que mes jambes s'abandonnent et que je ne tombe à genoux. Il me soutint et se glissa au sol avec moi. Si je dis que je haletais, ça va sonner comme du porno à dix balles, mais j'avais le souffle court - assez théâtralement, en plus. Et il continuait, et je m'effondrai en arrière, assise sur les talons, le bassin agité contre ses mains baladeuses. Je le voulais en moi, très fort.

            « Veux-tu que je te supplie. » lui dis-je, « je le ferais si tu me le demande... » Pas de réponse. « Arrête, s'il te plaît. Je ne peux pas en encaisser plus ! » Pas de réponse. Et il continuait. Bientôt, j'émis des cris d'animal tout en me poussant contre ses mains, les serrant dans mes deux orifices à la fois. Je me mis à frémir en mon premier orgasme, et soudain il arrêta tout. Mes mains se portèrent sur le devant pour achever l'ouvrage, mais il saisit la chaîne entre les menottes pour les mettre à l'écart. Je me tordis en frottant mes deux jambes entre elles, mais en vain. Il se mit debout en tirant sur la chaîne de mes poignets, et il me dressa sur les pieds. Il me guida dans la chambre en laissant couler la douche, et boucla mes menottes à une chaîne reliée à un des anneaux du plafond. Mes mains pendaient lâchement juste au dessus de ma tête.

            Il alla fermer la douche et se mit à me passer le corps au sèche-cheveux, marquant des pauses pour m'embrasser, me caresser ou me triturer de ses doigts. Avec ce traitement, mes cheveux se crêpèrent et se muèrent en désastre intégral, alors que je continuais à gigoter en essayant de me masturber à l'aide de mes cuisses. Ça ne marche pas, quelle que soit votre motivation. Et j'étais motivée.

                                                                                 Il fouilla dans la malle pour en sortir les bottes que j'avais essayé à San Francisco. Elles montaient jusqu'aux genoux, étroites et en cuir noir avec une fermeture sur le côté et des talons-aiguilles de dix centimètres. Je me souviens qu'elles étaient horriblement chères, mais nous n'étions plus de pauvres étudiants, alors pourquoi nous en priver ? Il me les mit en ménageant quelques intermèdes à me caresser, histoire de me maintenir au bord du précipice. Après qu'il les eût fermées, il leur passa une chaînette chromée sous chaque talon, les croisant sur le dessus et les tirant par derrière la cheville, où il les serra pour les cadenasser ensuite. Sans clé on ne pouvait les retirer.

            Il libéra mes poignets de la chaîne du haut tout en me laissant les menottes, puis il me plaça les mains derrière la tête. Il enroula plusieurs longueurs de scotch d'électricien noir autour de mes bras pliés, en reliant mes poignets à mes bras pour que je ne puisse plus du tout les déplier. Alors il me retira les menottes ; je ne parvenais plus qu'à toucher le bas de mon visage et mes seins. Il me repoussa sur le lit et, l'une après l'autre, il fit la même chose à mes chevilles, les reliant contre le haut de mes cuisses de façon à ce que mes talons fussent collés à mes fesses. Je ne pouvais plus allonger ni mes bras, ni mes jambes. Je suppose que j'aurais pu ramper -péniblement - sur les coudes et les genoux, mais j'aurais eu quelques difficultés à simplement me lever du lit sans tomber.

            Il continuait à me stimuler. J'étais en pleine frénésie, toute haletante, et je mendiai ma délivrance. Il me retourna et me souleva, en me faisant m'accroupir sur les genoux, jambes écartées, tout en continuant à m'exciter. J'aurais eu tout le mal du monde à jouir avec les jambes ainsi liées, même s'il avait tenté de m'amener au grand orgasme - ce qu'il n'était pas en train de faire. Il m'attisait juste. Il partit au garage en me laissant agenouillée sur le lit, pantelante et en manque, inapte à me satisfaire seule. J'ai même essayé de me masturber avec le coude. Ça m'a presque fait redescendre.

            Quand il revint, il portait ce qui ressemblait à un modèle grandeur-nature de mon torse. Il était (il est) fait de résine époxy et de fibre de verre, poli et de couleur noire. Il avait fait de la carrosserie sur ses voitures (il avait même construit son kayak), et avait utilisé les mêmes techniques pour mouler le plâtre qu'il avait fait avec mon corps. Je dois dire que c'est plutôt bien fait. Presque une œuvre d'art. Ça a la forme d'un body sans manches et à col roulé, sauf que c'est lisse et poli (dedans et dehors) avec des anneaux en acier placés en divers endroits et des serrures verrouillables sur tous les bords, à l'entrejambe, partout, pour en assembler les deux moitiés, l'arrière avec l'avant.

