Il est au travail, mais il m'a demandé de commencer à écrire ceci pendant son absence. Donc je suis là, assise, et je ne sais pas par où commencer. J'ai tapé le « I » majuscule en haut à gauche juste pour m'occuper. Je voudrais que vous compreniez que je fais cela parce que J m'a demandé de le faire, et pas parce que je pense que tout le monde doit savoir ce qui s'est passé hier au soir. Il m'a demandé d'écrire à la première personne, comme si je m'adressais à un étranger plutôt qu'à lui-même. Ça fait partie du pacte que nous avons conclu.
D'accord, j'ai dit ça. Et alors ? Je n'ai pas la moindre idée de par où débuter. Ernest Hemingway disait de toujours commencer par la vérité première. Je suppose donc que je vais commencer par le commencement, et quand j'en serais rendue à la fin, et bien... je m'arrêterai. Ça a bien fonctionné avec Alice au Pays des Merveilles, non ? - En voilà une avec qui j'ai bien des points communs, ces derniers temps.
Il y a six mois, nous vivions ensemble à Chicago où j'étais infirmière. Il avait trouvé un boulot extra, mais il devait partir au loin pour cela. Je ne voulais pas renoncer à la sécurité de mon emploi, aussi nous sommes nous séparés. On s'était dit que ça ne pouvait être que temporaire, et c'est ainsi que je me suis retrouvée seule dans la Cité des Vents.
Nous ne fûmes pas particulièrement satisfaits de cette séparation, aussi nous écrivions nous quasi-quotidiennement. Nos lettres devinrent rapidement érotiques et nous commençâmes à nous échanger certains fantasmes dont nous n'avions jamais causé auparavant. Nous débutâmes par des trucs plutôt mimis, du genre d'être tous deux - rien que nous deux - sur une île idéale, ou bien encore coincés par la neige dans une cabane de trappeur et coupés du reste du monde ; mais petit à petit nous en vînmes à des idées un tantinet plus corsées : être esclave l'un de l'autre, du SM et tout ce genre de choses.
Chacune des lettres que j'écrivais comportait des commentaires à propos de son dernier courrier, ainsi qu'un nouveau fantasme bien à moi. Il faisait de même. Nous étions devenus un cercle de poètes disparus rien qu'à nous deux. Il me fut plus facile d'écrire ces choses que d'en parler en tête à tête ; car aborder un tel sujet de front requiert une bonne dose de finesse... Il vous faut être bien sûrs de penser les mots justes avant que de les exprimer. On ne peut pas revenir en arrière et biffer des bribes de dialogue comme on le fait dans une lettre.
Des mois se passèrent ; il était maintenant assuré de garder son nouveau boulot et il avait acheté une maison, alors que moi, je me sentais de plus en plus seule et abandonnée. Je faisais trois gardes de nuit de 12 heures chacune par semaine, en dormant le jour et en faisant de moins en moins d'exercice physique, à lire ses lettres et c'est à peu près tout. Je ne voyais personne, je n'avais même plus envie d'aller me faire une toile. Notre vie de rêves par lettres interposées prenait de plus en plus d'importance à mes yeux alors même que devenais vraiment solitaire ; elle occupait toutes mes pensées conscientes et c'est ainsi que j'en suis venue à vouloir vivre tous ces fantasmes pour de bon. Je crevais d'envie de le rejoindre. Déménager et aller vivre avec lui. Je pouvais larguer mon boulot sans problème. Je suis infirmière, donc... Mais il ne m'avait rien dit à ce sujet et je ne pouvais me résoudre à le lui demander. C'est l'orgueil des gens du Middle West, je suppose...
cela pour de bon, et de projeter de revivre ensemble. Le style de nos lettres avait très vite changé : on se balançait des fantasmes plus réalistes, des trucs qu'on pouvait vraiment se faire, ainsi que la façon détaillée de les vivre. Et nous tirions des plans sur la comète. J'étais prête à quitter mon travail et à m'en retrouver un autre dans son coin. On a besoin d'infirmières un peu partout, bien que les salaires soient moins juteux dans le Sud. De toute manière je commençais à en avoir marre de l'Hiver à Chicago. On pouvait crever gelé rien qu'en faisant la queue pour payer sa facture de téléphone, quand vous n'étiez pas agressée d'emblée par l'armée de zonards craignos peuplant les rues...
Et puis j'en avais ma claque d'être seule. Dès que j'eus pris ma décision, mon humeur changea du tout au tout. Soudain, au lieu d'être seule, frustrée sexuellement et totalement obsédée par nos lettres (les attendre, les lire, les écrire...) , j'étais devenue optimiste, seule, sexuellement frustrée ... et vachement obsédée.
On s'était revus brièvement juste avant que je ne quitte Chicago. J m'avait écrit pour m'annoncer sa visite. Dans chacune de nos dernières lettres, nous nous étions renvoyé une longue liste de nos fantasmes communs. Nous en rajoutions sur la liste à tour de rôle à chaque nouveau courrier. Finalement, elle contint quasiment tout ce que nous nous étions déjà échangé, plus quelques trucs nouveaux. Dans sa dernière lettre, il me dit qu'il devait venir à Chicago pour son boulot et qu'il désirait me revoir. À propos de cette liste.
Voici un extrait de la lettre, recopiée mot à mot (c'est ainsi que je procède pour les lettres.) :
« Je veux que tu comprennes très clairement quelque chose avant que je ne vienne. Nous avons été très proches l'un de l'autre, mais les quatre mois passés ont instauré une distance entre nous, qui fut seulement comblée en partie par nos lettres. Quand tu viendras [dans le Sud] nous tenterons de vivre une chose qu'aucun de nous deux n'aura jamais vécu auparavant. La nouveauté en constituera peut-être bien la meilleure part... et la plus excitante. Nous inaugurerons quelque chose de neuf, dans un sens plus vaste. Quand tu viendras, je veux que tu ressentes vraiment que tu viens pour du neuf, et je désire aussi que tu en ressentes de l'impatience... et, pourquoi pas, un peu d'appréhension ?
« Pour cette même raison, et quand bien même je viendrais te voir dans quelques jours, je ne veux pas revivre ce que nous avons vécu avant mon départ. Je ne sais pas trop comment te l'exprimer, mais je ne veux pas que ma visite ne soit qu'une simple transition entre notre ancienne relation et la nouvelle. Au contraire, elle devrait marquer une rupture. Une ligne de démarcation. Je ne veux pas que ma visite ne soit que routine.
« Les fantasmes que nous avons couché par écrit sont pour bonne part dans ce qui tend à nous réunir. J'ignore si de vivre activement ses fantasmes constitue la meilleure base possible pour un couple, mais si nous devons commencer à les vivre, alors je veux le faire bien. Les fantasmes sont assassinés par la réalité ; mais fort heureusement le temps que nous avons passé chacun de notre côté a effacé une partie de la réalité de notre vie commune. Au fond de moi, je sais que tu es la personne que j'aime et à qui j'accorde toute ma confiance. C'est la vérité la plus essentielle à mes yeux. Mais, et c'est presque aussi important : nous avons appris des choses nouvelles au travers de nos lettres, des choses qui, dans une certaine mesure, nous ont rendus étrangers l'un à l'autre. Je veux te rencontrer pour la première fois à nouveau, maintenant que je me suis rendu compte que tu n'es pas exactement la personne que je croyais connaître. Tu peux comprendre cela ? Et s'il est un territoire mystérieux et immense à explorer en toi - et je soupçonne bien que c'est le cas - , tout sera pour le mieux. Les fantasmes plongent leurs racines dans l'inconnu, non dans la réalité ordinaire.
« Ainsi donc je ne te jetterai pas en travers du lit dès la minute où j'aurais passé ta porte, bien que nous ayons attendu si longtemps et que j'en aurais sûrement très envie. Nous élaborerons notre projet, nous dormirons séparés, et puis je reviendrais ici pour t'y attendre. Peux-tu supporter cette idée ? Peux-tu supporter de me considérer comme un étranger ?
La lettre se prolongeait, mais c'en est l'extrait le plus pertinent. Quand il a débarqué, j'avais complètement oublié - bien sûr - , et je me suis précipitée pour l'embrasser. Il s'est écarté de moi. Ce fut une soirée captivante. On était excités comme des bêtes, et nous avons passé le temps à couvrir les sujets de conversation les plus torrides que j'aie jamais pu ouïr. Mais nous n'avons pas fait l'amour. C'est à peine si nous nous sommes frôlés. Ça ne m'a pas du tout plu.
Au lieu de ça, on a pris des feuilles de papier et on a revu et corrigé la liste des fantasmes et des scénarios qu'on avait accumulés. On a découpé chacun des articles aux ciseaux et on les a collés sur deux feuilles séparées. C'est vite devenu une sorte de jeu. On ajoutait des trucs à la liste. Tout ce qu'on avait écrit ou lu. Des plumes aux chaînes en passant par le piercing, les tatouages et le bondage. Et même l'hypnose, bien qu'on n'en sache pas plus à ce sujet que ce qu'on en avait trouvé dans un petit bouquin à quatre sous. Ce qu'on voulait faire à l'autre, ce qu'on voulait que l'autre nous fasse.
Puis s'ensuivit une heure de négociation durant laquelle nous avons apparié nos petits papiers. Si tu voulais me faire ci, alors je te ferais ça ; si je te faisais ça, alors faudra que tu me fasses ci. La valeur de la colonne 1 est égale à la colonne 2. Il en résulta une liste de deux colonnes de (ré) actions égales et opposées.
La transaction s'établissait ainsi : si l'un de nous fait quelque chose d'inscrit sur la Liste, cela donne automatiquement le droit à l'autre de faire la chose correspondante sur l'autre colonne. Question de fair-play. Sa liste était plus longue que la mienne : je n'avais pas autant d'idées que lui ; on a donc retranché quelques uns des articles. Pourtant c'était encore une bien longue liste. Il y avait des choses que je ne voulais vraiment pas faire, et d'autres que je ne lui voulais pas voir me faire, mais qui étaient assujetties de justes représailles et de choses que je désirais suffisamment fort pour consentir à ses envies. Par la suite il devint clair que certains articles n'avaient pas d'exact équivalent, et que certains de ces scénarii devaient s'additionner pour parvenir à l'équilibre. Tous les changements ultérieurs se devaient d'être acceptés par les deux parties de la façon qui était précisée sur la liste. Qui est précisée.
[Note Venant du Futur : écrire et poster ceci par courrier électronique faisait partie des articles de la Liste, ceci dit en passant. Ça fait partie de ma colonne. À cette époque, je n'avais qu'une très vague idée de ce qu'est un e-mail.]
Nous étions tous les deux très excités d'avoir achevé la Liste, mais il ne voulait toujours pas me faire l'amour. Il m'a emmenée dîner en ville, et on a causé. Nous étions dans un des boxes du restaurant, heureusement, car notre conversation était vraiment très, très intime. Je lui expliquai en termes plutôt vagues ce qui me branchait et il fit de même ; on tournait autour du pot tout en devenant de plus en plus francs l'un avec l'autre. Il nous fallut admettre que jamais auparavant nous n'aurions pu songer nous exprimer aussi ouvertement. Ce fut de loin la conversation la plus franche que j'avais jamais eue à propos de mes désirs les plus intimes. Nous nous contions des fantasmes si parfaitement irréalistes qu'ils ne pourraient jamais être vécus, mais qui nous révélèrent nos motivations profondes. Des choses du genre expérimenter le sexe opposé, ou des fantasmes débiles comme celui que j'avais d'être une extraterrestre qui pourrait changer à son gré la forme de mon corps et du sien d'intéressantes manières, et qui débarquerait sur Terre pour lui faire l'amour, à lui - qui serait envoûté par ma morphologie d'alien. Notre conversation devenait vraiment brûlante, mais nous nous comportions - en surface tout du moins - comme si nous venions juste de nous rencontrer. Nous ne nous effleurions même pas. De fait, c'était très érotique, particulièrement avec tous ces gens autour de nous qui ne pouvaient se douter de quoi nous parlions.
Imaginez l'excitation que peut procurer le fait de se trouver en tête à tête avec un étranger duquel il n'y aurait rien à craindre (ni pervers, ni séropo) et avec lequel on sait qu'on peut éventuellement aboutir au lit. Mais qui demeure mystérieux. Un danger, quoique inoffensif.
Nous fîmes des projets pour la suite. Il me faudrait du temps pour quitter mon boulot et me trouver un sous-locataire pour l'appartement. Il y a plein d'étudiants dans mon quartier, à Chicago, et les demandes de locations y sont très saisonnières. Il me fallut deux longs mois et tout un tas de lettres et de frustrations pour me trouver enfin le sous-locataire idéal.
Mais nous avions finalisé nos projets, ce soir-là. D'un jet de piécette, alors qu'on attendait le dessert, il lui revint d'inaugurer la Liste, et nous décidâmes que je serais son esclave un mois durant, à partir du jour où je le rejoindrais à [supprimé].
Après le dessert, je lui ai demandé ce qu'il entendait retirer de ce mois ; j'eus droit de sa part à quelques réponses passablement intéressantes. Tellement intéressantes qu'on en a causé jusqu'à la fermeture du restaurant. En fait, j'essayais de le pousser dans ses derniers retranchements afin qu'il change d'avis et n'attende pas le jour de mon arrivée dans le Sud pour démarrer. En tout cas ce fut un préambule à mon éducation que d'apprendre ses désirs de sa bouche. Je suis tentée de dire qu'il me fallut éplucher des couches et des couches de psychologie, mais c'était vraiment très, très complexe et tortueux.
Il voulait me contrôler, du moins pendant un temps, celle du mois de la Liste. Mais il ne veut pas d'une soumission ordinaire. Je suis supposée résister, mais cette résistance doit être plus qu'une simple résistance par rapport à lui ; il semblerait qu'il veuille que je résiste à quelque chose en moi aussi. Si possible, je devrais découvrir en moi cette part qui aime à être contrôlée et je devrais la combattre elle aussi, ainsi que le contrôle physique plus superficiel autorisé par la Liste. Comme j'ai dit, c'est tortueux.