            Je vibrais encore quasiment de la stimulation précédente et je me demandais si ce machin était conçu d'une manière ou d'une autre pour m'amener à la délivrance, puisque je ne le pouvais pas.

            Il appuya le justaucorps (?) - je ne sais pas comment l'appeler - contre la glace et le mit devant moi, au pied du lit. Ce n'est pas une copie conforme : ses abdominaux ressemblent plus à une planche à laver que les miens. Les tétons ne sont pas plantés à l'envers d'une manière aussi spectaculaire : ils sont sculptés en érection et tumescents. C'est un torse idéalisé, comme les armures romaines dans les films, mais au féminin. L'intérieur épouse très exactement mes formes.

            Il sépara les deux moitiés et m'ajusta la première sur le devant, en la remuant doucement pour que mes seins glissent au fond des deux cavités du devant. Pour cela, je dus me tenir bien droite, écarter les jambes et relever le menton au dessus du col très haut. C'était particulièrement serré à la taille et à l'entrejambe. Bien que mes cuisses soient naturellement écartées, la partie qui passe entre mes jambes est trop large pour s'ajuster confortablement ; et quand il me posa la partie dorsale, mes fesses se sentirent à l'étroit. Je dus me tortiller et rentrer le ventre pour éviter d'être pincée à plusieurs endroits, et il dût même user du gel conditionneur comme d'un lubrifiant pour parvenir à le refermer sur moi. Il était presque impossible d'entrer là-dedans ; il eut bien du mal à ne pas me pincer en bouclant les verrous. Quand le haut de mon corps fut enfermé dans cette coque de plastique noir, il enclencha chaque cadenas dans son loquet.

            Il coupa le ruban noir et me libéra les bras et les jambes. Ça me fit mal d'étirer mes jambes après les avoir eues entravées si longtemps dans cette position. Ceci dit, le scotch d'électricien est tout à fait indolore quand on le retire. Il jeta mes menottes sur le lit avec deux cadenas et me demanda de les mettre. Il quitta la chambre sans vérifier si je lui obéissais.

            Doux Jésus. Il me fallut une bonne minute pour réfléchir à comment me rasseoir. Vous aurez une idée de la difficulté d'accomplir de simples gestes comme sortir d'un lit et marcher le jour où vous ne pourrez pas plier votre dos et à peine remuer la tête. Le col de cette chose (il a voulu que je la porte en tapant cette partie du récit, ainsi suis-je donc) est si haut que je ne peux ni regarder vers le haut, ni vers le bas, je peux juste me tourner un peu sur les côtés. Je dois regarder par dessus mon nez juste pour voir l'écran.

            J'ai titubé jusqu'à la glace, perchée sur mes talons-aiguilles. J'ai de petits pieds, et dix centimètres suffisent à me faire marcher sur le bout des orteils. Assez singulièrement, j'ai pensé que j'étais belle. D'un mauvais goût parfaitement Barbarellesque ou tout comme. Le plastique noir et luisant est finement poli et conformé de manière à flatter chacune de mes courbes. Mon visage se mit à rougir par l'effet de l'excitation d'un quasi-orgasme. J'étais toujours extrêmement allumée, et de me voir dans la glace me le fit devenir encore plus. Le col surélevé, presque orthopédique, levait mon menton haut en l'air dans une sorte de posture majestueuse et fort peu naturelle. Ma chevelure formait un nuage blanc et frisé autour de ma tête et jusqu'à l'arrière du col noir. La chose me maintenait fermement à la jonction des cuisses, en m'appuyant juste au dessus d'elles et en me comprimant la taille, un peu comme un corset l'aurait fait. Ça me pinçait encore, jusqu'à ce que je me retortille à l'intérieur et que je m'y ajuste enfin. Mais ça n'est jamais devenu confortable.

            Comme je l'ai déjà dit, mes jambes sont naturellement écartées ; il existe un espace entre elles quand je me tiens debout, sauf si je les serre fort. Le plastique entre mes jambes élargit et accentue cet espace d'une manière artificielle, quasi-grotesque ; un petit cadenas se balance dans l'intervalle.