Il veut que je recherche en moi ces tendances et que je voie si je peux les révéler au grand jour, un peu comme une comédienne qui chercherait dans sa vie propre ce qui pourrait rendre son jeu plus convaincant. Il me semblait évident qu'après le virage pris dans le ton de nos lettres, il y avait là quelque chose à creuser ; lui, il en était sûr. Donc je suis, mais je ne sais pas quoi, exactement.
(J'en ai une vague idée depuis hier soir.)
Mais il ne voulait pas de comédie ; si ce qu'il recherchait ne se présentait pas, il ne voulait pas que je prétende que ce soit.
Une autre tortuosité : sachant que je désirais accomplir cela pour lui devint une espèce de deuxième strate, un arrière-plan subordonné aux aspects physiques plus superficiels de la chose.
Lui faire savoir que je faisais ceci de mon plein gré et malgré mon vernis de résistance (bien réelle, pourtant) - je vous avais prévenu que c'était tordu - devint une autre tendance sous-jacente. Bien plus qu'une seconde sorte de soumission, il s'agissait d'une chose de l'ordre d'un don, qui prouverait mon amour et ma foi, car ce serait obligatoirement un acte volontaire qu'il ne pourrait contrôler ou forcer d'être.
Rappelez-vous : toutes ces tendances psychiques enfouies ne sont pas la réalité ; elles sont ce qu'il désire que la réalité soit. J'ignore de quoi il s'agit. Peut-être sont elles une seule et même chose. En quelque sorte.
Et, bien sûr, il faut que ce soit pour lui seul. Il veut que ça soit bien clair. C'est une contorsion tout ironique. Ma mère et tous mes amis m'ont toujours affirmé que le meilleur moyen de garder son homme à soi est de lui faire prendre conscience qu'il peut vous perdre : qu'il sache bien qu'on peut s'en retrouver un autre rien qu'en claquant des doigts. Mais J m'a appris une chose qu'il n'avait l'intention de m'inculquer. Ce qu'il cherche à retirer de notre relation n'est certes pas facile à comprendre ; j'entends par là que le simple fait d'aborder le sujet du bondage fut pour lui un obstacle quasi-insurmontable en soi. Il lui était presque impossible de trouver le genre de personne qu'il recherchait. Si je pouvais devenir cette personne, alors je devenais irremplaçable. Il ne pourrait jamais retrouver quelqu'un comme moi, jamais. Et si, quelque part au fond de moi, j'étais vraiment faite ainsi, je pourrais le piéger, le lier (l'attacher ?) à moi du simple fait que je serais la seule à pouvoir lui procurer ce dont il a tant besoin.
Peut-être suis-je cette personne. Il n'y a plus aucun doute que je ne le sois en ce moment-même, juste après le premier jour. Si j'ai pu être tant émue à l'idée que notre liaison de prolonge à l'infini, j'imagine aisément devenir cette personne-là .
Donc, nous étions au restaurant. Après tous ces discours, je me sentais toute prête à passer de la théorie à la pratique ; je lui demandai ce qu'il me ferait en premier quand nous commencerions. Je lui plantai mes yeux droit dans les siens en lui balançant mon regard le plus ingénument culotté que je pusse produire au delà de la table. Je peux, quand je le veux, m'affubler d'une innocence si désinvoltément fausse que je me sens vraiment salope. Il capta le message.
Il me dit qu'il attendrait que l'on soit dans un lieu public, - un restaurant par exemple - (frisson) , pour extraire de sa poche une enveloppe en papier kraft. Il marqua une pause tout en continuant à me dévisager.
Puis, il plongea la main dans la poche de sa veste (frissons, émotions ...) pour en sortir une enveloppe en papier kraft. Mon cœur se mit à cogner fort et mon souffle se fit court. Il allait faire quelque chose, là, maintenant, réalisai-je. J'ignorais s'il improvisait. Maintenant que j'y repense, je crois que c'était tout prévu d'avance, car il sortit quelques feuilles provenant de l'enveloppe, qu'il me tendit.
« Va dans les toilettes et glisse tous tes sous-vêtements à l'intérieur, » me dit-il.
C'est ce que je fis : soutien-gorge, culotte, collants. Je lui rendis l'enveloppe.
Comme j'étais là, de plus en plus allumée, il me donna des ordres précis à propos de plusieurs tenues que j'aurais à me confectionner pendant les quelques semaines qui me restaient à tirer avant mon déménagement. Je sais bien que ce n'est pas fabuleux d'avouer une passion pour la machine à coudre sur son CV, mais c'est comme ça : j'aime coudre. Et pourtant je NE SUIS PAS du genre bobonne, comme cela vous apparaîtra quand vous aurez lu le récit de la soirée d'hier. Mais d'abord, il faut que je vous conte la suite.
Soit dit en passant, il a tenu sa promesse : il ne m'a pas touchée cette nuit-là ; le petit truc avec les sous-vêts, c'était juste lui étant parfaitement lui-même, et rien d'autre.
Il n'y avait que deux petites journées de route de Chicago jusqu'à sa nouvelle maison, j'aurais même pu faire le tout en un seul jour. Je suis arrivée à quatre heures de l'après-midi. La maison n'est pas toute neuve : elle est carrément très ancienne. Je ne peux pas vous dire exactement où elle se situe, mais c'est une maison vraiment chouette. [Il ne veut pas non plus que j'utilise les termes cliniques pour des parties du corps que nous autres infirmières connaissons si bien, donc si je vous paraissais un peu « victorienne » dans mon langage, vous saurez pourquoi. En fait il me donne un tas d'instructions sur tout et absolument tout, et pas seulement sur la façon d'écrire ce récit.]
Nous vivons sous un climat de type méditerranéen, plutôt très chaud. La maison a de hauts plafonds (trois mètres soixante dans le salon), des sols en tomettes rustiques, un toit de tuiles rouges et plein d'arcades en stuc. Et une cheminée avec un manteau splendide. C'est l'une de ces demeures pseudo-hispaniques qui furent en vogue dans les années trente. Il n'y a toujours presque aucun meuble, bien qu'il y vive depuis déjà plus de six mois. Les hommes sont nuls, pour ça.
Il y a une salle à manger-living-room avec deux canapés (un grand, un petit) et un fauteuil groupés devant la cheminée ainsi une grande table en chêne avec deux chaises au milieu de la pièce. Un tapis de haute laine blanche devant l'âtre. Pas de rideaux, quasiment pas d'autres tapis, pas d'images sur les murs sinon dans la chambre à coucher du (hum, hum...) maître.
Il porta mes valises à l'intérieur ; nos pas résonnèrent sur le sol carrelé des pièces vides. La moitié des interrupteurs sont en panne et l'endroit avait (et a encore) besoin d'un bon coup de balai : c'est plein de sable du dehors qui crisse sous le pied. En fait, à l'exception de ma chambre, la maison est à peine propre. C'est plein de toiles d'araignées et les fenêtres sont couvertes de poussière. Des cafards morts de la taille d'une souris.
Il posa mes bagages dans la chambre d'amis. Ma chambre. Elle est impeccablement propre et entièrement meublée de blanc. Le lit est ancien, monoplace, en fer, un peu dans le style hôpital, émaillé de blanc. Les murs : blancs, la commode : blanche ; chaise simple et table de chevet : blanches. Pas de tapis, pas de rideaux, pas de posters aux murs et rien dans le placard. Un plafonnier éblouissant, une petite lampe indéfinissable sur la table de chevet. La pièce ne contient rien d'autre. J'aurais pu me sentir bonne sœur s'il n'y avait pas eu hier soir.
D'une certaine manière, ça m'embête un peu qu'il se soit donné tant de peine pour me préparer ma chambre. Tout en blanc, c'est cela. C'est un chouia louche.
En principe, les chambres séparées, c'est un truc qu'on voit bien pour un couple de gens âgés, rétrogrades, ou pour ceux en instance de divorce, alors que nous n'étions pas même mariés. Nous étions supposés vivre ensemble et ça frisait l'étrangeté ; je voulus donc une explication. Que j'eus. Il ne s'agissait de rien de plus que de la continuation de notre relation nouvellement distante à propos de laquelle il m'avait écrit et que nous avions formellement inaugurée durant sa visite à Chicago. Nous avions vécu séparés, dans une certaine mesure, me dit-il, et il voulait préserver cela pour un temps encore. De fait ça sonnait mieux en théorie que dans la pratique. Je crois bien que cette chambre me fit me sentir un peu loin de tout.
« À part ça », ajouta-t-il, « tu es mon esclave dès maintenant, et tu n'es pas supposée me poser de questions. » J'avais presque oublié. Enfin, pas vraiment oublié, mais je n'avais pas pris l'habitude de penser ainsi. Je me suis alors vraiment sentie comme une étrangère. Il m'avait dit cela comme si j'en étais une.
[Note Venant du Futur : tout à la fin, j'ai passé la plupart de mes nuits dans sa chambre, mais il a tenu à ce que nous fassions chambre à part jusqu'au dernier moment. D'une certaine façon cela rendit notre relation plutôt plus excitante que moins intime. Il fallait toujours une raison particulière pour que l'un de nous se rendît à la chambre de l'autre.]
Comme j'ai dit, il avait tiré le premier choix pour la Liste. Je serais donc son esclave le premier mois. Et tout ce mois durant, il irait au bout de plusieurs des articles de la Liste. En acceptant la Liste il y a deux mois, je crois que j'avais déjà accepté tout ça, même si je n'avais pas songé au fait que le choix d'un mois d'esclavage lui permettrait de repenser quelques uns des autres articles de la Liste, et ce avant même que ce soit mon tour. Mais il me suffisait bien de savoir que mon tour viendrait.
Je crois bien qu'il a voulu me déstabiliser dès le début. Dès que ma voiture fut déchargée, il me demanda d'aller me changer, de troquer mes jeans et mon sweat contre un chemisier, une jupe et des chaussures à talons hauts, avec rien par dessous. Le simple fait de changer de vêtements, même toute seule dans ma chambre, était chargé d'une angoisse tout érotique. Je me sentais faible et sans défense, comme prisonnière du château de Dracula. Je suis consciente de donner dans le mélo, mais cette maison me semble tellement gigantesque, si on la compare à mon petit studio de Chicago. Alors même que je suis assise à écrire dans la clarté vive du jour, l'écho que me renvoient les murs me la font sentir vide et fantomatique. Et lugubre. Il y a un cadavre d'oiseau desséché sous l'une des arcades grillagées. Mais j'ai d'abord balayé la poussière et les blattes.
Hier soir, alors que je sortais de ma chambre, à la tombée du jour ; un rai du soleil moribond illumina le salon. Il s'attarda dans le fauteuil ; il me dit d'aller me verser un verre de vin et de m'asseoir dans le sofa. Il y avait même des amuse-gueule. Il ne m'avait jamais fait d'amuse-gueule auparavant. Des petits trucs bien formels, très classiques. J'étais affamée, quoique déconcertée par la vue des amuse-gueule. Il étaient si peu conventionnels, en fait.
« Comment te sens-tu ? » me demanda-t-il.
« Ça va », lui répondis-je, « j'ai un peu froid, peut-être. » Une petite pointe d'humour sans-culotte, quelque chose dans ce goût. Une toute petite tentative. Il sirota son vin et me regarda manger sans rien exprimer.
Entre chaque bouchée, je n'arrêtais pas de déblatérer. « Alors, quand est-ce qu'on commence ? » lui demandai-je d'un ton vitaminé et joyeux, comme s'il s'agissait d'aller repeindre la salle à manger ou un truc dans le genre.
« Maintenant », me dit-il d'un ton neutre, toujours dénué d'expression.
Je me rendis soudain compte qu'il me regardait. Je veux dire par là qu'il me fixait vraiment. La plupart des hommes regardent les femmes en douce. Il prétendent ne pas mater et vous jettent un œil à la dérobée dès qu'ils pensent que vous ne vous en rendrez pas compte. Là, c'était différent. Son regard parcourait mon corps sans le moindre souci de ce que j'en puisse penser, comme s'il n'en avait rien à faire. Je pris brutalement conscience de mon manque de sous-vêtements ; je croisai mes jambes et tirai sur ma jupe, comme si ces petits arrangements avaient pu dissiper mon inconfort. Il posa ses yeux sur ma poitrine et je croisai les bras.
« Non, » me dit-il.
« Désolée, » bêlai-je inutilement. Je me dépliai en tâchant d'apparaître normale. Mes maudits tétons étaient bien durs, pourtant. « Alors donc, que dois-je faire en premier ? » dis-je gaîment, telle une monitrice de colo. Je ne pouvais pas fermer ma grande gueule. Il ne me répondit pas de suite. J'ignore s'il songeait à ce qu'il allait faire ou s'il allait laisser grandir le suspens, mais il attendit jusqu'à ce que le silence s'étire jusqu'à sa (ma) limite. Je me fourrai un autre sandwich dans la bouche, histoire qu'elle ait quelque chose d'autre à faire.
Enfin, il m'annonça lequel des articles sur la Liste serait le premier. Il ne me dit que son numéro, cependant. Je n'avais pas mémorisé la Liste et j'ignorais de quoi il parlait ; je n'avais pas bien fait mes devoirs.
« Tu as une copie de la Liste, non ? » me demanda-t-il.
« Ouais, quelque part, dans mes valises. »
Alors il me donna des ordres sur ce que je devais porter, et il me dit que je trouverais ce qu'il me faudrait dans la salle de bains, mais il ne me dit rien de plus sur ce que j'étais supposée faire sur la Liste.
« Prends ton verre de vin, dit-il. Soudain je me rendis compte qu'il entendait « maintenant .» Immédiatement. J'allais à ma chambre et je me mis à fouiller violemment dans mes bagages pour remettre la main sur ma copie de la Liste. Les numéros sur la Liste n'étaient que des références ; leur ordre ne signifiait rien. L'article qu'il avait choisi, donc, devint par défaut l'Article Un de ce récit. Le voici donc : Article Un.
Comme je l'ai dit, il désirait vraiment me déstabiliser. Me pousser dans mes dernières extrémités. Après tout le temps que nous avions passé séparément, je nous sentais presque comme étrangers l'un à l'autre ; nous avions besoin de reprendre contact pour de bon. C'est probablement une des raisons qui l'ont poussé à me mettre sur la sellette, comme le coup des amuse-gueule. Probablement aussi a-t-il voulu que je me sente exposée et quasi-nue, mais nue dans un sens neuf. Une façon de me faire sentir nue, comme si j'étais face à un étranger.