            Je fis le tour du torse de mes mains. Je pouvais (je peux) à peine atteindre mon entrejambe du bout des doigts, mais pas suffisamment pour pouvoir me toucher plus bas. À tâtons, je sentis mes fesses saillir indûment de part et d'autre de la partie arrière. Les talons cliquetant sur le carrelage, je vacillai jusqu'à la salle de bains, où je pris le petit miroir pour m'observer par dessus l'épaule. Mes fesses étaient maintenues très à l'écart l'une de l'autre par la coque de plastique noir. De fait, elles sont conçues pour être carrément protubérantes, - pourtant je n'ai pas un gros derrière - et je suis vraiment serrée là-dedans. Je n'ai pas encore pu décider si c'était séduisant ou pas. La courroie de l'entrejambe est très large et elle m'appuie très fort sur la raie des fesses. J aime beaucoup. Il dit que je suis tout à fait éblouissante et que le deviens un peu plus encore à chaque étape que je franchis. Il me dit ça après ce qu'il m'a fait plus tôt dans la semaine. Jésus. Le simple fait d'y penser me rend... et merde ! Je crois qu'il faut que j'arrête de tourner autour du pot et que je vous dise ce qu'il m'a fait. Plus tard. Commençons par le commencement. Je ne suis pas tout à fait sûre de pouvoir déjà écrire là-dessus. Je me jette à l'eau ! J'ai hâte d'en finir avec cette partie, ne serait-ce que pour me débarrasser de ce maudit torse.

            Avant de le rejoindre, je m'étais maquillée. Je pouvais m'asseoir à la coiffeuse, mais s'asseoir n'est pas chose aisée dans cette chose. Ça pince de temps à autre et ça vous contraint sans cesse. Le pire - outre le fait de ne pouvoir toucher mon propre corps - est de devoir attendre pour aller pisser, et de ne pouvoir ni bouger ma tête, ni plier mon dos. J'ai du mal à conserver l'équilibre. Mais j'ai une posture digne d'une reine.

            Il était assis dans son fauteuil, à côté de l'âtre éteint quand je sortis de la chambre ; il me jeta un oeil appréciateur et opina de la tête lentement, comme satisfait de la vision. Je me tins coite, me contentant de rester debout dans le couloir à essayer de percevoir ses désirs. Parfois, je me sens comme un petit animal nocturne et vulnérable qui ne compterait que sur la perception des odeurs subtiles et des bruits les plus infimes pour sa survie. À ce moment précis, toutes mes antennes étaient déployées et balayaient l'atmosphère.

            En espérant que mon instinct disait vrai, je me tournai doucement en écartant les bras pour qu'il puisse me voir en entier. Le raclement de mes bottes sur le sol carrelé résonna dans la pièce vide. Je fis une pause en lui tournant le dos, puis je me caressai les fesses, à l'endroit où elles étaient le plus renflées et comprimées par la carapace en fibres de verre. Je me sentais extrêmement provocante et j'espérais avoir l'air aussi séduisante que je le ressentais (je n'étais toujours pas sûre de l'effet produit par la vision de mon postérieur). J'en eus la chair de poule.

            Je le sentis tout près, droit derrière moi. Il me prit les mains et me les maintint sur les flancs, puis il se pencha par dessus mon épaule pour me susurrer à l'oreille, « C'est mon privilège que de te toucher comme ça. Rappelle-toi que tu es ma propriété. » Il ne voulait pas que je me touche, bien que je puisse deviner qu'il réprimait son émoi et qu'il était fort allumé par ce que je venais de faire.

            Je le laissai m'ôter les menottes de cuir à mes poignets. Il les rattacha à un anneau placé entre les omoplates. Il me retourna pour m'embrasser tendrement et profondément, en explorant mes fesses de ses mains - la seule partie exhibée de moi qui pouvait encore ressembler - de loin - à une zone érogène. Je frémissais ; quelques minutes plus tôt à peine il m'avait presque fait jouir. Il me faut pas mal de temps pour me calmer quand j'en suis si proche. Je me sentais enflée, tremblante, gorgée, hypersensible et tendre, quasi-meurtrie et frustrée idem.