Il voulait que je me débarrasse de mes poils pubiens.
Je sais que beaucoup d'hommes pensent que c'est sexy, mais je n'ai jamais compris pourquoi. En tant qu'infirmière j'ai vu pas mal de choses, mais je n'ai jamais songé qu'il puisse y avoir quelque chose d'érotique à se raser là, particulièrement à cause de cette repousse irritante et grattouillante dont j'avais connaissance des désagréments. Peut-être aussi l'associé-je aux préparatifs des opérations. Vous ai-je dit que je suis infirmière D.E. ? Il n'y avait pas de rasoir dans la salle de bains. Juste un tube de crème dépilatoire et une paire de ciseaux.
Dès ce moment il a commencé à exercer un contrôle éditorial sur ce que j'écrivais. Après le premier jet il fallait que je réécrive le texte deux fois de suite, que je gonfle les paragraphes suivants, jusqu'à ce qu'il en soit satisfait. Sans quoi je n'aurais été si précise.
Il me fallait faire très attention, car la notice comportait plusieurs mises en garde quant à une brûlure possible des muqueuses délicates. Je m'assis quelques instants dans la salle de bains et je me contemplais dans le miroir en songeant : dans quoi donc me suis-je fourrée ? Mais il était trop tard pour que je change d'idée, et de toute façon je n'en avais pas envie. Bon, ben faut y aller, je me suis dit. Je saisis une boucle de poils entre mes doigts et je la coupai très court. En commençant par le haut, je me frayais un chemin aux ciseaux jusque tout en bas, l'esprit vide, coupant et recoupant encore, jusqu'à ce que je me retrouve avec un pied sur le rebord de la baignoire et ma tête entre les jambes. Quand je refis surface, les poils restants étaient presque invisibles ; j'avais l'air pas mal nue. Je me redressai pour me regarder dans la glace ; je me demandai si c'était bien là ce J avait désiré : une nudité sans un poil.
La crème dépilatoire se présente dans un tube genre dentifrice et elle est rose. Son odeur rappelle un peu celle des produits chimiques qu'on trouve dans les flacons de permanentes qu'on se fait chez soi. J'étalai la crème très soigneusement à l'aide du bout arrondi de ma lime à ongles comme s'il se fut agi d'un couteau à beurre. Je suivis les recommandations du mode d'emploi et j'attendis le temps requis avec les jambes bien écartées pour éviter les brûlures. Puis je raclai la crème avec la lime ; si vous avez suffisamment de patience, ça marche vraiment. Pour une raison inconnue il restait encore ça et là quelques poils qui avaient refusé de se dissoudre, je les épilai donc à la pince. Enfin, ce fut fait. Je suis bien heureuse qu'il ne m'ait pas vue alors, car j'avais dû me contorsionner en de bien gênantes postures afin d'accomplir ma tâche.
Je filai sous la douche sans me jeter d'autre regard. J'avais vraiment besoin d'une bonne douche et de savon pour me débarrasser de ce parfum à la fois tenace et léger, tout ça suivi d'une friction intégrale au gel-douche (bien qu'il ne m'ait donné aucune précision quant à ce que l'article de la Liste énonçait réellement, J avait été très précis sur la façon dont je devais me préparer pour lui). La bouteille de gel-douche démêlant non parfumé de marque « Unicure » était déjà en place dans la douche. Je ne devais pas me rincer, mais juste me sécher à l'aide d'une serviette. Alors que je m'enduisais de cette crème, j'entrevis le fait qu'il y avait peut-être un rapport entre ceci et ma peau épilée. Je ressentis comme s'il y avait là, tout en bas, une zone érogène totalement neuve, si soyeuse et si lisse, et... enfin, bon...
Après m'être essuyée, je me sentis toute douce et toute lisse de partout, et plus particulièrement Là En Bas. Quand j'enfilai la tenue que j'avais confectionnée (en suivant ses instructions, il y a des semaines), je me sentis comme une main de velours pénétrant un gant de velours.
Elle est faite d'une douce mousseline de coton blanc indien quasi-transparent. Elle est très ajustée et elle me demanda beaucoup de retouches avant d'arriver à la perfection, car le tissu n'en est pas extensible. Le buste est taillé de manière à englober très exactement mes seins et doublé par des élastiques. Ça me les fait saillir. Les manches, longues, sont à peine assez larges pour y laisser entrer mes bras et je dois serrer les mains pour les y glisser ; le devant s'orne d'une fermeture-éclair qui part de la taille pour aboutir à un haut col en dentelle qui aurait l'air très digne s'il n'était posé sur un haut si ajusté et pratiquement transparent. Le pantalon est lui aussi très serré, sauf sous le genou, où les jambes s'évasent en pattes d'éléphant. Très sixties. Les jambes sont si longues qu'il me faut porter des talons hauts pour ne pas me prendre les pieds dedans. Une paire de sandales ouvertes à talons-aiguilles complète cet ensemble d'agréable manière. Agréable ? En un sens « agréable » ne s'applique pas à la soirée d'hier. Hier soir c'est l'entrejambe qui tenait la vedette, tant il était gênant. Il n'y a pas la moindre couture sur le devant, qui pourrait dissimuler mon sexe. C'est juste serré, transparent et très fin. Un élastique très tendu me passe autour de la taille et entre les fesses, pénétrant profondément entre elles pour maintenir le tissu bien plaqué contre mon sexe glabre. En cousant cette tenue, j'avais pensé qu'il y aurait au moins mes poils pour me couvrir, mais hier soir j'étais tellement... visible.
Suivant toujours ses instructions, je me brossai les cheveux, puis je me maquillai. Je faisais traîner : je pris plus de temps qu'il n'en fallait pour mon visage et l'ajustement parfait de ma tenue, m'examinant longuement dans la glace afin d'éviter à tout prix le moment où je devrais sortir et aller au salon, où il m'attendait. Je ne voulais pas du tout qu'il me voie comme ça. Nous ne nous étions pas vus nus depuis six mois, et il allait voir de moi plus que je n'en avais jamais montré à quiconque auparavant.
Je dois à nouveau rajouter quelque chose. Il m'a demandé de le faire. Je n'aurais jamais écrit tout ceci, parce que je me suis toujours sentie un peu honteuse à ce sujet, mais comme j'ai dit, il m'oblige à écrire tout en détail, des détails que je préfèrerais omettre dans ce cas précis. Mais faut que je me jette à l'eau. Très bientôt. (Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je repousse toujours l'instant fatal...) Il y a une autre bonne raison pour laquelle je ne voulais pas sortir et qu'il me voie comme ça. C'est irrationnel, je sais, parce qu'il m'avait déjà vue toute nue avant ça, mais voilà. J'ai des tétons pas ordinaires. Ils furent toujours pour moi une source aiguë de gêne.
Ils sont inversés.
Vous n'avez pas idée du temps qu'il m'a fallu pour taper ces trois mots ; à chaque fois que j'ai dû affronter ça, j'ai tenté de trouver tous les moyens d'en parler tout en en parlant pas, mais finalement j'ai dû taper ça, et merde. Ils sont inversés. C'est bête, vu que j'ai l'habitude de vivre avec. C'est pas la grosse affaire, vraiment. Les bouts de mes seins pointent vers l'intérieur, aussi la seule chose visible en est-elle l'aréole, avec une petite fente à l'endroit où le téton devrait se trouver. Ça n'est pas si rare ; j'ai vu des filles aux cours de gym du lycée qui avaient les mêmes que moi sur un sein ou sur l'autre. Le truc, c'est que pour moi c'est les deux.
Ce n'est pas qu'ils soient repoussants ou quoi, et ils seraient parfaitement fonctionnels si je devais avoir des enfants. Quand ils sont érigés, ils sont parfaitement normaux, c'est juste quand ils ne le sont pas ; je n'ai pas de tétons, juste des aréoles. Je n'ai pas connu beaucoup d'hommes, en partie à cause de ma timidité à ce propos, et ils ont tous été surpris et, je crois, légèrement dégoûtés par mes seins. Tous, sauf J. Les autres hommes m'ont toujours vue comme un phénomène étrange, me posant des questions du genre : « C'est quoi qui va pas avec tes tétons ? »
Y en a un qui m'a même demandé : « T'aurais pas quelque chose d'autre dont tu m'aurais pas parlé ? »
Connard. Connardconnardconnard.
Désolée, d'ordinaire je n'use point d'un tel vocable, mais c'était un connard. Monsieur Sensible en personne. Avant que je ne me casse de cette passionnante soirée passée avec lui, je lui avais balancé qu'il ne lui restait plus rien d'autre à faire qu'à croître et à se multiplier tout seul, mais pas exactement en ces termes. Quoi qu'il en soit, c'était un abruti. Au lycée, j'étais jeune et assez stupide pour m'être laissée impressionner par le fait qu'il (à 20 ans) était propriétaire de (enfin, il avait une hypothèque sur) sa propre maison (en fait, un grand mobil-home).
Imaginez, à son âge il se vantait d'être un self-made man. Il était l'exemple vivant de ce qui pourrait bien vous arriver si vous ne suiviez pas le mode d'emploi.
Désolée, une fois de plus je digresse.
Ceci dit, J n'a jamais fait le moindre commentaire sur mes tétons, sinon pour me dire que j'avais les plus beaux seins qu'il aie jamais pu voir, et plus encore parce qu'ils étaient spéciaux.
Spéciaux, comme les Jeux Olympiques Spéciaux pour Handicapés, mais qu'à cela ne tienne.
Pourtant j'hésitais encore à entrer au salon, toujours gênée quoique sans raison valable, tentant de couvrir ce qui pouvait l'être, avec une main tripotant le collier de dentelle sans en avoir l'air (recouvrant mes seins d'un bras par la même occasion), pendant que l'autre bras occultait (du moins je l'espérais) ma face sud hyper-exposée. La pièce était presque dans le noir, et son fauteuil était dans l'ombre. Je pouvais deviner qu'il était entièrement vêtu, mais je ne pouvais pas voir son visage ni juger de ses réactions. J'étais terriblement exhibée et j'avais réellement besoin d'entendre quelques paroles rassurantes. Mais je n'y eus pas droit. Il y avait un petit sofa installé sous une lampe incrustée dans le plafond. Il ne se leva pas ; il me demanda simplement d'aller me placer à côté du sofa et de rester debout là, pile sous la lumière. Comme sous un projecteur.
Je ne pouvais pas voir grand-chose hors ce rond de lumière, et je me sentis gauche, comme si mes jambes avaient été bancales. Il me dit d'allonger mes bras le long du corps et de me tenir bien droite. En hésitant, je fis ce qu'il me demandait, me découvrant à lui. Je frissonnais presque de nervosité. Cet après-midi même je roulais sur l'autoroute, et maintenant j'étais plongée dans un univers radicalement différent.
« Tiens tes épaules bien en arrière et arrête de te voûter, » me dit-il. J'inspirais profondément et tentais de me détendre pour retrouver un peu de mon sang-froid et de ma dignité.
« Tourne-toi. Penche-toi et appuie-toi sur le siège avec tes coudes. Jambes écartées. » Je tentai de m'appuyer sur mes mains.
« Tes coudes, » répéta-t-il. Finie la dignité. Mon derrière était en l'air, révélant tout.
« Redresse-toi. Tire sur ta ceinture pour que ton pantalon serre mieux ton entrejambe ; lisse le devant pour que je puisse te voir mieux. Bien. Maintenant dis-moi comment tu te sens, là. »
« Très gênée, » susurrai-je. Ma voix ne sortait pas. J'éclaircis ma gorge et fis un nouvel essai.
« Très gênée, » trop fort. Je ne pouvais détacher mes yeux du sol ; je ne me débrouillais pas terriblement. Il me sembla qu'il mettait très longtemps à me répondre.
« Dis-moi pourquoi. »
« C'est cette tenue, » lui répondis-je.
« Je t'ai déjà vue avec moins que ça, auparavant. »
« C'est vrai, mais pas comme ça. Enfin, pas sans poils, là. » Je balbutiai, tout en pensant : putain, je devrais avoir bien plus de sang-froid et de self-control, et qu'une infirmière n'est pas supposée avoir honte du corps humain. Les infirmières se doivent de n'avoir jamais froid aux yeux et d'être professionnellement très responsables. Je redressai les épaules.
« Non, il ne s'agit pas que des poils, mais c'est sans importance. Viens ici. »
Je le rejoignis et me tint debout face à lui. J'évitais de me tenir voûtée pour lui démontrer que j'avais conservé toute ma dignité, je me sentais comme un jeune appelé tentant désespérément d'avoir l'air militaire, lors de son premier jour de classes à la caserne.
Il lança sa main entre mes cuisses. Je ne pouvais m'empêcher de trembler. Il la fit glisser doucement d'avant en arrière sur le tissu fin qui était si tendu sur mes lèvres d'en bas. Ses doigts se firent insistants, et je sentis alors que j'étais toute mouillée, ainsi que le tissu de mon pantalon. Je tremblais toujours par saccades nerveuses. Durant toute la soirée je fus intensément consciente de n'avoir plus de poils. Pour une raison ou une autre, et quoi que j'aie pu ressentir par ailleurs, j'avais la tête vrillée par cette idée. Je n'étais tout simplement pas habituée à ça. Et je ne le suis toujours pas.
Je me sentais chancelante et nerveuse. Pas exactement effrayée, mais terriblement consciente de ma nudité, et incertaine aussi de ce qui allait s'ensuivre. Je savais qu'il n'allait pas s'écarter de la Liste, et qu'il avait un paquet de trucs sur cette liste, et que je ne l'avais même pas embrassé une seule fois depuis six mois, que je ne l'avais revu qu'une seule fois pendant tout ce temps, et qu'il était quasiment en train de me faire jouir dans une maison étrange et dans des circonstances très bizarres. Je crois qu'il avait voulu que ce soit ainsi, mais je n'étais pas à l'aise.
Il se leva et m'embrassa. Finalement. Il avait dû sentir que j'avais grand besoin d'être rassurée. Je sentis sa rigidité alors qu'il se serrait contre moi. C'est ce que je désirais, pensai-je, me sentant soudain sur un terrain plus sûr. Je frottai mes hanches contre les siennes, m'immergeant à fond et d'un coup dans la scène. Son baiser se fit plus ardent, et nos langues s'explorèrent.