            Il se rassit. En tentant de deviner son humeur, j'allai vers lui à grand-peine, et j'essayai de poser un genou à terre devant lui. Je lui fis une révérence maladroite et il dut me rattraper alors que je m'effondrai sur lui. Il me demanda ce que j'avais envie - comme s'il ne le savait pas. J'ai pensé à la seule chose dont j'avais envie : qu'il soit en moi. Mais, manifestement, il le savait.

            « Tu voudrais que j'essaye la tenue de Lycra noir pour toi ? Je l'ai terminée, la cagoule et tout le reste, » lui dis-je tout en pensant que la première chose à faire pour me rapprocher de l'orgasme était de me sortir de ce torse. Aussi sexy soit-il à voir, il n'est érotique que pour l'observateur, en fin de compte, mais pas pour celle qui le porte. Objectivement, la quasi-majorité de ce qu'il m'a fait jusqu'à présent était bien plus érotique que d'avoir porter cette maudite chose. Mais il a vraiment l'air érotique. Et c'est érotique de le porter pendant de courtes périodes. De temps en temps. Comme là, maintenant. Il y a quelques minutes à peine, j'étais pitoyable, et je vais le redevenir. Ça va, ça vient.

            Puis je dus aller aux toilettes. Pas pour le motif frivole de m'enlever la chose, mais il le fallait, voilà. Il me fit attendre. Non qu'il me torturât ou quoi, mais plus simplement je ne le lui avais pas dit qu'il fallait que j'y aille. Je crois qu'il désirait me maintenir sur le fil du rasoir un peu plus longtemps encore. Il m'aida à tituber vers le garage en me prenant doucement le bras et en me dirigeant, comme si nous entrions dans un restaurant chic (je ne sais pas pourquoi, mais c'est cette image qui me vint soudainement à l'esprit), si ce n'est que mes poignets étaient épinglés au beau milieu du dos et ma posture trop étrangement parfaite. Et que - bien entendu - je n'étais pas tout à fait vêtue comme pour aller dîner chez les bourges. Je devais rouler des yeux et faire pivoter mon torse tout entier pour simplement le voir quand il marchait à côté de moi.

            Il y avait, posé sur l'établi dans le garage, un plâtre de mon corps. Il m'expliqua comment il avait fabriqué mon torse en fibres de verre. Je crois qu'il a pris plaisir à m'en expliquer les détails. Il avait passé l'intérieur des deux moitiés du moule de mon corps à la cire, puis il les avait rassemblées et les avait coulées dans le plâtre - autour d'un noyau de mousse de polyuréthane, afin économiser le plâtre. Après le durcissement, il avait brisé le moule extérieur et l'avait jeté à la poubelle (j'avais alors pensé que ce rejet signifiait l'échec de son projet).

            Le torse définitif est une copie conforme de mon corps. Il avait remodelé le plâtre à plusieurs endroits pour en modifier l'intérieur (c'est pour ça qu'il est plus étroit à la taille et à l'entrejambe qu'un moulage exact ne le serait) en jugeant combien il pouvait en ôter, en prenant ses mesures sur celles des courroies, - quand il me les avait serrée si fort par l'arrière. Vous vous souvenez ? Il avait simplement sculpté la partie inférieure du torse en plâtre pour que le cuir s'y ajuste parfaitement. Plus tard, il sut que le torse me comprimerait de la même façon.

            Il fallait vraiment que j'aille pisser.

            Il s'étalait en expliquant la façon dont il l'avait poncé et comment il avait rebouché les bulles du plâtre afin d'aboutir à ce qu'il appelle un enduit parfait, et bla-bla-bla, et bla-bla-bli. J'ai pensé que chouette ! Trois couches de fibres de verre imprégnées de résine époxy avec des verrous, des fermetures à œillets de bâche et des renforts en acier noyés dans la masse - et il était possible de découper la chose et d'en remodeler les flancs en y emboîtant un rajout. Parfait. J'avais vachement envie d'aller pisser. Quelques couches de finition à l'extérieur, avec un ponçage entre chaque, suivies d'un ponçage raffiné, sauf que j'avais toujours envie d'aller pisser.

            Franchement, je crois que ce fut trop d'efforts pour des clopinettes. J'ai forcément dû louper quelques étapes : j'avais l'esprit obnubilé par ma vessie, et mon attention s'était focalisée sur l'autre objet dans la pièce, celui qui était encore couvert d'un drap.