Soudain, alors qu'il me tenait par les épaules, il me repoussa loin de lui. Bien qu'il soit plus mince, - il fait une bonne vingtaine de centimètres de plus que moi et il est très costaud - ; je sentis nettement qu'il réprimait un frisson d'émotion, malgré la fermeté avec laquelle il me tenait le haut des bras. J'étais là, haletante, les yeux clos. Gravement allumée. Il me dit de revenir sous le spot, debout. Je sentais l'humidité d'entre mes cuisses ; j'étais sûre qu'elle faisait flaque, sur le devant. Je tentai à nouveau de me couvrir de mes mains.
« Non, » me dit-il. « Ne le fais pas ; tu n'as aucune raison d'avoir honte avec moi, et tu le sais. » Pause. « Tu le sais bien, non ? »
« Oui, je le sais », soupirai-je, les yeux baissés, résolument pleine de honte.
« Alors pourquoi te sens-tu honteuse ? »
« C'est l'éclairage. »
« Non, c'est pas ça. Essaie encore. Je t'ai déjà vue nue plein de fois et en plein jour, et j'ai eu l'occasion de contempler ton corps bien plus nu que maintenant, même sans les poils. Et de bien plus près. Pense bien à ce qui te gêne si fort, et dis-moi. »
Il attendit silencieusement pendant que je réfléchissais ; finalement je réussis à lui sortir ce que je n'avais pas voulu lui dire. « Je ne me sens pas que nue. Je me sens dénudée. C'est peut-être parce que ça fait si longtemps que je ne t'avais pas revu. C'est un peu comme si j'étais face à un étranger. » Il attendait. Et attendait. « Et puis aussi parce que tu es habillé et moi pas. » J'enfonçai le clou, « C'est pas juste, et c'est humiliant et je me sens vulnérable et c'est pas du tout comme je l'avais imaginé. » Je me recouvris de mes mains, comme pour lui signifier : malgré tout je suis restée sous le spot, essayant de ne pas avoir l'air maladroite, regardant vers l'endroit où je pensais qu'il se tenait, et incapable de le voir.
À nouveau le silence. Enfin, depuis son coin obscur il me dit, « Bien. Assied-toi. » Mes oreilles m'indiquaient qu'il avait quitté le fauteuil et qu'il était debout devant la cheminée éteinte, mais je ne pouvais toujours pas voir son visage.
Je m'assis, soulagée. Au moins je pouvais rapprocher mes jambes en étant assise, et me cacher un tout petit peu de cette manière. Avec mon petit col de dentelle guindé, mes jambes serrées l'une contre l'autre et mes mains croisées sur mon giron, je devais ressembler à une de ces caricatures de l'archétype de la Vierge Victorienne. Sauf que je rougissais au travers du tissu diaphane et que mes tétons étaient durs au point de me faire mal. Ça fait très idylle romanesque, je sais, mais ils l'étaient, durs.
« Je ne veux pas que tu te sentes humiliée. Crois-moi. Mais ta gêne, c'est autre chose. Elle, j'y tiens. Comme à une sorte de don que tu me ferais, » me dit-il. « Tu peux comprendre cela ? Comme un don ? » Je ne sais pas très bien comment, mais j'avais l'impression de le percevoir dans l'obscurité, qui me fixait, très concentré sur ma réponse. Un quelque chose dans sa voix, peut-être.
Je n'avais encore songé à la nuance qui existe entre gêne et humiliation. Néanmoins, je pouvais comprendre l'idée de la gêne en tant que don. Ne me demandez pas le pourquoi ou le comment.
« C'est vrai, » dis-je, et soudain ce fut vraiment vrai. Ma gêne refit surface ; j'arrêtai d'essayer de la supprimer, elle jaillit en entier, mais tout allait bien : je pouvais la dévoiler. Il voulut même la mettre en valeur. J'abaissai les yeux, rougissant furieusement, ne faisant aucun effort pour cacher mon immense embarras. Je retirai mes mains de mon giron et écartai mes jambes d'un demi-centimètre, me laissant délibérément me sentir encore plus gênée, jouant le jeu et pas seulement un rôle, car je ressentais très exactement le fait de jouer cela. Ou du moins que je jouais ce que je ressentais. Enfin, il s'agissait de la chose la plus honnête que j'aie jamais faite.
« Et maintenant, » me dit-il, « Tu te sens comment ? Tu aimes ? »
« Non, », lui répondis-je, « sincèrement, je le crois. Je n'en suis pas sûre. »
« Et, tu te sens... excitée ? »
« Oui. » Je pris conscience que c'était la vérité vraie, à prendre ou à laisser.
« Tu veux qu'on s'arrête là ? »
Une autre pause. « Non, » lui dis-je, « ...non. »
« Rappelle-toi, tu es mon esclave. Je vais te dire de faire une chose que tu pourrais trouver ridicule, mais je ne veux pas que tu en ries. Tu dois le prendre au sérieux. En restant assise à ta place, je veux que tu fasses quelque chose, n'importe quoi, que tu penses que je pourrais trouver sexy. » Alors qu'il disait cela, il se tourna vers la cheminée pour allumer le feu. Il me tournait le dos.
Faire un truc sexy ? C'est comme si j'avais à faire des devoirs ; il avait prononcé sa phrase comme un instit, j'avais vraiment failli éclater de rire. Je n'avais pas la moindre idée de quoi faire. Prétendre être une porno-star ? Souffler des baisers ? Me tortiller en faisant des moues engageantes comme elles le font dans les nanars classés X ?
Je fis un essai en posant mes mains sur mes seins et en me triturant les mamelons. Ils étaient déjà érigés à cause de la fraîcheur du soir et de l'excitation ambiante. Après, je ne sus pas quoi faire d'autre, aussi je continuais à les frotter, bien que le bout de mes seins soient déjà rendus très sensibles, et malgré que les aréoles en soient plissées, dures et douloureuses. J'étais toujours excitée, mais je n'avais pas d'idée pour la suite. Il m'en vint une. Je tomberais le haut : je ferais un strip-tease. Ouais ! C'est ça. Chic. Je posai ma main sur la fermeture-éclair du cou et je la baissai à demi.
« Stop. » Je me figeai. « Appuye-toi sur l'accoudoir du sofa et ferme les yeux. » Je le fis. « Caresse-toi encore. » Je le fis. Je trouvais que c'était bien plus facile de suivre des ordres que de m'en inventer. De toute façon je ne serais jamais une bonne strip-teaseuse. Je n'ai pas la gestuelle.
« Mets tes mains plus bas. » Qu'est-ce qu'il voulait que je fasse ? Mes mains rampèrent jusqu'à la ceinture. « Plus bas. » Voulait-il que je me caresse ? Je n'étais pas prête à ça. Je ne le ferais pas. Pas s'il me regarde. C'était bien trop bizarre. « Plus bas, » me répéta-t-il, en insistant.
Je posai ma main tout en bas, plus pour couvrir ma nudité que pour faire ce qu'il désirait. Je sentis l'humidité engendrée par ses premières caresses, et je ressentis très fort ma main posée sur mon sexe. Mais il n'était pas question que je me caresse, je ne le pouvais pas, pas face à lui. Et, alors que j'étais assise ainsi et que nul ne disait rien, je me mis à penser qu'il n'allait peut-être pas me demander ça. Il m'avait poussé dans mes derniers retranchements et il avait l'air de le savoir. Il me laissa là, assise, couverte de mes mains, extrêmement consciente d'être exposée et sur une corde raide, rêvant de n'avoir pas été aussi loin que je ne l'avais été, rêvant de n'avoir jamais enlevé mes poils, ne me sentant pas précisément effrayée, mais très peu sûre que ce fût là quelque chose dont j'avais envie. Et dire qu'il n'y a qu'un instant, alors qu'il m'embrassait en me caressant, je m'apprêtais à jouir. Un vrai tour de grand-huit.
« Je sais que ça a été dur pour toi, » commença-t-il, « mais il y a une logique à ça. Tu te souviens du soir où nous avons fait la Liste. Nous avions parlé de nos motivations, aussi. Je t'avais dit des choses sur moi que je n'avais jamais avouées à personne. Et que je n'avouerais jamais. Et tu m'en avais dit des choses, toi aussi. Tu te rappelles ? » Je hochai la tête sans piper mot ni deviner où il voulait en venir. Il bascula un interrupteur au mur et le spot s'éteignit. Son visage était éclairé par dessous, à la lueur du feu. J'étais immobile. Ma main était encore en place, et mon attention se divisa soudain entre son discours et le point de mire de ma main.
« Tu m'avais dit que l'un de tes désirs était que quelqu'un te prenne parfois en charge. Que des fois tu en avais assez d'avoir à sans cesse t'occuper de tout. Je suis certain que c'est partiellement la tension quotidienne de ton travail qui te fais te sentir ainsi. Parfois aussi tu voulais être celle dont on prend soin et qu'on protège. Tu voulais appartenir à quelqu'un, avoir quelqu'un sur qui tu puisses compter, quelqu'un de sûr. À présent ce n'est pas ce que tu ressens, je le sais. Pourtant c'est ce que j'exige de toi. Je veux te faire mienne. Complètement. C'est ma façon d'accomplir cela. Je te connais suffisamment bien pour être sûr que tu serais bien trop honteuse de laisser n'importe qui d'autre te voir épilée. En enlevant tes poils pour moi tu as fait un pas dans le sens de devenir mienne. »
J'étais concentrée sur ma main. Tu parles trop, pensai-je. Il continuait.
« C'est pourquoi ta gêne et un don précieux pour moi. C'est un sentiment que je sais que tu n'accorderais à personne d'autre. Je ne veux pas même que tu puisse être capable de l'offrir à quelqu'un d'autre. Je te veux pour moi, totalement, entièrement livrée à moi. Tout ce que je ferais dans les semaines à venir ira dans le sens de t'aider à te faire devenir cette personne. Je veux te posséder totalement. »
Quelque chose dans ce goût-là. Je n'étais pas entièrement concentrée, mais j'avais capté l'essentiel. Quand il aborde les aspects psychologiques de notre liaison, il le fait sur un ton très cérémonieux. Comme s'il avait préparé son discours à l'avance.
Néanmoins, je commençais à comprendre. Cela me fit vraiment chaud au cœur d'apprendre qu'il désirait que je lui appartienne. Avec un grand A. Comme une esclave. Je commençais à entrevoir qu'il existait plusieurs niveaux sous-jacents, dans ce jeu - des choses auxquelles il avait bien plus songé que moi-même. Alors qu'il continuait à parler, je commençais aussi à comprendre exactement où nous allions et ce qui se passait. Déjà, je me détendais légèrement et je me sentis à l'aise. Toutes les pièces du puzzle se mettaient en place. Quand il dit vouloir que je sois son esclave, il n'entend pas sa servante, mais une personne engagée de manière absolue et sans limitations. J'écartai de moi l'idée qu'il avait ça en tête depuis le tout début, il y a six mois, et même peut-être bien avant que nous n'ayons commencé à échanger ces lettres érotiques. Comme il ressassait d'une voix sourde, (il a tendance a trop expliquer, parfois) mon esprit se mit en errance.
Paradoxalement, son désir m'offrait une sorte de pouvoir sur lui : il lui serait difficile d'en retrouver une qui aurait l'envie d'être aussi profondément livrée : la Liste contenait des trucs passablement intimes ; très peu de femmes iraient jusque là. Et, tout ce qu'il pourrait me faire marquerait la mesure de son engagement, car la Liste m'offrait tout loisir de réagir de façon équivalente. Il pouvait me faire s'ouvrir à lui autant qu'il le voudrait, il deviendrait lui-même tout aussi vulnérable si seulement je décidais d'exercer mes droits. Vulnérable à moi. Ma dernière pensée cohérente fut :
La Liste est mon filet de sécurité. Il n'irait pas au delà de ses limites. Elle est par ailleurs l'indicateur tangible et direct de notre engagement commun.
Je n'avais pas alors aussi clairement conscience que ce que ces mots impliquaient, mais l'idée était en place, et elle me réconforta.
Je repris soudainement conscience de ma main, toujours posée Là où il me l'avait demandé, et mes pensées s'arrêtèrent tout net. Je ne parvenais plus à suivre son monologue. Je ne sentais plus que le poids et la chaleur de ma main posée sur un mont de Vénus glabre et satiné, à travers le tissu moite et si ténu. J'en percevais chaque fil. Je pris conscience de l'élastique tirant entre mes fesses, de la tension de mes seins... La tentation fut irrésistible d'appuyer ma main un peu plus. Mes yeux fermés partirent à la dérive et mes hanches remuèrent, apparemment d'elles-mêmes.
Je fus soulevée brusquement. J'étais devant la cheminée ; il se tenait derrière moi et me maintenait fermement les poignets sur les flancs. Je luttai faiblement pour tenter de me recouvrir, mais j'étais bel et bien immobilisée.
« On pourrait s'arrêter maintenant, il te suffit d'un mot. Une fois de plus : as-tu envie d'aller plus loin ? L'engagement absolu ? »
J'avais compris ce qu'il me demandait, mais j'étais incapable de penser. Je ne savais même pas pourquoi il me demandait ça. Il n'y avait rien à redire, c'était inutile. Je sais qu'il est préférable d'éviter les clichés, mais le temps était comme suspendu. Réellement. Le feu crépitait et les flammes vacillaient. Je sentais la chaleur de l'âtre traversant la mince pellicule de tissu, et son souffle chaud dans la nuque. Je fixais le feu, immobile, sans respirer, soudainement apaisée, sereine et avec - curieusement - bien plus de maîtrise sur moi que lui-même.
Il est étrange qu'une décision aussi importante puisse se prendre avec si peu d'effort. C'était comme si j'avais guerroyé toute ma vie durant et qu'au beau milieu j'aie simplement décidé de tout laisser tomber et d'abandonner le champ de bataille. Je voulais tant renoncer. Et donc, nonchalamment, presque avec insouciance, d'un seul mot, j'abandonnai la forteresse que j'avais inconsciemment défendue toute une vie.
« Oui. »
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