            « Je t'en dirai plus à propos de ça une autre fois, » me dit-il. Il me guida vers la maison. « Et puis, c'est le moment d'en finir avec toi, » dit-il. « Ça, c'est vraiment pour plus tard, » dit-il en me tapotant un de mes seins plastifiés, « dis-toi bien qu'il ne s'agissait que du premier essayage. » Alors que nous arrivions à la maison, il rajouta qu'il avait l'intention de conserver le plâtre. Il avait d'autres idées à son sujet. Hmmm.

            Donc voilà, il me ramena dans la chambre, me détacha les bras pour illico les scotcher comme auparavant. Je dus lui avouer que je me DEVAIS d'aller pisser avant qu'il ne me scotche les jambes. Il me déverrouilla le torse, tout en me disant qu'il n'était pas branché par ce genre de torture, et puis que j'aurais dû le lui dire plus tôt. Mais il me laissa les bras attachés, et je n'avais pas moyen de m'essuyer. Il le savait, et quand j'eus fini, il me le fit lui-même. Lentement. C'était humiliant et je détournai mon regard quand il me le fit - et je crois que c'est ce qui me maintint concentrée sur ce qu'il désirait.

            Il me guida vers le lit et me scotcha les jambes. Une fois de plus, j'étais impuissante : je ne pouvais étendre ni les bras, ni les jambes. Il se dévêtit et je le regardai faire, puis il se coucha à côté de moi. De ses caresses, il me fit presque jouir encore, mais une fois de plus, je ne pouvais jouir sans pouvoir m'étirer les jambes. C'est en gémissant que je le suppliai de me les détacher. Agenouillé entre elles, il me les écarta et, lentement, avec une maîtrise exaspérante, il en vint à me pénétrer. Je me mis à m'agiter de mes membres pliés et je fus pathétique dans mes sanglots de frustrée. Il entreprit de me labourer, vite et fort. À ce rythme-là, ça allait être vite vu de son côté et j'en serais pour mes frais, mais j'étais si prête à jouir qu'il m'y fit basculer. Je pétai les plombs en me libérant d'une trop longue journée de privations. Je fis de pitoyables tentatives pour l'enlacer de mes jambes et de mes bras liés, mais ce fut vain. Mon bassin s'agitait en spasmes incontrôlés. J'étais prête à bien plus : deux orgasmes au bas mot m'attendaient quelque part, tapis au tréfonds, et il le savait. Mais il ne me permit pas de les faire émerger. Ou juste presque.

            Il me laissa en plan, gémissante, convulsée, et s'en revint avec une serviette humide avec laquelle il entreprit de me laver. Tendrement (il est tellement gentil, après coup) il me souleva à genoux et se mit à essuyer mon corps tout pantelant, pour en faire tomber la tension et m'apaiser un peu, comme on le ferait d'un cheval trop sanguin. Mais je n'en avais pas encore fini d'être frustrée.

            Il me tartina le torse, du cou jusqu'au bas-ventre, de gel conditionneur. Je pensais qu'il s'apprêtait à me refaire l'amour. J'étais sûre (sachant ce que je sais, j'en suis absolument sûre) qu'il l'aurait pu, mais à peine fus-je excitée à nouveau qu'il me reboucla dans ma carapace plastifiée. Je pleurnichai de frustration quand je vis ce qu'il s'apprêtait à faire, et je le suppliai de ne pas me la remettre, mais il était sourd.

            Je dus cuisiner le dîner ainsi, marinant dans le gel gluant, à l'intérieur de ce maudit torse de plastique, tout en me sentant pour le moins... disposée.

            Pendant tout le dîner romantique et aux chandelles qui s'ensuivit, il ignora les signaux qu'émettait mon corps en détresse, - et qui, s'ils avaient été rédigés en braille, aurait facilement été déchiffrés par un aveugle manchot enfermé dans une chambre noire, au travers d'un gros mur en béton. J'en étais réduite à me tortiller sur mon séant, (le cadenas pendant entre mes jambes érodait le bois du siège, vu que le torse s'y reposait de tout son poids) à caresser mon corps lascivement (mais en vain : comment aurais-je pu ressentir quoi que ce soit sous ce plastique épais) et à me projeter dans ce que je souhaitais être un désir brûlant de son côté. Je me rendais compte que ça lui faisait un certain effet, et je me décidai à pousser le jeu à fond. Je sais qu'il était consciente de mon manque atroce de jouissance, (je n'étais qu'à demi-sérieuse en poussant le truc jusqu'au bout) mais il ne fit rien d'autre qu'avaler son dîner, comme s'il avait été au restaurant. Il s'en tint à un badinage réservé, tout en remplissant mon verre de vin, déviant mes insinuations lourdingues pour les transformer en traits d'humour. Il semblait se délecter de l'incongruité consistant à me placer dans une situation outrageusement fâcheuse dans une activité des plus ordinaires.

            Il me maintint « conditionnée » dans le torse pendant toute la soirée, et il ne me libéra qu'au moment du coucher. Il m'observa pendant que je me séchais à l'aide d'une serviette et, après que j'eusse pissé une dernière fois, il me menotta les poignets et les enchaîna à mon cou juste sous le menton afin que je ne puisse pas atteindre mon sexe et me masturber. Pour en être certain, il me fit dormir à côté de lui dans son lit pour la première fois depuis mon arrivée.


            J'étais encore excitée le matin suivant, au réveil. Mais toujours pas soulagée. D'habitude, je m'éveille en mouillant. Je crois que je me suis conditionnée à mouiller au réveil : j'adore fantasmer en étant à demi-endormie. J, quant à lui, se réveille très souvent en bandant, mais je crois que c'est plus courant chez les hommes. Il croit que ça vient de sa vessie qui lui appuie sur la prostate. Il m'a aussi dit qu'il n'arrive pas à pisser en bandant, ce qui est logique d'un point de vue physiologique. Je n'ai jamais travaillé pour un urologue, mais ça m'intéresse de savoir : quand un homme se réveille avec la vessie pleine et en bandant, comment fait-il pour s'en dépatouiller ? Impossible d'aller pisser tant que dure l'érection, qui ne disparaîtra elle-même que lorsque la vessie sera vide... J dit que son érection s'évanouit tout bêtement quand il n'en a pas d'usage précis. Ce qui lui arrive - bien sûr - de temps à autre.

            Il me maintint sous stricte surveillance jusqu'à la fin du petit déjeuner. Puis, après m'avoir admonestée pour que je ne me touche pas du tout sous la ceinture, il repartit au garage. Je n'étais pas d'humeur, de toute façon. Je me remis à l'ouvrage pour achever la tenue de femme esclave/de harem, alors qu'il bricolait au garage.

            Est-ce que les hommes sont tous des fous du bricolage ? Est-ce qu'il n'avait pas mieux à faire ? S'occuper de moi un tout petit peu ? Et pourquoi pas dans le garage ?

            Bien sûr, j'étais enchaînée, les pieds et les poings liés, comme ces accusés aux assises qu'on voit aux actualités, quoique avec un peu plus de liberté de mouvement. En fait, je m'étais dépêchée d'en finir avec la dernière tenue en espérant avoir eu le temps de le frimer avec mon petit numéro de danse, avant qu'il ne se décide à me punir pour les lames de scie. Mais je n'ai pas eu cette chance. Après le déjeuner, il m'annonça que mon châtiment commencerait ce jour-même.

            Je ne me suis pas encore remise du choc. Sans déconner. Faut voir les choses en face : je ne fais pas de boniment ; je ne suis pas romancière ; ceci n'est pas de la littérature. Jusqu'ici, j'ai tout fait pour que ça ait l'air d'un compte-rendu de mes vacances. Appelez ça de la littérature d'avant-garde, si ça vous chante ; je suis la première à admettre que mon succès fut très limité. En grande partie parce que j'ai été obligée d'écrire au fur et à mesure, et aussi parce que ça ne s'est pas déroulé comme s'il s'était agi d'une fiction. J'ai romancé. J'ai astiqué les parties les plus chiantes. Parfois, mes tentatives ineptes de jouer à l'écrivaine ont entravé ne serait-ce qu'une communication de base.

            MAIS. Je n'ai PAS surmonté ce qui suit. Ça sortira peut-être un peu embrouillé. Je suis encore amère. J'oscille entre colère, excitation, frustration, et Dieu ! mais dans quoi donc me suis-je fourrée ? Je me suis arrêtée plusieurs fois d'écrire pour aller me mirer dans la glace et je n'arrive toujours pas à y croire. Mais c'était bel et bien marqué sur la Liste. Je ne savais pas que je pouvais être aussi carrément conne.

            Bon ben nous y voilà.

 



Par gigipanpan
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